Changer d’habitat avant de vieillir
Comment éviter le gouffre entre « chez soi » et le home de fin de vie ? Une étude de l’UCL fait l’inventaire des habitats alternatifs pour personnes âgées. Des habitats qui favorisent l’autonomie des seniors.


D’abord la maison de ses rêves pour profiter de ses beaux jours… Puis un jour, brutalement, le home s’impose comme cauchemar de fin de vie.
Pour caricaturaux qu’ils soient, ces tableaux de l’existence n’en rythment pas moins le quotidien de bien des personnes âgées. L’ASBL Qualidom – active dans le sud de l’arrondissement de Verviers – en sait quelque chose. Sa préoccupation à elle, c’est le logement en liaison étroite avec les « âges de la vie ».
Le docteur Philippe Dutilleux, président de l’ASBL Qualidom, en distingue quatre : après la période d’apprentissage, après la vie active qui se termine brutalement avec la retraite, arrive « l’envol, associé à l’estompement progressif des capacités » souvent suivi d’une période de réduction importante des capacités fondamentales. Arrivé à ce quatrième âge, la question du logement sonne aussi brutalement que la retraite : en dehors de quelques services à domicile, il n’y a souvent guère d’autre choix que la maison de repos.
C’est pour trouver des solutions à cette rupture que l’ASBL a relayé auprès de l’UCL et de la Fondation roi Baudouin sa préoccupation principale : « Quels sont les habitats capables de soutenir l’élan vital des personnes âgées tout en compensant leur perte d’indépendance ? » De régionale, la préoccupation est devenue nationale, voire internationale puisque la génération qui entre dans le troisième âge aujourd’hui – issue du baby-boom – affole tout autant le budget « retraite » que les titulaires des politiques d’hébergement. Une génération plombée, au bout du chemin, par diverses craintes : l’atténuation des facultés cognitives, la perte de mobilité, la diminution des rapports sociaux…
Pour répondre à ces craintes, le professeur Olivier Masson, auteur de l’étude et ingénieur-architecte, estime que le troisième âge est « la » période des décisions, celle où on peut envisager d’autres formes de logement afin de basculer plus tôt vers un habitat adapté à l’âge, « un habitat qui supporte l’interdépendance et l’autonomie des personnes âgées ». Ou comment mettre l’architecture au service de questions sociales.
Comment, précisément ? L’équipe constituée autour d’Olivier Masson – comprenant notamment le sociologue Damien Vanneste, de l’Université catholique de Lille – s’y est employée, établissant tout d’abord un outil informatique pour construire une typologie des « logements supports » de par le monde. Elle va de la simple mise en réseau téléphonique de personnes isolées jusqu’à l’habitat groupé intégrant personnes âgées et handicapées, en passant par l’hébergement d’un étudiant chez une mamy de substitution.
En fonction du nombre de personnes concernées et de la présence d’une aide extérieure (épisodique ou permanente, intégrée ou pas à la vie privée), les chercheurs déterminent une douzaine de logements supports types. En introduisant d’autres variables (intergénérationnel ou pas, initiative des habitants ou d’une institution extérieure, espace collectif ou pas…), on aboutit à 88 modèles de « logements supports »… Des modèles existants ou à créer.
On rejoint là l’objectif de l’outil informatique en ligne (1) : un rapide questionnaire permet de guider les choix et, éventuellement, de solliciter de plus amples informations. Il sert ainsi de base de réflexion pour les décideurs en quête d’une nouvelle forme d’habitat.
Les décideurs ? « Les futurs seniors qui veulent prendre leur avenir en main, les institutions publiques et les promoteurs. » Pour que le changement d’habitat ne se résume pas à échanger sa maison contre un appartement sans service ajouté.
(1) Le site est hébergé pour quelques heures encore à l’adresse http://host.guillaumefoucart.be/qualidom. Ensuite www.habitatetvieillissement.be.
Cinq modèles d’habitats supports
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Un toit, deux âges
L’association « 1 toit, 2 âges » existe depuis les années 90 un peu partout dans le monde. Elle vise un double objectif : rompre la solitude des personnes âgées et faciliter l’accès au logement des étudiants. Elle met en rapport des seniors
disposant d’une chambre avec des étudiants en quête d’un logement à moindres frais. Outre une source de revenus liée à l’occupation d’une chambre laissée vide, la formule offre aux seniors une présence rassurante et quelques moments de convivialité.
Le jardin ou palier partagé
A mille lieues du conteneur au fond du jardin évoqué récemment en Flandre, cette formule préconise la construction d’un pavillon ou d’une annexe à un bâtiment existant. La maison familiale (ici en Suisse) devenue trop grande pour un ou deux seniors devient alors le nid des enfants, tandis que les parents âgés emménagent à deux pas, tout en gardant leur indépendance. Le palier partagé – les maisons bruxelloises se prêtent bien à la formule – est la variante urbaine de cette solution.
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La maison Mivelaz
Véritable immeuble intergénérationnel ouvert sur la ville de Lausanne, la maison Mivelaz compte 39 logements dont 5 sont réservés à des familles avec enfants. L’entraide et la dynamique entre les habitants sont renforcées par des accords avec des services d’aide et de soins proches, renforcées aussi par la connexion avec le quartier : une douzaine de bénévoles contribuent à animer l’espace sous la houlette d’une « référente de maison », véritable animatrice sociale.
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Revalidation à la ferme
Dans l’ouest du Brabant wallon, un couple d’infirmiers a développé cette structure à mi-chemin entre le domicile, l’hôpital et le gîte.
Le projet, qui a d’ailleurs statut de logis de vacances, a été développé pour accueillir temporairement des personnes âgées à la sortie de l’hôpital (à cet effet, des soins sont prodigués par les propriétaires, polyvalents). La proximité de la nature et des animaux prodigue au passage des bienfaits thérapeutiques sur la santé des personnes.
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Vieux adultes et jeunes handicapés
On est ici dans le Pas-de-Calais, sur un projet favorisant la mixité intergénérationnelle et sociale dans toute sa splendeur. Les 70 logements sont répartis entre des appartements destinés à des personnes âgées non dépendantes, des couples avec ou sans enfants, des logements luxueux, et des… jeunes adultes trisomiques autonomes. Crèche et bureaux complètent l’ensemble.
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