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Le flop de la nouvelle politique anti-harcèlement de Twitter, détournée par l’extrême droite

Twitter a décrété mardi que les utilisateurs (hors personnalités publiques) pourraient demander à ce que des photos ou des vidéos où ils apparaissent, publiées sans leur consentement, soient retirées du réseau social.

Temps de lecture: 4 min

Destiné à lutter contre le harcèlement en ligne, le nouveau règlement de Twitter concernant les images et vidéos est à l’inverse utilisé par l’extrême droite américaine pour se protéger et harceler ses opposants, selon des militants et des experts.

Twitter a décrété mardi que les utilisateurs (hors personnalités publiques) pourraient demander à ce que des photos ou des vidéos où ils apparaissent, publiées sans leur consentement, soient retirées du réseau social.

L’entreprise a cependant admis dès vendredi que la mise en place de cette mesure avait été difficile.

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« Nous avons été informés d’un nombre significatif de signalements malveillants et coordonnés, et malheureusement, nos équipes ont fait plusieurs erreurs », a déclaré Twitter à l’AFP. « Nous avons rectifié ces erreurs et nous procédons à une enquête interne pour s’assurer que ce règlement soit utilisé comme il se doit », a ajouté la firme à l’oiseau bleu.

Ce type de problèmes, de nombreux militants anti-racistes l’avaient anticipé dès l’annonce de la nouvelle politique.

Leurs craintes ont été rapidement confirmées, le chercheur Kristofer Goldsmith tweetant une capture d’écran d’un message que l’extrême droite avait fait circuler sur Telegram : « En raison de la nouvelle politique de Twitter sur la vie privée, de façon inattendue, les choses tournent à notre avantage ».

« Toute personne possédant un compte Twitter devrait signaler les publications de doxxing (une pratique qui consiste à dévoiler des informations privées sur quelqu’un, ndlr) des comptes suivants », précisait le message, accompagné d’une liste de dizaines d’identifiants.

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Gwen Snyder, militante et chercheuse à Philadelphie, a vu son compte bloqué cette semaine, conséquence d’un signalement lié à une série de photos publiées en 2019, montrant un homme politique local lors d’une manifestation organisée par le groupe d’extrême droite Proud Boys.

Plutôt que de faire appel auprès de Twitter, elle a préféré supprimer les photos et parler publiquement de ce qu’il s’était passé.

« Le fait que Twitter élimine (mon) travail de sa plateforme est incroyablement dangereux, et va favoriser et encourager les fascistes », a-t-elle déploré auprès de l’AFP.

Pour justifier sa nouvelle politique, Twitter avait souligné que « partager des contenus personnels, tels que des images ou des vidéos », pouvait « violer la vie privée d’une personne, et causer un préjudice émotionnel ou physique ».

Mais cette règle ne s’applique pas aux « personnalités publiques » ou lorsque « les contenus accompagnant les tweets sont partagés dans l’intérêt général ou apportent une valeur ajoutée au débat public ».

Malgré tout, le compte de Chad Loder, qui milite en Californie, a été bloqué après des signalements liés à des images d’un rassemblement anti-vaccins, et d’une confrontation devant le domicile d’un ancien journaliste de Vice.

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Changement à la tête de Twitter

La nouvelle politique de Twitter a été annoncée au lendemain de l’arrivée de Parag Agrawal à la tête de Twitter pour remplacer le cofondateur Jack Dorsey. Pour les experts, si elle repose sur de bonnes intentions, elle est extrêmement difficile à mettre en oeuvre.

En partie car la plateforme est devenue essentielle dans l’identification de personnes liées à l’extrême droite, des internautes s’improvisant détectives et publiant leurs noms ou des informations permettant de les identifier.

Ce « doxxing » a coûté à certaines des personnes visées leur emploi, les exposant parfois à des poursuites judiciaires, pendant que les militants qui publiaient ces données étaient eux-mêmes menacés ou harcelés.

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Après l’assaut du Capitole, le 6 janvier, lors duquel des milliers de partisans de Donald Trump avaient tenté d’empêcher les élus de certifier la victoire de Joe Biden, les personnes impliquées avaient fait l’objet d’une intense recherche sur internet.

Même la police fédérale américaine publie régulièrement des images de personnes non identifiées, recherchées pour leur lien avec les violences.

Selon Michael Breen, président du groupe Human Rights First, « Twitter a donné aux extrémistes une nouvelle arme pour nuire à ceux qui ont le plus besoin de protection et qui mettent en lumière le danger ».

 

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2 Commentaires

  • Posté par Giefvan Agathe, samedi 4 décembre 2021, 22:08

    Oh là ! Oh là ! Concrètement ceci veut dire que certains (les "wokes") décident qu'eux ont le droit de harceler les gens qu'eux ont décidé "mauvais". Autrement dit, la règle n'est pas universelle mais dépend de l'opinion de celui qui la transgresse... pour autant qu'il soit "woke". — Hmmmh! je sens le retour de l'Inquisition...

  • Posté par Rabozee Michel, samedi 4 décembre 2021, 18:24

    Attends, le mec qui met ça en place (faire bloquer des messages juste sur dénonciation) et qui n'imagine même pas comment ça va être détourné... Soit il est stupide, soit il protège les intérêts de ces groupuscule.

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