Coronavirus: dans l’enclave de Baerle-Duc, le retour du casse-tête frontalier

Dans le centre de Baerle, il est parfois difficile de savoir si l’on se trouve en Belgique ou aux Pays-Bas, tant les deux pays sont enchevêtrés. De prime abord, l’architecture des maisons diffère peu d’un territoire à l’autre. Nulle part ailleurs, les plaques d’immatriculation néerlandaises et belges se côtoient autant. Les accents des habitants du sud des Pays-Bas sont souvent plus proches de ceux du nord de la Belgique que de ceux de Rotterdam ou d’Amsterdam. [scald=28777171:sdl_editor_representation] Mais depuis le 19 décembre, pour se repérer, plus besoin de suivre les innombrables marquages au sol et inscriptions « B » et « NL ». Les Pays-Bas prennent désormais fin là où les lumières des magasins sont encore allumées. Depuis l’ordre du gouvernement du Premier ministre Mark Rutte de fermer cafés, restaurants et autres commerces dits non-essentiels de l’ensemble du pays, le contraste est saisissant. Côté néerlandais : des rues désertes. Côté belge : des rires, beaucoup de bruit et de longues files d’attente. Malgré une immense charge de travail et la fatigue accumulée des derniers jours, la bonne humeur de Mandy Driesen irradie la salle du restaurant « De Hapjeskamer » dans la Molenstraat de Baerle-Duc. Derrière son masque, cette gérante a de quoi sourire. Les clients sont au rendez-vous et son carnet de réservations est plein à craquer. « Notre commerce est assez récent donc beaucoup de personnes viennent manger ici pour faire notre connaissance. Mais s’il y a autant de monde en ce moment, c’est aussi à cause de la fermeture des Pays-Bas », explique-t-elle. « Toutes nos tables sont réservées, le matin comme le soir. » Mandy Driesen vit en Belgique depuis trois ans. Elle a grandi de l’autre côté de la frontière, à Baerle-Nassau, mais a décidé de suivre chez lui son mari belge, quelques centaines de mètres plus loin. Et même sur la carte du menu, entre « gaufre de Bruxelles » et la glace à la vanille « Hollands feestje » (« petite fête hollandaise »), les limites entre les deux pays sont fines. Le retour de la frontière Héritage de longues disputes territoriales au cours des derniers siècles, la situation de Baerle-Duc (près de 3.000 habitants) et de sa sœur Baerle-Nassau (près de 7.000 habitants) est unique. Située à plusieurs kilomètres du reste de la Belgique, Baerle-Duc forme une vingtaine d’enclaves belges dans la commune néerlandaise de Baerle-Nassau. Et comme si on ne pouvait pas faire plus compliqué, le territoire belge comprend, lui aussi, plusieurs exclaves néerlandaises. Avec la libre circulation au sein de l’Union européenne, les deux Baerle semblaient parfois ne former qu’une seule et même entité. Mais depuis le début de la crise sanitaire, la frontière se fait de nouveau ressentir. « Ça a créé des situations vraiment particulières, raconte Mandy Driesen. Nous vivons dans une rue composée de trois maisons belges et entourée par le territoire néerlandais. Pendant le premier confinement, nous n’avions officiellement pas le droit de sortir de notre rue pour passer la frontière. » [scald=28776477:sdl_editor_representation] Depuis, Mandy Driesen, comme de nombreux habitants de la zone, a appris à jongler avec ces différences de régime. Elle suit attentivement les annonces de Bruxelles et de La Haye. Ainsi lorsque le Premier ministre néerlandais a ordonné la fermeture des commerces, se doutant de l’arrivée massive de nombreux clients des Pays-Bas, elle a tout de suite appelé du personnel en renfort. Mais certains vont bien plus loin. Marloe est vendeuse chez « Dominique », un magasin de vêtements du centre-ville de Baerle-Duc. Il y a encore quelques semaines, le local se trouvait encore à Baerle-Nassau. « Mais nous avons déménagé exprès », sourit-elle. « On a fait la même chose l’an dernier pendant le confinement. » Son patron, poursuit-elle, a désormais pris l’habitude de faire passer son commerce d’un pays à l’autre. « Sinon on serait restés fermés, on n’aurait rien pu faire. Et on serait restés avec notre collection de vêtements sur les bras. » Sur l’ensemble de la crise sanitaire, les Pays-Bas se sont souvent montrés moins sévères que la Belgique. Mais face au variant omicron et enregistrant un important retard dans l’administration de la troisième dose du vaccin, La Haye a fini par jouer les trouble-fête, à quelques jours à peine de Noël. À cela, s’ajoute la récente interdiction des feux d’artifice aux Pays-Bas. Comme pour la fermeture des cafés et restaurants, de nombreux Néerlandais ont décidé de braver le règlement en se rendant à Baerle-Duc, où d’impressionnantes foules se forment devant les magasins de feu d’artifice. « On était censés former une seule Europe ? », se demande, amère, Anita qui assiste au spectacle depuis son camion de vente de beignets à emporter, l’un des rares commerces autorisés à rester ouverts côté néerlandais. [scald=28776478:sdl_editor_representation] Depuis plusieurs jours, la gouverneure d’Anvers, Cathy Berx, appuyée par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, appelle les Néerlandais à ne surtout pas se rendre en Belgique. Mais pour l’instant, ses injonctions semblent tombées dans l’oreille d’un sourd.

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