Bilan des gouvernements: à la Communauté française, les rescapés sont au travail
La législature ne fera pas de cadeau, en Communauté française. Mais le gouvernement a réussi à pondre un budget indolore. C’est un exploit. A ce stade, c’est aussi le seul.


Allez, une colle (méchante) : qui sont les ministres du gouvernement de la Communauté française ?
Joëlle Milquet (CDH), c’est sûr – elle ne détale pas du terrain médiatique, contre (ou avec) son gré. Et les autres ? Vous séchez. Et voilà donc la première caractéristique de cette équipe : son déséquilibre – inédit. A elle seule, Milquet cumule trois ministères qui, autrefois, rassasiaient trois ministres. Elle a l’Education, la Petite Enfance et la Culture.
Ce déséquilibre, on le doit à deux éléments. A l’été 2014, Benoît Lutgen, le président du CDH, a fait chèrement payer au PS son refus de négocier le gouvernement fédéral avec le MR et la N-VA. Comme il fait chèrement payer son accord de négocier les exécutifs fédérés avec Paul Magnette. En résumé : le CDH rafle les portefeuilles les plus porteurs. Deuxième élément : au sein du CDH, l’ex-présidente reste un poids lourd (en termes d’influence interne comme en termes électoraux) que son successeur doit ménager.
Voilà l’explication à un portefeuille démesuré qui, par définition, tient à l’ombre les collègues de la Bruxelloise – d’autant que, par nature, déjà, et comme on dit, la fille « occupe de la place ».
Qu’on le veuille ou non, le gouvernement de la Communauté française est aussi – c’est son autre caractéristique – un exécutif de rescapés. On songe singulièrement à Rudy Demotte (ministre-président) qui rêvait de rester à la Région wallonne. A Milquet qui rêvait de rester au fédéral. Ou à André Flahaut (Budget, Fonction publique) qui rêvait de camper au perchoir de la Chambre.
Voilà la toile de fond – une équipe déséquilibrée et qui, a priori en tout cas, ne dégageait pas un fumet immense de motivation.
En dépit de tout ceci, le gouvernement francophone, après une courte année de fonctionnement, envoie globalement une bonne impression.
D’abord, les ministres sont au travail. Pour la majorité des projets que nous avons épinglés dans l’accord de majorité, le travail est engagé.
Mais sa vraie prouesse ne figure pas dans l’accord de la majorité. Les finances sont serrées (air connu) mais l’exécutif a réussi à pondre un budget 2015 indolore – Flahaut a raclé les tiroirs. Sauf surprise (des mesures planquées que l’on découvrirait plus tard…), les départements s’en sont sortis indemnes.
Un an après la mise en selle de l’exécutif, les défis qui attendent la Communauté au cours de cette législature apparaissent avec un peu de netteté.
Le premier : la législature ne fera pas de cadeau et les promesses de l’été (engager 700 profs pour réduire l’échec scolaire) risquent de rester sur papier. Voilà l’équation insoluble : l’échec scolaire coûte 500 millions/an, mais réduire cette gabegie supposerait d’investir. Or, telle est la situation en Communauté : la seule possibilité d’investir ici, c’est de tailler là-bas. C’est d’ailleurs ce que PS et CDH avaient pensé en rédigeant l’accord de majorité – leur idée : convertir en emplois les subsides additionnels accordés aux écoles défavorisées. Le secteur a hurlé. L’exécutif a reculé. Et l’affaire illustre ce qui sera le casse-tête de la législature : les secteurs sont à l’os et les vases communicants sont/seront difficiles, sinon impossibles.
Deuxième défi : comme le secteur scolaire l’avait réclamé avant le scrutin, le gouvernement a engagé un débat devant mener à la conclusion d’un Pacte d’excellence pour l’école (fin des travaux attendue pour Pâques 2016). C’est le projet fort de l’accord de majorité : un plan de relance de l’école. Mais gare. D’abord, le secteur scolaire est volontiers autobloquant (en défendant des intérêts parfois contraires, les acteurs, multiples neutralisent souvent tout espoir de réforme). Aussi, à supposer que le pacte ait de l’envergure, ne suscitera-t-on pas d’énormes espoirs que les moyens financiers (on y revient toujours) dégonfleront comme un soufflé ?
Le troisième défi est lié à Milquet, aux commandes des départements phares de l’institution. Ses charges sont lourdes, prenantes, complexes et réclament un pilotage clair, serein. Jusqu’à présent, la ministre tient le coup mais elle donne parfois déjà l’impression d’être en surrégime.
La question est simple : tiendra-t-elle ?
Les bilans
Un an après, voici le bilan des gouvernements régionaux
« Le Soir » s’est plongé dans les déclarations de politique régionale et titre le bilan de la 1re année des gouvernements en Wallonie, à la Communauté française et à Bruxelles.
Nous avons dressé la liste de ces engagements, parfois très larges et globaux, parfois très précis et nous avons évalué le degré d’avancement de chacun d’entre eux. Un tableau de bord de l’action gouvernementale, consultable, pour chaque entité fédérée, à découvrir grâce au lien indiqué ci-dessous.
Le bilan de la Wallonie
Plonger à nouveau dans les eaux profondes et opaques (115 pages bien tassées) de la déclaration de politique régionale (DPR) wallonne, c’est s’offrir un voyage dans les méandres cotonneux d’un texte qui semble promis au titre de champion du monde de la langue de bois et de la circonvolution politique.
Le bilan bruxellois
Le gouvernement bruxellois s’est fait relativement discret, depuis sa prestation de serment, le 20 juillet. En négatif : une polémique auto-générée par Rudi Vervoort, un conflit avec les taxis. Pour le reste, contrairement à la Wallonie où PS et CDH s’accrochent régulièrement, point de polémique entre partenaires, à Bruxelles. Et, surtout, une communication extrêmement dosée.
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