CST illégal: une personne seule peut-elle paralyser un Etat?
Le tribunal de Namur a rendu une ordonnance taxant d’illégalité le CST. Une décision interpellante qui intervient dans un contexte sanitaire sensible, estime l’avocat Didier Pire.

Nous apprenons que le Président du Tribunal de Première Instance de Namur siégeant en référé a rendu une ordonnance par défaut considérant que le CST créerait une situation d’illégalité apparente. Le Juge a condamné la Région sous peine d’astreinte à prendre toutes les mesures qu’elle estimera appropriées pour mettre un terme à cette situation.
Cette décision est pour le moins interpellante.
Deux précautions introductives. D’abord, nous ne nous prononcerons pas sur le fond du problème : nos connaissances sur le sujet ne dépassent pas celles du simple citoyen. Ensuite, nous ne connaissons pas tous les éléments du dossier, ni au plan de la procédure, ni surtout quant aux éléments d’appréciation qui ont été soumis au Juge pour qu’il soit pleinement informé. Sans doute celui-ci a-t-il statué en toute légalité. C’est bien ça le problème. Car deux choses sont particulièrement surprenantes. Tout d’abord, le Juge a statué par défaut. C’est banal, mais dans une situation aussi grave, ça l’est moins. Ensuite, le Juge s’est fondé sur des apparences. C’est aussi conforme à la loi et à la jurisprudence, mais ici aussi, on peut être interpellé.
Un timing problématique
Tout d’abord, la procédure. Il y a en gros deux manières d’introduire une procédure en justice. Soit par une citation qu’un huissier de justice, officier ministériel et public, communique en main propre à la personne convoquée ou dépose dans sa boîte aux lettres lorsqu’elle est absente. L’autre méthode est le pli judiciaire qui est envoyé par le greffe de la juridiction. Celui-ci est acheminé par la poste comme un pli recommandé. La loi privilégie la citation parce qu’elle est présumée plus sûre mais elle l’est beaucoup moins pour ce qui concerne les personnes morales : en effet, lorsqu’une convocation est envoyée par pli judiciaire, le facteur dépose cette convocation pendant les heures de bureau à la personne chargée de recevoir le courrier. En revanche, un huissier de justice a la possibilité de déposer la convocation jusqu’à 21 h, c’est-à-dire bien après les heures de fermeture de bureau. Je lis dans ce journal que la citation a été signifiée (c’est-à-dire en réalité déposée à la Région Wallonne) le mercredi 10, c’est-à-dire la veille d’un jour férié, et le lundi 15 n’est pas un jour férié légal (il n’y a donc pas d’incidence au niveau de la procédure civile qui est une matière fédérale), mais c’est un jour de congé pour l’administration de la Région Wallonne. Bref : sans doute personne n’a-t-il été averti dans ce délai à la Région. Cette situation est évidemment anormale. Le Juge saisi de cette affaire à l’audience du 16 novembre a donc pu statuer en toute légalité sans entendre la partie adverse. Néanmoins, différents outils de procédure lui permettaient de remédier à cette situation. Il aurait pu, par exemple, ordonner une mesure d’instruction telle qu’une comparution personnelle des parties, une production de dossier…, bref, s’assurer de recevoir davantage de renseignements avant de prendre une décision aussi grave.
Un fondement sur des apparences de droit
Autre sujet d’étonnement : le tribunal se fonde sur des apparences de droit. Il est incontestable que le président du tribunal de première instance siégeant en référé dispose, d’après le Code judiciaire (art. 584) de ce que l’on appelle une « plénitude de juridiction ». Dès l’instant où il y a urgence, il peut statuer en toute matière sauf celle que la loi soustrait au pouvoir judiciaire. Il peut dans certains cas se baser sur des apparences.
L’un des juristes les plus renommés en la matière, le Doyen Georges de Leval écrit à ce sujet : « Aucune limite ni restriction n’existent quant aux mesures provisoires ou conservatoires susceptibles d’être arrêtées par le Juge des référés (…) ». Mais l’éminent auteur d’ajouter : « Ces mesures varient en fonction des circonstances de la cause, de telle sorte qu’à une apparence de droit relativement faible doit correspondre une protection affaiblie, voire nulle ; il s’agit de la règle de la proportionnalité ou de la mise en balance des intérêts en présence, c’est-à-dire, dans chaque cas, la comparaison entre le préjudice que subirait le demandeur en cas de refus de la mesure sollicitée et le préjudice qu’éprouverait le défendeur si cette mesure était ordonnée. Cette comparaison des deux préjudices éventuels peut reposer sur des éléments de fait, telle leur importance économique respective, mais également sur la qualité de la démonstration des droits menacés. C’est dans ce contexte qu’est assez fréquemment faite une distinction entre les apparences de droit et les droits évidents comme le critère de l’intervention présidentielle, mais cette distinction est assez souvent à ce point floue qu’elle laisse une marge d’appréciation considérable au juge des référés » (Droit judiciaire, T. II, vol. 1, Fac. de droit de Liège et Larcier, 2021, p. 218). En d’autres mots, le juge des référés peut se borner à se fonder sur des apparences de droit pour prendre une mesure d’attente temporaire, bref une mesure qui ne crée pas une situation ou n’entraîne pas des conséquences trop graves. A l’inverse, s’il est demandé au Juge quelque chose de très grave (exemple : démolition d’un immeuble, octroi d’une somme d’argent importante à un débiteur qui pourrait être insolvable dans le futur – ce qu’on appelle le référé provision – permettre à un enfant de partir à l’étranger alors qu’il y a un risque de non-retour, etc.), il doit disposer d’éléments de droit et de fait incontestables.
Le rôle de la Cour constitutionnelle
Dans ce cas-ci (et sans, on insiste, nous prononcer sur le fond) ce que l’on constate, c’est que le Juge a pris en urgence, une ordonnance qui suspend un décret, c’est-à-dire une loi régionale. Sans doute n’est-ce pas irréversible puisqu’un appel est formé, mais le jugement met de sérieux bâtons dans les roues à une décision hautement politique dans un domaine qui ressort à l’évidence du pouvoir régalien de l’Etat (ou de la Région Wallonne vu le démembrement de notre Etat fédéral) et ça sur base d’apparences !
Certes, il est essentiel que le citoyen dispose de moyens efficaces pour se protéger des abus de la puissance publique mais une loi (ou un décret) ne peut en principe être annulée (ou suspendue en cas d’urgence) que par la Cour constitutionnelle composée de 12 juges, parce qu’annuler ou suspendre une telle mesure, dans un Etat démocratique, c’est très grave. Comment une personne seule peut-elle, dans un tel contexte, sans être entourée de tous les renseignements nécessaires et en particulier le point de vue de l’autorité concernée, paralyser un Etat dans une matière aussi sensible que la santé publique ? Cela mérite en tout cas une réflexion approfondie.
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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir8 Commentaires
Suppression pure et simple de ce pass qui n'en est pas un. Que l'on contrôle tous les vaccinés avec test antigénique avant d'aller se rincer la dalle ! Ils sont aussi contaminants que les non-vaccinés qui, eux, prennent d'énormes précautions déjà pour ne pas être contaminés !
Sous le couvert d'interprétations des droits fondamentaux certains en viennent à saper tout droit légitime à tenter de protéger la population d'une pandémie mortelle.
Il y avait au siècle dernier la justice à l'Ouest du Pecos. Il y a maintenant la justice au Sud de la frontière linguistique.
Une personne seule, il est très marrant lui. 50.000 personnes a Bruxelles, tous les experts sérieux sont contre. Il a favorisé les transmissions au lieu de les réduire dixit Emmanuel André... Bye bye cst. Sortie de crise en vue
Et celui qui n'arrête pas de pétroler au champagne et à parsemer ses discours de lol débiles fait une foi encore la démonstration de son "antivaxisme aigu", contre lequel aucun vaccin, aucun médicament, aucun traitement psychiatrique ne semble pouvoir faire échec. Quant à l'appel à ses facultés de raisonnement... ouille. À son honnêteté intellectuelle? Ouilleouilleouilleouilleouille...