Culture: vers une nouvelle «nouvelle gouvernance»?

En commission culture du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, majorité et opposition n’ont été d’accord ce mardi que sur un point : les désignations politiques de mars au sein des opérateurs culturels ne se sont pas déroulées tel que souhaité, les uns prêtant à la ministre de la Culture Bénédicte Linard (Ecolo) un double discours, la ministre et son groupe politique répondant que le décret sur la nouvelle gouvernance culturelle adopté en 2019 par la majorité PS-CDH n’était pas pleinement opérationnel. Bref, pour reprendre les mots de la députée Amandine Pavet (PTB), « ce n’est pas une belle histoire pour la gouvernance et la transparence ». Confronté au silence assourdissant du PS qui aura laissé Ecolo tirer les marrons du feu au profit de ses partenaires de gouvernement, le CDH semblait porter seul la paternité de ce décret et de ces manquements présumés. Constatant que le gouvernement n’a pas réalisé d’appel public avant désignation des représentants « politiques » dans les CA et ne leur a fait signer aucune charte de bonne gouvernance (deux prescrits qui figurent pourtant dans le décret), le député Benoît Dispa (CDH) estime qu’« en matière de dépolitisation, de transparence, vous (NDLR : Mme Linard) nous faites régresser. Cet écart entre ces pratiques de politisation et votre discours de dépolitisation est insupportable. » Même écho chez Mme Pavet : « Vous parlez d’une “transition que vous avez dû accepter”. Le problème c’est que ce n’est pas une transition : entre vos mots et les faits, il y a un grand écart qui ne nous permet pas de croire qu’on va vers un mieux. » Le chef de groupe Ecolo Matteo Segers est venu à la rescousse de sa colistière en soulignant que le texte du décret Greoli « était mal fichu, une usine à gaz. Ce n’est pas pour rien que nous nous sommes abstenus (de le voter sous la précédente législature). Oui, le gouvernement a la responsabilité de devoir appliquer un décret qui ne fonctionne pas. » Sept pistes sur la table On ne réconciliera pas les deux bords sur l’interprétation des errements de mars, mais il était permis d’ouvrir un débat axé sur les solutions. C’est ce qu’a tenté la ministre de la Culture dans une réponse détaillée. Après avoir évoqué il y a quinze jours, en séance plénière, une sortie par le haut, puis avoir donné quelques éléments de réponse dans notre journal samedi, Bénédicte Linard a répété avoir, à son sens, « hérité d’un texte non achevé, impossible en l’état à mettre en œuvre », et qu’elle entend « réviser fortement », notamment le Titre III, « la partie du décret sur les représentants » de la Fédération dans les CA culturels. Plusieurs pistes de révision sont explorées, pour ce qui pourrait dès lors devenir une « nouvelle “nouvelle gouvernance” ». D’abord, « définir un périmètre clair, basé sur des critères objectifs et faciles à appliquer, permettant d’identifier les opérateurs culturels dont la composition des organes sera balisée par la réforme, par exemple sur la base du montant de la subvention attribuée ou du fait que l’institution occupe ou non un bâtiment qui appartient à la Fédération. » Autre piste : « associer les tendances politiques autrement qu’au travers des mandats d’administrateurs. Un rôle uniquement consultatif pourrait être envisagé, de même qu’un abandon de la clé D’Hondt, au profit d’une représentation égale de toutes les tendances. » Par ailleurs, il est sans doute possible « d’objectiver la désignation des administrateurs et administratrices sur la base d‘autres critères que l’appartenance politique : l’expérience, la diversité des profils, l’équilibre des genres, etc. » Ensuite, la ministre réfléchit à « assurer la transparence et la publicité du processus et éventuellement supprimer l’intervention du gouvernement dans les processus de désignation, en responsabilisant l’opérateur culturel dans la mise en œuvre de ce processus. » Pourquoi ne pas « limiter les mandats dans le temps lorsque le cadastre pourra être établi sur la base d’un périmètre plus clair » ? « Est également explorée la piste d’abandonner la représentation directe de la Fédération dans les plus petits organes associatifs. » Enfin, Bénédicte Linard réfléchit à « exercer un contrôle sur l’opérateur (du moins ceux fonctionnellement liés à la FWB) par le biais d’observateurs, par exemple des fonctionnaires qui ne feraient pas partie des organes associatifs mais pourraient assister à leurs réunions, ou au travers des moyens classiques de contrôle des subventions. » « Je n’ai pas de tabou », conclu la ministre, « mon objectif est d’améliorer la gouvernance et la transparence. Le travail est en cours. » Le seul écho favorable est venu du camp Ecolo à nouveau : « Effectivement, cette question de gouvernance doit être travaillée », reprendra Matteo Segers. « Nous sommes prêts à avancer. Les ambitions que nous avons, c’est un maximum de représentation de la société civile dans un maximum d’acteurs de la vie culturelle. » Silence complet dans les rangs du PS (qui a cultivé sa présence dans les CA culturels) et du MR (qui vient juste d’y faire une percée appréciable). Benoît Dispa a remarqué que la ministre « ne manquait pas de toupet » dans la mesure où il lui revenait d’engager les arrêtés d’application qui auraient permis au décret actuel de fonctionner. Une manière abrupte de signaler à la ministre qu’on l’attend désormais non plus sur le registre des discours mais sur celui des actes concrets.

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