Grèce: l’allégement de la dette se profile

Ne dites pas au ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble que la négociation sur un allégement de la dette grecque, dont il ne veut pas entendre parler, a déjà commencé : cela le mettrait très en colère. Formellement, il aurait raison. Mais en pratique, les travaux ont déjà bel et bien commencé. À l’issue de sa réunion spéciale sur le programme de sauvetage grec, l’Eurogroupe (les 19 ministres des Finances de la zone euro) ont convenu être « disposés à envisager, si nécessaire, des mesures (…) pour maintenir la soutenabilité de la dette à long terme. » [scald=1017030:sdl_editor_representation] Est-ce déjà nécessaire ? « On n’est pas encore d’accord là-dessus », répondait le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem. Qui avouait dans le même souffle son « impression qu’un problème de soutenabilité va se poser et qu’il faudra le traiter ». Il a donc été convenu de mandater le Mécanisme européen de stabilité (le « FMI européen ») afin d’étudier la question. Mais tous les ministres ont dû prendre connaissance, comme Le Soir , du contenu d’une première étude officieuse réalisée par le MES : elle indique « de sérieuses inquiétudes sur la soutenabilité de cette dette à long terme ». Comment alléger le fardeau ? Jeroen Dijsselbloem comme Klaus Regling, le patron du MES, ont évoqué sans chichis les pistes possibles de ce fameux allégement de la dette qui avait été promis à la Grèce en juillet dernier en échange de l’exécution de son premier volet de réformes. « Mais il y a des lignes rouges , expliquait Dijsselbloem : pas de réduction nominale de la dette, et pas question de toucher aux mesures prévues au plan de sauvetage. » Que reste-t-il alors dès lors comme possibilités pour alléger le fardeau de cette, qui pèse quelque 180 % du produit intérieur brut (PIB) de la Grèce ? Des allongements des durées de remboursement, des périodes de grâce, et le report de paiement d’intérêts. « Une combinaison appropriée [de ces mesures] permettrait de ramener la dette grecque à un niveau soutenable en termes de besoins bruts de financement, sans réduction nominale. » Dans le scénario le plus favorable esquissé par le MES, la maturité moyenne pondérée des prêts serait prolongée de cinq ans, le plan d’amortissement limiterait les remboursements à 1 % du PIB jusqu’à 2050, et les taux seraient limités à 2 % : les remboursements de toutes charges d’intérêt dépassant ces 2 % seraient reportées après 2050. L’idée principale, et cela aussi devra être convenu entre les partenaires, serait de fixer un ratio de référence maximal du rapport entre les besoins en financement et le PIB. (Entre 20 et 30 %, évoquait informellement une source de haut niveau.) Les dernières conditions d’Athènes Reste tout de même à Athènes – et c’est là que M. Schäuble n’a pas dit son dernier mot – à remplir quelques « dernières » quelques conditions. Elles sont liées à la conclusion favorable de la première évaluation du troisième plan de sauvetage grec. Primo : après le vote par le Parlement dans la nuit de lundi à mardi de la réforme des retraites et des impôts, Athènes a atteint 2 % de réduction de son déficit structurel, mais il lui reste à faire passer les dernières réformes (salaires publics et TVA) devant générer un troisième pour cent d’économies. Secundo : afin de satisfaire le Fonds monétaire international, il a été convenu lundi qu’Athènes va élaborer des mécanismes de correction automatique en cas de déviation de sa trajectoire budgétaire. Le FMI prévoit que le plan actuel amènera la Grèce à un solde primaire de 1,5 % en 2018, et non de 3,5 % comme pronostiqué par la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Comme le FMI n’a pas encore rejoint le dernier plan de sauvetage, exigé par l’Allemagne et quelques autres pays nordiques (contre l’avis, par exemple, de la France… et de la Grèce), Athènes s’est une nouvelle fois fait prier de céder : elle doit légiférer sur ces mesures correctrices « pour le cas où ». « Toute la difficulté sera d’équilibrer le degré de spécificité voulue par le FMI pour ces mesures, et la marge d’imprécision souhaitée par le gouvernement grec, évoquait notre source. Le risque de complications sérieuses à ce niveau n’est pas nul. » Enfin, Athènes doit encore, comme prévu au « mémorandum » d’août 2015, élaborer une stratégie de gestion des crédits douteux, et créer son fonds de privatisation, dont les résultats iront partiellement à la réduction de la dette, et partiellement à des investissements dans l’avenir. Les 19 ministres des Finances et les institutions impliquées (Commission, BCE, FMI), se sont quittés sur la promesse de faire aboutir les travaux des uns et des autres pour la prochaine réunion de l’Eurogroupe prévue le 24 mai. « Nous allons encore beaucoup nous réunir », lâchait un expert du Groupe du travail de l’Eurogroupe, qui prépare toutes les réunions des 19 ministres.

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