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Orelsan: mon frère, ce héros

Le frère du rappeur a suivi la carrière d’Orelsan depuis ses débuts et raconte son ascension, en toute subjectivité.

Journaliste au service Culture Temps de lecture: 4 min

Entre l’acte de foi et le pari sur l’avenir. En 2003, Clément Cotentin fait l’acquisition d’une caméra et tourne les premiers plans d’un documentaire. Il a dix-huit ans et une certitude, celle de tenir un bon sujet en filmant les faits et gestes de son frère aîné, dans son appartement à Caen, en Normandie. Le frère en question a 21 ans, une bouille d’adolescent, le cheveu ras. Il vit dans un joyeux foutoir, où défile, aussi paumés que lui, sa bande de potes, avachi dans des canapés fatigués. Difficile de parler d’ébullition créative ou d’y voir le terrain propice à l’éclosion d’un projet musical solide. Clément, lui, y croit dur comme fer : son frère Aurélien sera un jour une star, un nom qui pèsera lourd dans le monde du rap et de la chanson en France, même si lui-même l’affirme : il fait du rap, mais sans y croire, pour s’amuser, sans réellement savoir « quoi faire de sa vie ».

Dix-huit ans plus tard, on retrouve Aurélien et Clément à Madagascar, chacun du même côté de la caméra. Le gamin qui se nourrissait exclusivement de pâtes est devenu Orelsan et profite du repos qui prépare la tempête, celle de la sortie de son nouvel album Civilisation, paru vendredi. Clément Cotentin avait eu la bonne intuition. « J’ai toujours aimé partager ce qui me fascinait : ça fait de moi quelqu’un d’un peu chiant car, quand je me découvre une passion, j’en parle toute la journée ! Avec mon frère, c’est ça depuis 20 ans : il me fascine, ses potes me fascinent, sa musique aussi. J’étais à la base hypernaïf et c’est pour ça que j’ai commencé à filmer : je ne voyais vraiment pas pour quelle raison ça pouvait rater », confiait-il récemment à un hebdomadaire français. Avec Montre jamais ça à personne, il livre un portrait attachant du rappeur, utile (indispensable ?) pour comprendre de quelle pâte est fait celui qui renifle aujourd’hui L’odeur de l’essence et ses compositions depuis son premier album Perdu d’avance.

De la galère à la gloire

En six épisodes, le documentaire raconte d’abord les années de galère, au départ de l’appartement normand, où gravitent les potes Skred et Gringe. Tout ce qui fait Orelsan est déjà en place : Aurel écrit, Skread compose, Gringe rôde autour, dans une bonne humeur qui ne masque pas totalement le sentiment que, dans le fond, c’est la galère et que, loin des rêves de percer dans le milieu du rap, le jeune rappeur prend un boulot de veilleur de nuit dans un hôtel de Caen, job « sans responsabilité, ça me convient », explique-t-il face caméra quand le frérot documentariste s’immisce dans l’établissement pour montrer l’envers du décor. Il aurait pu en rester là, fidèle à sa logique « Je vais pas dire que je n’aime pas ce que je fais, sinon je ne le ferais pas » et continuer à préparer les tables de petit-déjeuner, en costume-cravate. Mais la chance s’en mêle.

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La sienne aura été de faire la bonne rencontre, qui en amène d’autres : son pote Skread, aussi cartésien et rigoureux qu’Orelsan paraît foutraque, qui a créé le label « 7e magnitude », a signé chez Warner, et après avoir placé un « instru » pour Booba, a contribué au succès de La boulette de Diams.

L’ascension ne sera pas linéaire, ni simple : le docu montre les difficultés rencontrées par un jeune blanc à se faire un nom dans le monde du rap français, à être légitime tout en n’étant pas originaire de la banlieue parisienne, et à la fois l’innocence avec laquelle Orelsan gère ses débuts. Avant la mue : en 2011, après avoir failli tout arrêter, affecté par la polémique sur la chanson Sale Pute, Orelsan publie son disque Le chant des sirènes et son premier vrai hit La terre est ronde, qui lui vaut une Victoire de la musique. « À partir de là », résume le documentaire, « tout s’est bien goupillé », ce qui fait la matière, plus prévisible, des deux derniers épisodes.

Portrait intime

Avec ce portrait subjectif de 4 grosses heures, Clément Cotentin montre Orelsan de l’intérieur, en mode intime, à la fois grâce aux images d’époque et à des morceaux d’interview récentes, du frérot autant que de ses proches. En ressort l’image d’un Orelsan fidèle à ses racines, à son envie d’être un mec normal, à ses idéaux comme à ses colères, à ses proches, inconditionnellement (à Gringe, entre autres), et surtout à son étoile. Elle ne l’a pas mal guidé jusqu’ici…

Montre jamais ça à personne, sur Amazon Prime Video.

 

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