Marion Cotillard: «Pourquoi ne laisse-t-on pas les femmes montrer leur puissance?»

Au top du cinéma français pour l’international, on trouve Catherine Deneuve, plus libre que jamais, Isabelle Adjani, icône intouchable, Isabelle Huppert à laquelle aucun rôle ne semble résister, et pour la nouvelle génération, Marion Cotillard, auréolée de son Oscar. Depuis 2012, pas une année sans elle dans un film de la compétition cannoise, qu’elle tourne chez elle (Audiard) ou hors de l’Hexagone (pour les frères Dardenne). Cette année, elle frappe encore plus fort avec deux films en compétition : Mal de pierres de Nicole Garcia, qu’elle tient de bout en bout en amoureuse d’absolu, et Juste la fin du monde, le film choral de Xavier Dolan, où elle se révèle d’un naturel bouleversant, laissant tomber tous les oripeaux du jeu pour exploser son être à l’écran. [scald=1057871:sdl_editor_representation] À propos de Marion, on a presque oublié qu’il y a plus de vingt ans, elle était la jolie nana de Taxi. À cette époque, portée par le triomphe de cette comédie populaire, elle s’interrogeait pourtant sur sa pertinence dans ce métier. Et disait : « On n’imaginait pas que je puisse faire quelque chose de radicalement différent. J’ai conquis le public avec Taxi. Avec Les jolies choses, il y eut un début de rencontre avec le métier. Je croyais avoir renversé toutes les barrières avec ce double rôle. Puis j’ai compris que non. Quand j’ai reçu une nomination aux Césars, je l’ai eue pour Taxi et pas pour Les jolies choses. Cela ne m’a pas fait plaisir. Peu de gens avaient vu Les jolies choses. Je n’étais dupe de rien ! Je savais que si je l’avais, ce n’était pas dû uniquement à mon travail. Le nombre d’entrées du film a joué un grand rôle ! L’image de Taxi a été un frein pour beaucoup de rencontres. » Depuis les choses ont sacrément changé. Aujourd’hui, elle a appris à se protéger, a compris que ce métier avait comme règle de ne pas en avoir, qu’il fallait être solide, et s’est habituée à la médiatisation. Là, elle enchaîne les tournages de chaque côté de l’Atlantique. En ce moment, elle tourne avec Brad Pitt le nouveau Zemeckis. Comment définiriez-vous la passion qui vous habite ? C’est la réalisation d’un rêve de petite fille et c’est aussi quelque chose d’« inné » puisque j’ai été élevée dans cette ambiance de vie de saltimbanque. Le métier de mes parents était de jouer. Mon père a d’abord été mime, puis il a monté des spectacles pour enfants avec lesquels il parcourait le monde. Pour moi, petite fille, il existait un métier où l’on pouvait jouer, traverser le monde pour aller donner du plaisir aux gens et en prendre. C’était complètement fascinant. Vivre cette vie-là à travers mes parents a très tôt déclenché une passion en moi. De Tim Burton à Ferrara, de Guillaume Canet à Audiard en passant par Nicole Garcia et Xavier Dolan pour cette sélection cannoise, votre filmographie impressionne. Qu’est-ce qui vous fait bouger ? J’ai toujours adoré explorer des terrains que je n’ai pas l’occasion d’explorer dans ma propre vie. C’est ma manière de pouvoir mieux comprendre l’être humain et ce qui nous fait. Dans le film de Nicole Garcia, « Mal de pierres », vous êtes une jeune femme en quête d’absolu qui se cogne aux convenances. Le film se passe dans les années 50 mais pour vous, Gabrielle n’est-elle pas un personnage universel et éternel ? Effectivement. Malheureusement, il y a encore beaucoup de Gabrielle de nos jours. Dans les années 50, dans ce genre de société, ce genre de famille, et d’environnement, c’était dur pour une femme de prendre sa liberté et d’aimer selon son désir. Mais encore maintenant ! Ça dépend de l’éducation que vous avez eue, de la famille où vous avez grandi, et encore, je ne parle que de la société occidentale. Mais on a tellement coupé les ailes aux femmes, encore maintenant. Pourquoi ne laisse-t-on pas parfois les femmes montrer leur puissance ? Pourquoi craint-on encore tant un homme qui aime un autre homme, ou une femme qui aime une femme ? Pourquoi, dans une famille, se méfie-t-on encore de laisser quelqu’un suivre une voie artistique pour faire sa vie ? Tout cela tient à la peur. La peur était-elle là dans votre désir de devenir actrice ? La peur ? Non. Mais le doute, peut-être. Mais j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours soutenue dans cette direction, et cela, c’est extrêmement précieux. Si je ne me trompe, vous aviez une sorte de journal de bord avec vous sur le tournage de « Mal de pierres » ? C’est vrai, j’aime pouvoir coucher sur le papier des impressions, des idées à propos des personnages que j’interprète et dont je peux ensuite éventuellement me servir. C’est même quelque chose que je commence avant le tournage lui-même. Quand je commence à investir le personnage, à trouver des clés pour l’interpréter. Lors d’un tournage, montrez-vous ce que vous ressentez ? Bien sûr. Parfois, en tournant, j’exprime vraiment à quel point je suis heureuse d’être en plateau. Quand on a tourné une scène particulière aussi, que je me sens connectée à un réalisateur ou une réalisatrice. À un personnage aussi, ou même à l’équipe avec laquelle je travaille. Car dans tous les cas, un film est le résultat d’un travail d’équipe. Mais donc oui, ça m’arrive parfois de « déclarer ma flamme » à un réalisateur avec qui j’ai envie de travailler. Comme qui par exemple ? Stéphane Brizé ! J’adore son cinéma. Il m’a offert un film complètement fou auquel j’ai dit non. Je ne me suis pas sentie l’énergie pour le faire. Bon, j’avais fait drame sur drame, et le sien était aussi du même genre, mais je me souviens avoir pleuré quand je l’ai refusé. Par après, je l’ai supplié de revenir vers moi. J’espère qu’il le fera. Vous travaillez avec pas mal de gens d’horizons différents… C’est vrai, j’ai cette chance énorme de pouvoir explorer un tas d’horizons différents. Et ça m’étonne encore. Il y a les films français, bien sûr, qui sont très diversifiés, et forts. Mais il y a un monde entre faire un film avec Nicole Garcia et Guillaume Canet, et Woody Allen ou Robert Zemeckis. Une différence technique, d’abord, selon qu’on tourne en France, aux Etats-Unis, au Canada ou en Belgique. Bien que ce ne soit pas le plus important. Ça tient vraiment au réalisateur, à celui qui tient en main le film. Quelle est votre définition de l’amour ? Wow !… C’est accepter comment on est et accepter telle qu’elle est la personne qu’on aime. La définition de l’amour est très difficile, mais je crois que ça tient à l’acceptation. Avez-vous l’envie de passer un jour à la réalisation comme tant d’acteurs et actrices ? J’adorerais. Diriger des acteurs, raconter une histoire… Ou alors coréaliser, avec votre compagnon Guillaume Canet, par exemple ? Jamais ! Je le ralentirais. Non, c’est un excellent réalisateur, qui m’a déjà dirigé trois fois, dont dans un film qui sort en février prochain. Mais c’est vrai que maintenant, quand je tourne, je fais assez attention à la manière dont un réalisateur place sa caméra, ou ses acteurs. Parce qu’au fond de moi, je sens que ça pourrait m’en servir plus tard. Et quelle même école qu’un Dolan, qu’un Zemeckis… Enfant, vous aviez une idole ? Un modèle ? Oui : ma mère. Une femme forte, et courageuse, que j’ai toujours admirée. Rien que d’en parler, ça me bouleverse au plus profond de moi.

Votre compte

Marion Cotillard: «Pourquoi ne laisse-t-on pas les femmes montrer leur puissance?»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Cinéma

Festival de Cannes: le King est mort, vive le King

Critique Biopic sur Elvis présenté à Cannes: le King est mort, vive le King

Entretien Les frères Dardenne: «Si notre film pouvait faire réfléchir les décideurs au niveau européen…»

Le petit moment qui fait du bien: Figaro prend l’avion à l’aéroport de Berlin-Brandenbourg

Cinéma: retrouvez toutes nos critiques de films

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

David Goffin s’impose face à l’Américain Tiafoe en quatre sets et file au troisième tour de Roland-Garros

Grand format Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature: «C’est du fascisme que je vois dans la Russie de Poutine»

«Piqûres sauvages»: ce que l’on sait sur la vingtaine de cas suspects dans un festival en Flandre

L’acteur américain Ray Liotta, star des «Affranchis», est mort

L’acteur Kevin Spacey inculpé d’agressions sexuelles contre trois hommes

«Glorification, masculinisme, culture de la violence…»: ce qui se joue derrière les fusillades scolaires

“Le gouvernement a grandement besoin de l’expertise des personnes en situation de handicap”

Les technopédagogues diplômés, une espèce rare et recherchée

« Tout le monde peut être technicien en fibre optique »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel