«Enjeux»: le whataboutism, une esquive vieille comme le monde
Excuser ses manquements en attaquant ceux de l’adversaire est une technique oratoire bien commode dans ce monde du péremptoire et de l’exclusive, où il faut choisir son camp...


L’esquive est vieille comme le monde. Et si tentante. Et si lassante. Lorsque l’on critique un pays, un régime, un parti, une religion, on s’expose presque toujours à la contradiction d’une personne outragée, qui lance, énervée : « Oui, mais qu’en est-il de… ? ». « Le génocide des Ouïghours en Chine », dénoncé par les Etats-Unis ? « Quel génocide ? Massacrer les Amérindiens ou les aborigènes australiens, ça, ce sont des génocides, non ? », riposte le quotidien chinois The Global Times. « L’arrestation de dizaines de dissidents politiques à Cuba ? ». « Oui, mais vous faites quoi de l’assassinat de centaines de militants progressistes en Colombie ? », répondent les compagnons de route de La Havane. Et ainsi de suite, du tac au tac, un prêté pour un rendu, qui dévie les discussions dans les marais de la « pensée correcte » et de la mauvaise foi.

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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir5 Commentaires
Texte TRÈS instructif. Non tant sur le fond (il n'y en a pas, ce sont de vieilles resucées) que pour ce qu'il nous apprend de l'auteur – qui nous semblait plus inspiré auparavant. TOUS ses exemples sont tendancieux. Manifestement il n'a écrit cet article que pour ventiler ses préjugés, ou servilement sur commande d'un mandateur pétri de préjugés. — Énumérons ses cibles : 1) la méchante Chine contre les gentils États-Unis ; 2) les méchants Cubains contre les braves paramilitaires colombiens ; 3) les vilains Turcs contre les innocents négationnistes américains ; 4) les affreux manifestants anti-vaccin (qu'il fallait dénoncer même si ça ne touche pas au sujet) ; 5) les communistes contre les "capitalistes" (notez l'usage très perfide des guillemets). M. Marthoz n'a pas bien lu "La trahison des clercs" ou alors il n'a pas compris, ou plus probablement son aveuglement partisan ne lui a pas permis de voir que c'est de lui que ça parlait.
Ajoutons un détournement historique impardonnable : les Juifs ont accepté de porter l'étoile jaune par accommodement, pour avoir le droit de vivre. À partir des déportements et exterminations, ils ont évidemment cessé de la porter. Dire qu'elle menait tout droit dans les camps de la mort est un raccourci d'ignare. Au contraire, elle représente l'étape AVANT la déportation, l'étape où on fait croire aux victimes : "acceptez d'être stigmatisés, ne craignez rien de plus, ayez confianssssse...". Comparer une discrimination à l'étoile jaune est équivalent à dire : "Nnous n'acceptons pas cette discrimination car nous nous méfions de la suite!"
La dénonciation du whataboutisme est également souvent bien commode… ce qui est parfois commodément qualifié de « whataboutisme » n’est aussi que le refus de l’intervenant en position de faiblesse apparente de l’argument d’autorité de l’interlocuteur présumément en position de force qui veut un dialogue dont lui seul fixe les limites.
Ça me fait penser à cette autre technique consistant à critiquer ce qu'on prétend qu'est son interlocuteur plutôt que ce qu'il dit. Il est en effet plus facile de tenter de décrédibiliser un adversaire que de démontrer qu'il a tort...
Cette technique s'appelle "straw man" en anglais. (Litt. "épouvantail", mais ce mot français évoque plus la peur que la construction artificielle d'un faux, ou l'utilisation d'un leurre pour l'entraînement des lanciers. Et "homme de paille" a un tout autre sens. "Mannequin"?)