Climat: la surveillance vient de l’espace

Pour les uns, c’est un « game changer », pour les autres l’accord ne va assez loin et il est trop peu précis. L’annonce, mardi à la COP26 de Glasgow, d’un engagement pour la réduction des émissions mondiales de méthane a en tout cas fait parler d’elle. Plus de cent pays, dont la Belgique, ont promis de réduire les rejets de 30 % en 2030 par rapport à 2020. Même si l’accord ne contient aucun objectif national, il serait bien utile, s’il est atteint. La limitation de ce gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO2 permettrait d’engranger des gains en réduction de la température très rapides vu sa « courte » durée de vie (une vingtaine d’années). [scald=28627362:sdl_editor_representation] Seulement voilà. La création, par le G20, d’un « observatoire international des émissions de méthane », logé au programme de l’ONU pour l’environnement, n’est pas un geste anodin. Objectif : « Fournir des données quasiment en temps réel, fiables et granulaires sur les lieux et la quantité d’émissions de méthane concernées par les mesures d’atténuation ». En clair : tenter d’objectiver les déclarations faites par les opérateurs et par les Etats. « On a besoin d’une entité fiable et indépendante », reconnaît un expert de cette délicate matière. Davantage encore que pour le dioxyde de carbone, il plane encore beaucoup d’incertitudes sur le niveau exact des rejets de méthane. A l’heure actuelle, le rapportage des émissions humaines de CO2 est essentiellement basé sur la consommation d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) et sur la gestion des sols et des forêts. Pour le méthane qui n’est pas issu d’une combustion, c’est plus difficile. Si, en cas de doute, on ne peut pas aller mesurer sur place et qu’on n’a pas accès à tous les documents, pourquoi ne pas passer par « au-dessus » et surveiller de l’espace ? C’est ce à quoi vont de plus en plus servir des satellites dotés de puissantes technologies de détection et couplés à des modèles informatiques de modélisation ultra-performants. Avec les Japonais, les Américains et les Chinois, les Européens font partie des « big brothers » spatiaux. Deux outils sont déjà en l’air, l’instrument Iasi sur le satellite Metop et le satellite Sentinel-5P, dont le spectromètre mesure les quantités d’une série de gaz dont le CO2 et le méthane. Le petit satellite géré par Copernicus sera bientôt relayé par deux ou trois satellites qui formeront la colonne vertébrale d’une capacité européenne de surveillance des émissions anthropiques de CO2. [scald=28627363:sdl_editor_representation] Une aiguille dans une botte de foin « Déterminer les sources de CO2 d’origine humaine à partir de l’espace, c’est un peu chercher une aiguille dans une botte de foin, explique Vincent-Henri Peuch, ddeirecteur du Cams (service Copernicus de surveillance de l’atmosphère). Le cycle naturel du carbone est caractérisé par un très gros flux vers l’atmosphère et un très gros flux de captation. Y déceler une variation, parfois très faible, due à une émission humaine, est une affaire délicate ». Vu sa longue durée de vie (une centaine d’années), le mélange du CO2 historique avec celui qui est fraîchement émis complique encore les calculs. Lancés sans doute en 2025 et opérationnels en 2026, les satellites compléteront les points de mesure à terre. Couplés à un instrument de détection du dioxyde d’azote (NO2), qui sert de traceur plus « local », et à des modèles de « modélisation inverse », ils permettront d’établir des cartes globales du CO2 et de détecter plus finement les principales sources : une centrale électrique, une usine, les émissions d’une ville… On pourra aussi mesurer des rejets plus naturels comme le CO2 émis lors d’épisodes de fonte du permafrost (le sol gelé en permanence dans les régions polaires), ainsi que celui de feux de forêt ou d’incendies « zombies » se consumant pendant des mois en Arctique sous la terre gelée. [scald=28627361:sdl_editor_representation] De quoi détecter des éventuelles « anomalies » dans les inventaires que les pays publient régulièrement. « Personne ne cherche à tricher, poursuit Peuch. Mais calculer les émissions de CO2 est très compliqué ; il est facile de faire des erreurs dans les estimations. Ces calculs ne sont pas faits dans tous les pays et parfois les méthodes diffèrent. Difficile de savoir si les annonces correspondent à la réalité. Nos résultats, avec les chiffres et les cartes, permettront de voir si l’estimation et les concentrations atmosphériques sont raccord. Si la boucle est vraiment bouclée ou s’il y a quelque chose qui n’est pas résolu ». En 2027, promet Copernicus, « nous disposerons d’un système complet opérationnel de mesure ». De quoi alimenter un exercice de bilan mondial qui aura lieu à l’ONU l’année suivante. [scald=28627360:sdl_editor_representation] Si les émissions humaines de méthane ne souffrent pas d’être « noyées » dans un signal naturel très puissant, elles ne sont pas pour autant facilement repérables, parce que plus diffuses. Le méthane est lui aussi mesuré depuis un moment depuis l’espace, ce qui a permis de pointer des dégagements massifs provenant de gazoduc, de champs pétroliers ou gaziers, de mines de charbon ou de décharge. Parfois dans l’ignorance ; parfois dans une grande discrétion, en Russie, en Algérie, aux Etats-Unis… « On produit déjà des cartes et on voit les grosses anomalies, dit Peuch. Les technologies doivent encore être améliorées. Si besoin, le satellite peut jouer le rôle d’alerte, permettant d’actionner d’autres moyens comme des microsatellites ou des drones pour des mesures plus précises. Ce que font les opérateurs de pipeline depuis longtemps. Des accidents d’exploitation peuvent se produire. Il est important de pouvoir mieux les caractériser. Il n’y a pas forcément une volonté de dissimulation des opérateurs : du méthane relâché, c’est de l’argent perdu ».

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