Photographie: Bernard Plossu, à la belge

Des façades, des vitrines, des champs, des néons… la Belgique vue par Bernard Plossu a des airs de road-movie dont le héros invisible regarde le monde à travers l’objectif. Depuis plusieurs décennies, Plossu voyage aux quatre coins du monde en éternel passant, attrapant au vol des images qui en disent long sur les lieux qu’il traverse. On découvre aujourd’hui celles qu’il a réalisées dans notre pays et qui, rassemblées, constituent un portrait de la Belgique étonnamment ressemblant. Les amateurs de Geo et de photos en couleur de sites d’exception en seront pour leur frais. Plossu ne s’intéresse ni à la Grand-Place de Bruxelles ni aux canaux brugeois. Et lorsqu’il photographie l’Atomium, c’est depuis un chantier de construction. Ce qui l’intéresse depuis toujours, c’est ce que l’on voit furtivement à travers une vitrine de train, de bus, de voiture. D’Anvers à Liège en passant par Charleroi, Ostende, Zeebrugge, il sillonne tout le pays, revenant toujours vers la capitale. Chemin faisant, il photographie des lieux, des paysages où personne ne s’arrête. Il établit ainsi une sorte de cartographie des villes, mais aussi de ces espaces intermédiaires auxquels nul ne s’intéresse. On sent le mouvement dans ses images, on aperçoit parfois des reflets dans les vitres, les cadrages un peu penchés restituent l’impression de vitesse, de défilement au cœur du paysage. [scald=28738191:sdl_editor_representation] Mais Plossu ne se contente pas de saisir des images au vol. Il s’arrête aussi dans les villes, photographie des façades, des vitrines de magasin, des objets étranges, des rues qui filent vers un horizon bouché… Les couleurs un peu passées du procédé Fresson apportent un supplément de charme et de mystère à ces images qui ont un petit côté hors du temps : les ciels aux diverses nuances de bleu à la mer du Nord, les tons de gris des façades de pierre et le rouge pâle des sacro-saintes briques belges, la lumière et le cadrage qui donnent à une rue de Charleroi des airs de ville de l’Ouest américain… sans oublier la nuit et la pluie sur les pavés des villes. La ligne claire La Belgique vue par Plossu est aussi faite de lignes de fuite, d’immeubles découpant l’horizon, de câbles électriques, de rails de tram… « J’ai toujours été “belge”, raconte-t-il dans un sourire. Mon enfance, c’est la BD belge et ma culture visuelle vient vraiment de là, de la ligne claire qui m’a appris à cadrer. » Si le cadrage est un élément essentiel de son travail, Plossu ne s’en contente pas. Il y a aussi dans ses images une multitude de petits détails qui échappent habituellement au passant ordinaire mais qui sautent aux yeux de ce promeneur toujours en éveil : un chapeau melon abandonné sur un appui de fenêtre, une façade en damier vue au travers d’une rambarde sur le ring de Charleroi, les portes rouges d’un train, la façade bleue de L’Archiduc à Bruxelles, un panneau de signalisation au milieu d’une rue… [scald=28738189:sdl_editor_representation] À la ville comme à la campagne, Bernard Plossu rend compte des vibrations du paysage, de ses spécificités, de ses étrangetés parfois. Peu d’humains mais beaucoup d’humanité dans ses images. Y compris lorsqu’il se promène dans la foule, s’arrête dans un café, croise d’autres passants. Bon nombre de ceux qu’il photographie alors sont vus de dos, donnant une fois encore une idée de passage. [scald=28738190:sdl_editor_representation] Le très beau livre qui accompagne l’exposition offre encore bien d’autres images, réparties ici en deux grands groupes : La Belgique en couleur-Fresson et La Belgique en noir et blanc. Mais à la suite du texte de Bernard Marcelis explorant l’univers du photographe et la manière dont il regarde le monde, quelques pages rappellent aussi un élément essentiel dans la vie de Bernard Plossu : l’amitié. Dédié à Jean-Louis Godefroid, ancien directeur-fondateur de l’Espace photographique Contretype et au musicien Garrett List, il s’ouvre avec les portraits de ces deux disparus et se poursuit avec d’autres amis comme Xavier Canonne, Daniel Michiels, Guy Jungblut, Boris Lehman, Marc Trivier, Michel Castermans. La Belgique, certes, mais aussi l’amitié. L’air de rien. « Bernard Plossu. La Belgique l’air de rien » jusqu’au 16 janvier au Musée de la photo à Charleroi, www.museephoto.be. « La Belgique. L’air de rien », Bernard Plossu, texte Bernard Marcelis, éditions Yellow Now, 304 p., 38 €.

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