Quand la marionnette fait (Ma)boule de neige

Rebaptisé Maboule, le festival international de la marionnette et des arts associés porte bien son nom. D’abord, parce qu’il faut être toqué pour programmer des spectacles dans la rue en plein mois de décembre. Il faut aussi être légèrement timbré pour faire venir public et professionnels (dont certains viennent de loin) à Genappe, village brabançon qui ne compte pas un seul hôtel. Et il faut être encore plus foldingue pour organiser un festival tout court à une époque où les Codeco dégainent des mesures assassines pour la culture. Seraient-ils dont totalement cinglés au Tof Théâtre, compagnie à l’origine du festival Maboule (anciennement Genappe perd la boule) ? A y regarder de plus près, l’idée n’est pas si folle. Pas d’hôtel à Genappe ? Qu’à cela ne tienne ! Plus de 80 bénévoles locaux donnent un coup de main en hébergeant artistes et programmateurs étrangers chez eux. La météo, forcément hivernale, a de quoi refroidir ? Pour avoir fréquenté l’événement au cours des six dernières éditions, on peut vous dire que les propositions (marionnettes, cirque d’objets, théâtre d’images, fanfares et agitations foraines) vous raniment plus sûrement qu’une fontaine de vin chaud. Les mesures sanitaires multiplient les coups de massue ? Le Tof Théâtre a tout prévu : sur 16 spectacles programmés, seulement cinq nécessiteront le Covid Safe Ticket et des tests seront alors disponibles à l’entrée. Toutes les autres pièces seront organisées en rue ou dans des salles accueillant moins de 49 spectateurs. Une bande de joyeux Bretons Comme une version belge (et à taille beaucoup plus humaine) du festival de Charleville-Mézières en France, Maboule ne cesse de prendre de l’ampleur, suivant le cap du plaisir et de la découverte. « Nous n’avons pas envie de devenir, comme Charleville-Mézières, une vitrine obligée de présenter toutes les créations en marionnettes, précise My-Linh Bui, collaboratrice du Tof Théâtre et programmatrice de Maboule. Nous voulons surtout faire découvrir des spectacles qui nous tiennent à cœur, vus lors de nos tournées en France ou ailleurs. On trouvera des pointures comme Faim de loup, un monument de la marionnette, mais aussi Hans et Greutel du Bob Théâtre. » En plus du Bob Théâtre, venu de Rennes, c’est toute une bande de joyeux Bretons (Roi Zizo, Scopitone) qui débarqueront à Genappe : « Il semble que la Bretagne soit un terreau fertile en théâtre d’objets, sourit My-Linh Bui. Nous voulons aussi nous donner la liberté d’inviter de “vieux” spectacles, comme Gribouille, une pièce pour tout-petits qui tourne depuis 20 ans, ou encore Go, où un personnage recrée ses souvenirs avec du ruban adhésif, et qui tourne depuis plus de dix ans. » Un serial killer qui sévit avec une table et quelques objets (I killed the monster) ; deux retraités, coincés dans un home, qui font le mur pour retrouver un peu de lien social et s’improviser DJ (Echappée Vielle) ; Une Petite marchande aux allumettes qui a bien du mal à écouler son maigre stock au milieu des marchands de marrons, homards, vinyles, pinard, dinde, sapins et autres grossistes de Noël ; un jongleur qui manipule le temps plutôt que la gravité, jouant avec des objets tout simples – tricot, chaînette, pierre – pour composer un poème sur l’instant qui passe (Tout/Rien) : le festival Maboule mélange les formes les plus insolites tout en mettant l’accent sur la marionnette dans l’espace public. « Cela fait partie d’une réflexion que nous menons depuis quelque temps : comment développer des formes marionnettiques innovantes dans la rue ?, s’interroge My-Linh Bui. En salle, on voit une diversité et une hybridation des formes qu’on ne retrouve pas encore assez dans l’espace public. C’est dans cet esprit que nous avons invité par exemple l’Imperial Trans Kairos, un bijou de train miniature où l’on fait un voyage imaginaire. Ou encore Macao et Cosmage, un castelet portatif pour dix spectateurs qui vivent le spectacle par l’intermédiaire d’un casque audio. » Pantins impertinents Parmi les propositions de rue (gratuites et sans réservation), citons encore Le faux orchestre : deux musiciens sont dos à dos. L’un est vrai et l’autre faux. D’un côté, un musicien et son instrument à cordes, de l’autre, un percussionniste flanqué d’un tambour, d’une cymbale et de cuillères musicales aux genoux. L’un des deux est un faussaire (un faux air de l’autre) mais tous deux vont se fondre dans une danse incroyable. Aux côtés d’artistes aux origines françaises, russes ou argentines, on pourra aussi déguster du belge. Outre de jeunes pousses comme Alexis Rouvre (Tout/Rien) et La Corneille bleue (Viens, on se tire !), on retrouvera deux spectacles du Tof Théâtre, vieux routard de la marionnette en Belgique francophone. Avec Pourquoi pas !, qui fut un de nos coups de cœur aux Rencontres de Huy, Alain Moreau imagine un homme qui, un matin, se réveille enceint. Merveilleusement impertinent (de mini-marionnettes se font des câlins coquins, un petit pantin se balade le zizi à l’air, les papas y sont aussi foireux qu’attendrissants), le spectacle questionne, sans jamais faire la morale, les stéréotypes de genre. Grâce à un décor plein d’astuces techniques et de trappes secrètes, la pièce orchestre mille surprises visuelles tout en célébrant la liberté d’un enfant à choisir son caractère, ses jeux ou ses habits. Si la paternité est un thème récurrent chez Alain Moreau (qui a créé le merveilleux Sur la dune), la vieillesse est une autre de ses (salutaires) obsessions. Après le très beau Soleil couchant, voici donc Echappée Vielle : résidents en maison de retraite, Antoine et Gaby sont bien décidés à faire le mur pour goûter à nouveau aux saveurs de la vie, renouer les contacts sociaux et… faire la fête ! Sur la place de Genappe, ils vont semer un joyeux désordre ! Du 17 au 19/12 à Genappe. www.maboule.be.

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