Accueil Opinions Cartes blanches

Les assistés fiscaux, une espèce protégée

Les critères européens de lutte contre l’évasion fiscale restent beaucoup trop faibles.

Carte blanche - Temps de lecture: 4 min

La semaine dernière fut riche du point de vue de l’injustice fiscale. Entre l’industrialisation à l’échelle mondiale de l’évasion fiscale qui n’a surpris personne, l’inaction coupable de décideurs politiques complices et une réforme de la taxation des multinationales qui prend l’eau de toutes parts, nous sommes bien dans l’ère de la criminalité financière organisée. Et dans ce monde-là, on dorlote ses assistés fiscaux.

Rien de neuf sous le soleil des Seychelles. Les Pandora Papers, révélés par la presse et non par le fisc, nous rappellent ce que nous savions déjà : les riches particuliers et les multinationales utilisent les paradis fiscaux pour éviter de payer leur juste part d’impôt. Ils font sécession de la solidarité nationale pour laisser peser le poids de celle-ci sur le reste de la collectivité qui paie diligemment l’impôt. Ce faisant, ces assistés fiscaux participent à un système qui nourrit criminalité et corruption.

A chaque révélation de ce type de scandale, on nous promet de lutter contre l’évasion fiscale. Et pour cause, celle-ci prive chaque année la Belgique de près de 30 milliards d’euros. Ces moyens substantiels devraient être investis dans une éducation de qualité, dans des soins de santé accessibles, dans des infrastructures efficaces au bénéfice de l’ensemble des citoyens ainsi que dans l’action contre le dérèglement climatique à l’échelle nationale et internationale.

Des chefs d’Etat, plus de 300 décideurs politiques, qui sont supposés agir contre ces pratiques alimentent en fait allègrement le système. Au Liban, par exemple, l’oligarchie du pays est championne du monde en nombre de création de sociétés offshore alors que le pays est au bord de la banqueroute et que le peuple libanais subit une crise économique et sociale sans précédent.

Une liste noire des paradis fiscaux bien délavée

Mais ce n’est pas tout. Hasard du calendrier, les ministres des Finances européens se réunissaient au lendemain de la fuite des Pandora Papers pour mettre à jour la liste noire des paradis fiscaux de l’UE. Cette liste, bien vide, pourrait être l’étendard du manque d’ambition de nos décideurs dans la lutte contre l’évasion fiscale. À lire aussi Pandora Papers et abus fiscaux: une lutte aux airs d’histoire sans fin

En effet, elle ne comporte qu’un seul des 17 paradis fiscaux où opèrent les banques de l’UE. Pire, avec la suppression d’Anguilla de sa liste noire, l’UE ne recense actuellement plus aucun pays parmi les 12 pays du monde ayant un taux d’imposition de 0 %. La liste noire n’inclut pas un seul des 15 paradis fiscaux identifiés en 2016 par Oxfam, dont des pays qui se trouvent au cœur de l’Union ! Or si comme l’assène la Commission européenne elle-même, cette liste se veut réellement « objective, efficace et crédible », le fait que plusieurs États membres qui sont des paradis fiscaux notoires (comme l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas) n’y figurent pas nuit considérablement à la crédibilité européenne en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Il serait pourtant simple de créer une véritable liste noire des paradis fiscaux en y plaçant automatiquement tous les pays à fiscalité nulle ou quasi nulle et en évaluant l’absence d’activité économique des entreprises dans un pays.

Un taux maximal d’imposition pour les multinationales

D’un autre côté, on nous a vendu juste avant l’été un accord supposément historique sur la taxation des multinationales. Alors que l’on assiste à la plus forte augmentation de l’extrême pauvreté depuis des décennies, le cadre à deux piliers de l’OCDE va pourtant accroître les inégalités mondiales et priver les pays à faibles revenus de fonds indispensables qui pourraient les mettre sur la voie d’une reprise plus équitable. À lire aussi Notre dossier sur les Pandora Papers

La clé de répartition des revenus (deux tiers des recettes iront aux pays riches), le rejet de plusieurs propositions formulées par le G24 et le Forum africain de l’administration fiscale (Ataf), les difficultés rencontrées par les pays les moins riches pour participer efficacement aux négociations et l’intimidation qu’ils ont subie de la part de leurs interlocuteurs européens afin de les pousser à approuver l’accord de l’OCDE ont laissé un goût amer et mis en évidence un clivage Nord-Sud sur les questions fiscales.

De plus, tout porte à croire que, pour faire plaisir à l’Irlande, le taux d’imposition minimal sera définitivement fixé à 15 % sans possibilité de le réévaluer. Avec ce taux au rabais, agrémenté d’une multitude d’exceptions (soutenues par la Belgique) permettant aux multinationales de baisser leur taux effectif en dessous de 15 %, la course au moins-disant fiscal s’intensifiera. Le taux minimum deviendra ironiquement le taux maximum d’imposition des multinationales.

En lieu et place de l’indignation doit pourtant venir le temps de l’action et du volontarisme. Aujourd’hui, les initiatives internationales permettraient d’obtenir plus de justice fiscale. Elles sont là, devant nous. Ne pas s’engager de façon ambitieuse dans cette voie, c’est être complice d’un assistanat fiscal insupportable qui fait peser sur les plus vulnérables le poids démesuré de la cupidité des plus riches. À lire aussi Notre dossier sur les grandes enquêtes sur l'évasion fiscale

 

À lire aussi Notre dossier sur les grandes enquêtes sur l'évasion fiscale À lire aussi Notre dossier sur les Pandora Papers À lire aussi Pandora Papers et abus fiscaux: une lutte aux airs d’histoire sans fin

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info

6 Commentaires

  • Posté par Desmet Marc, lundi 18 octobre 2021, 8:33

    Les banques et fraudeurs doivent payer!!! Mare de payer A LEUR PLACE.

  • Posté par Nica Petre, mercredi 13 octobre 2021, 13:33

    En réalité le MR ne protégé pas les classes moyennes qui elles sont bien taxées suite à l'accord Vivaldi et sans solidarité, mais bien les patrons et les grandes familles belges qui nous sereine solidarité et patriotisme alors qu'eux faut tout le contraire et en toute impunité. J'écris MR mais les autres partis dits démocratiques sont tout aussi coupables au mons par omission.

  • Posté par Bouram Cedric, mardi 12 octobre 2021, 23:50

    Pendant ce temps là, le MR nous expliquent que le problème c'est les chômeurs.

  • Posté par Lambert A., mercredi 13 octobre 2021, 13:36

    C'est bien sûr, le MR préfère culpabiliser les chômeurs que ses protégés fiscaux et pour ces derniers, en arrive même à justifier l'injustifiable !

  • Posté par Kabbedijk Irène, mardi 12 octobre 2021, 18:40

    Une espèce protégée... et donc pas près de disparaître.. hélas!

Plus de commentaires

Aussi en Cartes blanches

Voir plus d'articles

Le meilleur de l’actu

Inscrivez-vous aux newsletters

Je m'inscris

À la Une