Pacte d’excellence: «Tous les coûts ne seront pas absorbables»

Avant d’être patron du Segec (Secrétariat de l’enseignement catholique), Etienne Michel était expert en finances publiques. Aussi, quand il parle « Pacte pour un enseignement d’excellence », c’est notamment avec un boulier compteur en tête. Verdict : les principales mesures évoquées par le groupe central du pacte coûteraient jusqu’à 1,4 milliard d’euros (près de 30 % du budget de l’enseignement obligatoire). Déduction : avec une Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) quasi exsangue – « quoi qu’il arrive, les marges resteront très limitées » – il ne faut pas rêver… [scald=1076067:sdl_editor_representation] Que cache votre addition de 1,4 milliard ? C’est l’estimation des montants en jeu pour les principales mesures. Je les classe en quatre grands paquets. Il y a d’abord les besoins immédiats à satisfaire dans le cadre des engagements actuels de la Fédération Wallonie Bruxelles : relever le défi démographique (NDLR : 3.000 places dans le fondamental et 25.000 dans le secondaire d’ici dix ans à Bruxelles), soit un coût additionnel annuel de 43 millions. Il y a aussi l’engagement de conseillers en prévention pour 8 millions d’euros. Il y a encore 20 millions à trouver pour remettre à flot le programme prioritaire des travaux afin de rencontrer les besoins dans des délais raisonnables. Total de ce premier paquet : 70 millions d’euros par an. L’autre paquet de mesures tient à la qualité de l’enseignement… … et à la réduction de l’échec scolaire. C’est le cœur du Pacte, il s’agit d’installer une dynamique d’amélioration de la qualité par une responsabilisation en cascade des acteurs à l’échelle de l’établissement. Cela passe notamment par une aide aux directions du fondamental pour leur permettre de se concentrer sur leur leadership pédagogique ainsi que par le renforcement des conseillers pédagogiques. Ces deux mesures coûteraient 40 millions d’euros. Le troisième paquet – remédiation et tutorat des jeunes enseignants – peut être financé dans le cadre des moyens actuels à condition de rendre plus souple leur utilisation. Sous-total : 110 millions. On les finance comment ? D’abord par l’affectation au budget enseignement des marges qui se présenteraient à l’avenir. Ensuite, et surtout, par la réallocation progressive de moyens devenus disponibles. En effet, la nouvelle organisation des cours philosophiques permettra progressivement une économie annuelle de 16 millions d’euros par an : il est évident qu’organiser un cours de citoyenneté pour tous les élèves, c’est beaucoup moins coûteux que d’organiser un éventail de cours de religion et morale. De plus, vu qu’une année de général est nettement moins coûteuse qu’une année de qualifiant à options multiples, l’allongement d’un an du tronc commun sera porteur d’économies : jusqu’à 70 millions d’euros par an. Je précise, à l’instar des syndicats, que ces réallocations doivent se penser dans le temps en respectant les engagements pris à l’égard des enseignants concernés. Et puis, il y a le quatrième paquet, de loin le plus imposant… Il pèse à lui seul 1,258 milliard. Soit 73 millions pour renforcer l’encadrement en maternelle et 485 millions pour assurer la gratuité de l’enseignement et son financement par l’égalité de traitement entre les réseaux. Ces 485 millions, correspondant à l’estimation du surcoût si les subsides de fonctionnement de toutes les écoles subventionnées – communales, provinciales et libres – étaient portés au même niveau que ceux du réseau officiel. Dans ce 4e paquet, je mets aussi le renforcement de la formation initiale des enseignants via un allongement de 3 à 5 ans : on estime qu’après dix ans, le coût additionnel direct (formation) et indirect (valorisation salariale) serait de 700 millions d’euros ! [scald=1076068:sdl_editor_representation] C’est impayable… On peut oublier le Pacte ? Il faut avoir le courage de dire que ce 4e paquet ne sera pas absorbable dans le cadre actuel du modèle financier de la FWB. Le Segec plaide pour que l’on privilégie un principe d’efficience, ou comment atteindre progressivement certains objectifs sans mettre en péril la viabilité de la Fédération Wallonie-Bruxelles. On pourrait par exemple évoquer le renforcement de la formation initiale des enseignants sans nécessairement l’allonger de deux ans avec les conséquences financières que l’on sait. L’égalité de traitement entre réseaux ? Il faut la regarder avec une certaine sagesse : je ne dis pas qu’il faut relever toutes les subventions au niveau de celles de l’officiel, par contre je dis que l’égalité peut être mieux assurée si un processus d’optimalisation des ressources intervenait dans le chef des réseaux les mieux dotés. Que voulez-vous dire ? Ma préférence, c’est que toutes les écoles atteignent un jour le même niveau de subvention que celui de l’officiel. En attendant, il y a peut-être moyen d’assurer plus d’égalité en envisageant une utilisation plus rationnelle de certains moyens, en particulier dans le réseau le mieux doté. Votre message au monde politique ? Concentrons-nous sur les trois premiers paquets, et voyons comment les mettre dans une feuille de route pour les concrétiser au cours des prochaines années avec les moyens disponibles. Pour le quatrième, ne nous enfermons pas dans des idées toutes faites. Priorité à l’efficience : c’est-à-dire l’efficacité la plus grande pour un coût qui soit absorbable par les finances publiques.

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