Arrestation de journalistes en reportage au 127 bis: la police condamnée

La manifestation avait eu lieu le 20 juin 2018, et elle rassemblait une centaine de personnes sur un site en chantier du centre fermé 127bis, où une aile pour la détention des enfants devait être aménagée. Des manifestants avaient pénétré sur le chantier et ils s’étaient enchaînés au niveau des voies d’accès à celui-ci. Une équipe du JT de la RTBF avait été envoyée sur les lieux ; elle avait suivi les manifestants, vers 10h30, et elle s’était retrouvée « coincée » entre la voie d’accès et le parking du 127bis. Vers 12h45, alors que les journalistes s’apprêtaient à passer en direct au JT de mi-journée, la police décidait de faire évacuer les manifestants. Ce sont d’abord les équipes d’intervention du fédéral appelées en renfort qui avaient opéré, contournant pour ce faire les journalistes qui continuaient à filmer. Les images montraient ensuite un policier doté d’un képi et d’un insigne de la police locale ordonnant aux journalistes de partir, ce qu’ils avaient directement fait sans discuter. Mais alors qu’ils étaient à l’extérieur du périmètre, un policier local les avait informés qu’ils faisaient l’objet d’une arrestation administrative. L’équipe de la RTBF, deux journalistes et trois techniciens, avait dû déposer son matériel au sol, se regrouper à quelques mètres et laisser ses effets personnels. Les cinq avaient ensuite été emmenés, menottés, au bureau de police de Steenokkerzeel, où ils étaient restés un peu plus d’une heure. [scald=28761506:sdl_editor_representation] Pas d’infraction pénale Plainte avait été déposée auprès du Comité P, qui n’avait rien relevé de problématique. Les deux journalistes et la RTBF avaient alors décidé de poursuivre l’Etat et la zone de police Kampenhout-Steenokkerzeel-Zemst (KASTZE) au civil, en réparation du dommage causé. La zone de police n’a jamais justifié l’arrestation, a souligné Me Englebert pour les demandeurs, par le fait que ceux-ci auraient perturbé la tranquillité publique – la manifestation tout entière était d’ailleurs assez pacifique. L’arrestation administrative, a rappelé ce jeudi le tribunal de 1re instance francophone de Bruxelle, est soumise à différentes conditions cumulatives, en l’occurrence la commission d’une infraction pénale, la gravité de celle-ci pour la tranquillité ou la sécurité publiques, et l’absolue nécessité de la privation de liberté. Le non-respect des modalités de visite d’un centre, comme le soulevaient les demandeurs, n’est pas constitutif d’une infraction pénale et ne pouvait dès lors, en soi, justifier légalement l’arrestation des journalistes. Cette arrestation entraîne en outre « une violation manifeste du droit fondamental à la liberté d’expression des journalistes », conclut la décision rendue ce jeudi. Quant à l’usage des menottes, le tribunal rappelle que le recours à la contrainte physique « doit être nécessaire et reposer sur des éléments concrets et objectifs ». Or, les enregistrements montrent que tout s’était déroulé dans le calme et que les journalistes avaient directement obtempéré. « Arrestation illégale » La demande contre l’Etat belge est déclarée non fondée car toutes les décisions, dans cette affaire, ont été prises au niveau de la police locale. Cette dernière a quant à elle procédé à une arrestation illégale, conclut le tribunal, qui ajoute que l’arrestation administrative de journalistes dans l’exercice de leur mission « constitue une ingérence dans leur liberté fondamentale ». Et si la zone de police arguait que la RTBF disposait de suffisamment d’images avant l’arrestation, la décision prononcée ce jeudi est claire : « Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de décider du mode et du contenu de l’information que la presse entend diffuser. » Pour réparer le préjudice causé, la zone de police devra payer 5.000 euros à la RTBF et un euro symbolique aux deux journalistes. C’est également elle qui devra prendre en charge les dépens.

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