«La Ville de Mons discrimine les gens du voyage»

C’est de la discrimination à notre égard. On doit se révolter et faire quelque chose. On ne peut pas toujours nous exclure alors qu’on ouvre la porte à toutes les autres communautés. A chaque fois qu’il y a un projet en notre faveur, on trouve un problème pour qu’il ne se finalise pas. On ne va pas se laisser faire. » C’est peu dire que la décision prise par la Ville de Mons de renoncer à aménager un terrain destiné à accueillir les gens du voyage, comme le lui a demandé la Région wallonne, est très mal acceptée par cette même communauté et par Etienne Charpentier, le président du comité national. Lancé depuis de longs mois, le projet a fait l’objet de nombreuses réunions entre les services communaux, le centre de médiation des gens du voyage de Wallonie ainsi que les représentants de la communauté. Un terrain situé près d’un centre commercial de Jemappes et d’un accès à l’autoroute avait été choisi. Les riverains ont été consultés mais n’ont que très moyennement adhéré à l’idée en émettant de nombreuses craintes et réserves. Poursuivre, c’était se les mettre à dos. Le collège communal a donc préféré ne pas faire aboutir le projet. « D’entrée de jeu, nous savions que nous nous aventurions sur un sujet complexe », tente de justifier le collège communal. « Même si plusieurs grandes villes wallonnes l’ont fait (Namur, Ottignies Louvain-la-Neuve…) et si cette approche est très répandue en France, ce sujet reste sensible et la situation vécue jusqu’à présent n’est pas satisfaisante à nos yeux. En effet, nous devons déplorer la présence très fréquente et non autorisée de gens du voyage sur des terrains privés ou appartenant à des structures publiques sur le territoire du Grand Mons. C’est pourquoi nous souhaitions mieux réguler la présence de ces communautés sur notre territoire par la mise en place d’une aire d’accueil encadrée et destinée à cet effet. » « Pas de terrain parfait » Pourquoi avoir baissé les bras ? « Pour gérer et encadrer la présence des gens du voyage sur notre territoire, il nous faut un terrain », justifie le collège communal. « Malheureusement, et même si c’est la meilleure solution pour cadrer leur présence sur notre territoire et leur fixer des règles strictes et claires, nous constatons qu’il est extrêmement difficile de trouver un consensus sur le sujet. La vérité est qu’il n’existe pas de terrain parfait. Aucun terrain situé dans le Grand Mons et accessible aux véhicules n’est totalement isolé du tissu urbain. (…) C’est pourquoi nous préférons renoncer à ce projet et demander à la Région wallonne de revoir son approche, en privilégiant par exemple la création d’aires spécifiques sur des terrains connexes aux aires d’autoroute. » [scald=28740631:sdl_editor_representation] Une façon de renvoyer la balle à l’expéditeur alors que le dossier était sur le point d’être bouclé par les équipes qui l’avaient en charge depuis plusieurs mois. Elles avaient décroché 500.000 euros de subsides de la part de la Région wallonne. Les travaux d’abattage d’arbres avaient même commencé sur le terrain de Jemappes. Puis le bourgmestre Nicolas Martin a rencontré les riverains, en l’absence des équipes concernées. Et il a décidé d’abandonner le projet… Outil contre l’analphabétisme « C’est une décision souveraine de la Ville de Mons », réagit diplomatiquement Ahmed Hakim, président du centre de médiation des gens du voyage. « Le retrait de ce projet ne va pas solutionner les difficultés rencontrées par les gens du voyage ni par la Ville qui est confrontée à eux. C’est extrêmement regrettable. D’autant que la Ville avait choisi le terrain seule. Les gens du voyage sont là. Ils ne vont pas disparaître. Même la police voyait la concrétisation de ce projet comme quelque chose de positif car ça allait améliorer ses relations avec les gens du voyage. C’est un mauvais signal qu’envoie Mons aux autres communes susceptibles d’accueillir des groupes. » Plus incisif, Ahmed Hakim considère ensuite que la décision du bourgmestre montois « menace des années de travail dans la lutte contre la discrimination et la stigmatisation, surtout quand elle en appelle à changer la législation en estimant qu’elle ne permet pas d’expulser assez rapidement les gens du voyage qui occupent des terrains sans autorisation. Ils font partie de notre population depuis le XVe siècle comme en témoignent des tapisseries de Tournai. » « Le nomadisme n’a rien à voir avec l’errance », ajoute Ahmed Hakim. « Quand un accueil est organisé, les réactions de rejet de la population diminuent. Ça aurait pu être le cas à Jemappes. Quand les gens du voyage disposent d’un terrain, une collaboration peut se mettre en place avec les écoles locales. Les enfants y sont accueillis et leur apprentissage s’améliore. C’est un moyen de faire reculer l’analphabétisme qui est important dans cette communauté. J’invite donc la Ville de Mons à reprendre rapidement contact avec la Région wallonne et avec nous pour voir comment avancer ensemble. » « La Région wallonne, dans le cadre du récent décret sur l’habitat léger, vient d’ailleurs de le consacrer comme un type d’habitat susceptible d’être reconnu légalement », rappelle Ahmed Hakim. « Renvoyer les gens du voyage vers un lieu “qui soit le plus isolé possible de la population” voire “sur des terrains connexes aux aires d’autoroute”, comme le souhaite le collège montois, est donc un non-sens. Appeler à changer les procédures judiciaires lorsqu’il s’agit de gens du voyage qu’il faudrait expulser l’est encore plus. En effet, la Belgique a, malheureusement, été épinglée par différentes instances internationales, notamment par le Conseil de l’Europe en 2012, pour le nombre et la régularité des expulsions de gens du voyage sur son territoire. »

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