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Denis Hees: «Permettre aux familles de mieux faire face aux imprévus»

Pour lutter contre la faim en Ouganda, l’ONG belge Iles de paix sensibilise le grand public aux enjeux du développement liés à une agriculture familiale durable. L’artiste belge André Taymans en illustre les défis dans un polar en bande dessinée, « Les 3 clés ».

Chef du service Culture Temps de lecture: 5 min

Pour améliorer le quotidien de la population en Ouganda, Iles de paix met en place des programmes d’aide visant à augmenter la gestion et la productivité des fermes locales. L’ONG soutient des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, fait partager aux villageois des méthodes de stockage, de transformation, de commercialisation plus rentable des récoltes. L’organisation défend également l’accès à des services financiers de base, permettant d’investir au travers d’un système de banques villageoises. Denis Hees, ancien directeur pays en Ouganda jusqu’en 2020, nous en explique les enjeux développés dans le récit des 3 clés par André Taymans.

À lire aussi François Grenade (Iles de Paix): «Tout habitant de la planète a le droit d’être à l’abri de la faim»

En quoi consiste précisément l’action d’Iles de paix en Ouganda ?

Le programme d’Iles de paix couvre deux zones distinctes, la première à flanc des monts Ruwenzori, près de la frontière avec la République démocratique du Congo, et la seconde dans la vallée de la rivière Mpanga. Nous suivons 300 familles dans chacune d’elles. Notre action se concentre sur l’agro-éco-développement, inspiré des principes de l’agroécologie. Nous aidons les agriculteurs locaux à améliorer leur situation sociale, environnementale et économique. Ils sont, dans leur immense majorité, à la tête de petites exploitations dans un pays à forte démographie. Il est donc fondamental de les aider à gérer au mieux ces espaces restreints pour améliorer le rendement global de leurs fermes, à la fois pour leur propre consommation et afin de pouvoir en tirer davantage de revenus, notamment par la vente de leurs produits. Cela passe par la mise en œuvre de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. Mais il est aussi important que les fermiers se rassemblent pour être en meilleure position vis-à-vis des acheteurs potentiels de leurs récoltes.

Comme on le lira dans « Les 3 clés », pour sécuriser les récoltes, vous soutenez également le recours aux bio-pesticides. Quelles sont la nature et la composition de ces produits ?

D’une manière générale, un des aspects sur lesquels nous travaillons, c’est de rendre les familles moins dépendantes des intrants chimiques. Quand on utilise ces substances industrielles, les sols se fragilisent et se dégradent plus vite. En même temps, il est parfois indispensable de se défendre contre les parasites et les attaques des insectes. Pour éviter de recourir aux pesticides chimiques, nous favorisons donc la rencontre entre des savoirs ancestraux et des connaissances plus modernes que peuvent apporter des universités ou centres de recherche. Les recettes un peu magiques de ces concoctions ancestrales améliorées, composées avec des ingrédients locaux, permettent, par exemple, de lutter contre la maladie du matooké, une sorte de banane plantain qu’un parasite peut faire pourrir sur pied, ou de faire barrière à un insecte qui dévore de l’intérieur les baies de café. Ces formules de bio-pesticides jouent un rôle important dans la sauvegarde de cultures.

Des banques villageoises, aidées par Iles de paix, investissent également dans le développement durable. Quel est leur rôle ?

Au départ, nous n’avions pas prévu de nous aventurer sur ce terrain, celui de la microfinance informelle, la VSLA (Village Savings and Loan Association). C’est, a priori, un autre secteur, qui semble très éloigné de celui de la pratique agricole. Sauf qu’en Ouganda et dans de nombreux autres pays africains, la plupart des fermiers n’ont nulle part accès aux services bancaires. La banque, au sens classique que nous connaissons en Europe, n’existe pas dans les campagnes où son fonctionnement demeure peu adapté aux besoins des petits agriculteurs. Nous nous sommes donc rendu compte qu’il y avait là un vide à combler, d’où l’idée de soutenir les banques villageoises. Nous n’avons pas inventé ce système, mais nous cherchons à le renforcer. C’est un soutien essentiel à la dynamique sociale, qui permet d’améliorer la cohésion entre les gens. Il s’avère aujourd’hui que c’est un élément indissociable du travail d’amélioration des techniques agricoles et de la valorisation des produits de la ferme.

Concrètement comment fonctionne une banque villageoise ?

Le but est de permettre aux familles de mieux faire face aux imprévus, mais aussi de pouvoir soutenir des investissements productifs, d’investir dans des projets durables. En pratique, la banque se présente sous la forme d’un coffre commun avec trois cadenas. Le fonctionnement obéit à des règles à la fois simples et immuables. Une réunion hebdomadaire rassemble les membres du groupe, qui ne sont généralement pas plus d’une vingtaine. Il n’y a pas nécessairement de bâtiment dédié, même si cela se passe souvent chez la même personne. Un trésorier est en charge de la sécurité du coffre-fort. Pour l’ouvrir, il faut rassembler les trois clés des cadenas. Cela permet symboliquement de créer un sentiment de confiance parmi les villageois car il est impossible d’ouvrir le coffre seul. Chacun place en moyenne 5 euros dans le coffre par semaine et quand il y a une demande de crédit, l’assemblée présente est invitée à voter. Cet outil financier oblige les villageois à épargner et permet de redistribuer l’argent au moment le plus opportun, celui de la rentrée scolaire, par exemple. Le système est si bien ancré dans les traditions que pour le futur, des expériences de digitalisation envisagent de le conserver en transposant le principe des trois clés au travers d’un système de trois codes PIN.

 

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