F-16 belges en Syrie: la Belgique veut s’aligner strictement sur les Pays-Bas

Le gouvernement de Charles Michel a décidé ce vendredi matin d’élargir la mission des F-16 belges qui vont retourner, fin juin, au Moyen-Orient : ils pourront frapper des cibles de Daesh également en Syrie. Ce n’est pas une surprise : il est question de cet élargissement depuis plusieurs mois . Notre pays n’a donc pas révisé ses plans suite aux attentats du 22 mars… La guerre contre Daesh change cependant de base juridique. En Irak, les forces de la coalition conduite par les Etats-Unis agissaient à la demande du gouvernement légal. En Syrie, il n’en est rien. La Belgique fondera son mandat sur la résolution 2249 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui demande aux Etats d’éliminer le sanctuaire de Daesh en Irak et en Syrie, et sur l’article 51 de la Charte des Nations Unies consacrant le droit à la légitime défense collective. Six chasseurs-bombardiers belges avaient déjà été déployés en Jordanie entre octobre 2014 et fin juin 2015. Dans le cadre d’une tournante avec les Néerlandais, ils reprendront leurs opérations à partir de ce 1er juillet. Les Néerlandais avaient également, en février dernier, élargi à la Syrie le champ de leurs bombardements contre Daesh. Les F-16 néerlandais n’ont cependant effectué que quatre raids en Syrie depuis l’extension de leur mission, a indiqué vendredi la ministre néerlandaise de la Défense, Jeanine Hennis-Plasschaert. [scald=1035054:sdl_editor_representation] Daesh joue à saute-mouton Comment la force aérienne belge perçoit-elle l’extension de sa mission ? Début mars déjà, de manière explicite, le patron de la Composante Air, le général-major aviateur Frederik Vansina avait défendu la cohérence d’une opération irako-syrienne, jugeant que cela avait peu de sens de ne poursuivre un ennemi que sur une partie de son territoire. Pourquoi laisser Daesh jouer à saute-mouton par-dessus la frontière et trouver refuge dans le sanctuaire syrien ? De manière anonyme, un aviateur de haut rang, qui a pris part à la majorité des opérations aériennes belges depuis le Kosovo, nous confirme par ailleurs qu’il n’existe guère de différence opérationnelle entre la Syrie ou l’Irak. « Le seul souci, c’est la présence des Russes dans l’espace aérien syrien, et c’est une donne qu’il faut déconflictualiser . C’est pour cette raison que les Néerlandais que nous allons remplacer ont obtenu d’opérer plutôt à l’est de la Syrie, cependant que les Russes restent déployés davantage à l’ouest. C’est pour cela qu’il sera très intéressant de s’inscrire dans le droit fil de la mission qu’avaient obtenue les Néerlandais. Nous savons que nos avions ne seront pas seuls dans le ciel syrien, il y a beaucoup de monde dans cet espace aérien, mais nous nous inscrivons dans une coalition qui assure une coordination au plus haut niveau entre les différents acteurs, entre forces armées, pour que l’opération ne tourne pas à un conflit avec les Russes. » Fin de l’hiver, des sources au sein de la force aérienne allemande, la Luftwaffe, avaient noté que leurs appareils étaient systématiquement suivis par des appareils russes, ce qui augmentait la tension des opérations. Notre aviateur anonyme ne prend pas cette mise en garde très au sérieux, et pointe l’absence de la Luftwaffe de la grande majorité des campagnes aériennes récentes à caractère offensif. « Peut-être sont-ils impressionnés outre mesure par des réalités qui, pour les pilotes belges, sont juste coutumières. Entre les chasses aériennes de la Russie et de la Turquie, il y a effectivement eu des problèmes, mais la situation est un peu différente entre les Russes et les autres nationalités de la grande coalition à laquelle la Belgique appartient : nous nous coordonnons. » [scald=1035083:sdl_editor_representation] La dimension politique Une autre question a peut-être conditionné la décision belge de s’engager désormais à la fois en Irak et en Syrie : la volonté de s’aligner strictement sur les Pays-Bas, dont les chasseurs ont tout de même sauvé la mise de la Belgique lorsque, pour des raisons budgétaires, Bruxelles a décidé de retirer ses F-16 de Jordanie. Car il n’est pas inutile de rappeler que, si la Belgique relève aujourd’hui les chasseurs néerlandais dans une opération « flip-flop » (alternance de forces), ces mêmes chasseurs néerlandais ont eux-mêmes relevé les chasseurs belges initialement déployés. Avait-on vraiment le choix de ne pas accepter de reprendre la mission néerlandaise, toute la mission néerlandaise ? « Chaque nation conserve sa souveraineté, note notre aviateur chevronné. La Belgique aurait très bien pu refuser : la Belgique reste souveraine, même au risque d’engendrer le mécontentement des Pays-Bas. Mais il est sans doute plus élégant, c’est vrai, de s’inscrire dans la droite ligne des Néerlandais. Car en somme, c’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de partenariat : si on a vraiment envie de travailler avec les Néerlandais aujourd’hui, ou demain avec les Français, il faut aussi avoir la volonté politique de faire la même chose. On parle souvent de l’uniformisation du matériel, mais si on veut coopérer un jour de manière étroite, faire une Europe de la Défense, il faut aussi que les politiques s’alignent un peu. Si un jour on achetait des avions Rafale pour remplacer les F-16, la France et la Belgique deviendraient des alliés qui devraient faire un peu la même chose en termes de mission. Quand on coopère avec les Néerlandais sur le partage d’une mission aérienne, il est normal qu’on tende à partager non seulement les hangars ou la protection de force mais aussi un peu des orientations opérationnelles. »

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