Stéphanie De Bruyne (itsme): «On a dépassé le cap des 6 millions d’utilisateurs»

Beaucoup de Belges ont découvert itsme à la faveur de la crise du covid et du confinement. L’appli d’identité numérique belge caractérisée par sa facilité d’usage a permis de télécharger les fameux certificats de vaccination, de signer des contrats à distance, de se connecter aux portails de l’administration… Stéphanie De Bruyne, la patronne de Belgian Mobile ID, la société qui a développé itsme, revient sur l’année 2021 et détaille les pistes de croissance. Quel bilan tirez-vous de 2021 ? On a dépassé le cap des 6 millions d’utilisateurs. C’est deux fois plus qu’en 2020. On touche désormais 80 % des adultes belges. Cette augmentation s’explique à la fois par un effet d’entraînement – de plus en plus de gens connaissent et utilisent itsme – et par le lancement de l’appli CovidSafe qui se sert d’itsme comme porte d’entrée pour le téléchargement des certificats de vaccination, de test… Cela lui a donné un boost. On constate aussi une forte augmentation au niveau de l’utilisation. Ces derniers mois, on dépasse les 30 millions de transactions mensuelles là où on était à 10 millions au début 2021. On voit de plus en plus de partenaires intégrer itsme sur leurs plateformes que ce soit dans le secteur financier, les assurances, l’immobilier, les secrétariats sociaux, le tourisme… Vous avez levé en juillet dernier 24,7 millions d’euros auprès des actionnaires existants (les quatre grandes banques et les trois principaux opérateurs télécoms belges) et de la SFPI (fonds public fédéral) pour financer votre croissance. Où en êtes-vous ? Nous avons deux axes de croissance. La croissance géographique et l’élargissement de notre offre de services. Au niveau géographique, notre focus est le Benelux. On vient de gagner un marché auprès de la ville de Rotterdam. Ses employés vont utiliser itsme comme moyen d’authentification pour accéder à ses plateformes. Ensuite, l’accord sera élargi aux citoyens qui pourront se connecter aux services en ligne de la ville via itsme. C’est un contrat important pour la suite de notre expansion aux Pays-Bas car on parle d’une ville d’un demi-million d’habitants qui est vue comme une référence. Itsme est présent sur le marché hollandais depuis début 2021. Avec quels résultats ? Notre présence est encore très limitée pour le moment parce qu’on a choisi de réorienter nos efforts en cours d’année vers le marché belge pour supporter le lancement de l’application CovidSafe. C’était notre responsabilité sociétale d’aider la Belgique durant cette période de crise. On ne pouvait pas tout faire en même temps. Ce marché que l’on vient de décrocher à Rotterdam marque le vrai départ de notre expansion aux Pays-Bas. On va aller voir d’autres villes, démarcher les entreprises… D’autres pays dans le viseur ? Rien de concret mais on veut garder la flexibilité nécessaire pour pouvoir saisir une opportunité au cas où elle se présenterait. Beaucoup de choses bougent actuellement sur le marché européen car l’Union européenne a décidé d’offrir une identité digitale à tous ses citoyens. Nous ne pensons pas qu’une solution unique s’imposera dans toute l’Europe mais nous ne pensons pas non plus que chaque pays aura sa propre identité numérique. Certains sont trop petits pour avoir un modèle rentable et vont se mettre à la recherche d’une solution. Nous sommes persuadés que nous avons une carte à jouer dans ce cadre car itsme présente une série d’atouts que peu d’acteurs ont : être accrédité par l’Europe pour le niveau de sécurité le plus élevé, avoir une gamme de services (identification, authentification) incluant la signature électronique, être actif aussi bien dans le secteur public que privé. Et la Belgique ? Elle reste notre marché prioritaire. Il y a encore du potentiel de croissance. On peut étendre notre écosystème de partenaires – 700 entreprises privées aujourd’hui, plus le secteur public – et inciter les Belges à nous utiliser davantage. La sécurité figure en tête de nos priorités. Avec six millions d’utilisateurs, itsme est devenu une infrastructure critique en Belgique. Elle doit pouvoir être utilisable en permanence. Quid du deuxième axe de croissance : l’élargissement de la gamme de produits ? On veut se focaliser en 2022 sur les systèmes de consentement. En tant qu’individu, on est défini par une série de données : diplômes, permis de conduire, données de santé… Dans une économie digitale, il est parfois nécessaire d’échanger ce type de données avec d’autres. On veut jouer un rôle en facilitant ces échanges, tout en garantissant toujours à l’utilisateur un contrôle total sur ce qu’il partage. Exemple : vous postulez pour un emploi. Votre futur employeur veut pouvoir consulter votre diplôme qui se trouve dans la base de données de votre université. Sur le portail de votre futur employeur, vous allez trouver un bouton itsme. En l’actionnant, vous allez recevoir un message dans votre appli demandant votre consentement pour le partage du diplôme. Il n’est pas question pour nous de stocker ces données mais de faciliter et sécuriser l’échange de données. On veut créer un standard sur le marché et éviter que chaque société ne développe son propre système de consentement. En l’absence de standard, le citoyen n’arrivera jamais à avoir une vue globale de tous les consentements explicites qu’il a donnés. Vous avez des projets concrets dans ce domaine ? Oui. On travaille avec le secteur bancaire pour voir dans quelle mesure ce système de consentement pourrait permettre d’automatiser certaines étapes dans le processus de connaissance du client (données dont la banque a besoin pour accueillir un nouveau client). Et à plus long terme, comment voyez-vous l’évolution des services d’itsme ? Il va y avoir de plus en plus d’objets connectés et dans ce monde-là, il va aussi falloir garantir l’identité des personnes. Dans le futur par exemple, vous pourriez réserver une chambre d’hôtel en ligne puis accéder à votre chambre, sans devoir passer par la réception. Il suffirait de badger avec votre smartphone à l’entrée de celle-ci pour être identifié avec certitude par l’hôtel. Idem pour vous connecter à une borne de recharge de véhicules électriques. Guillaume Boutin, le patron de Proximus, voudrait établir une collaboration entre sa filiale américaine Telesign, qui fournit des solutions d’identité numérique aux grandes plateformes internet, et itsme. Des discussions existent-elles ? Qu’en pensez-vous ? Oui, elles existent mais je ne peux pas donner de détails. Il faut préciser que l’on se positionne dans deux univers différents. Itsme permet d’obtenir la garantie à 100 % que c’est bien la bonne personne qui se connecte. Telesign, par contre, est un système qui évalue un degré de risque sans pour autant utiliser des données d’identité vérifiées. Les deux solutions pourraient être complémentaires mais il faut voir dans quels domaines elles pourraient se renforcer mutuellement.

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