Sports extrêmes: comment les athlètes se jouent-ils du risque et de la peur?

Mais comment font-ils ? » Cette question pourrait revenir régulièrement à l’esprit de toutes celles et tous ceux qui regarderont les épreuves des Jeux olympiques d’hiver ces deux prochaines semaines et qui, entre deux olympiades, sont peu coutumiers de ce genre de spectacles. Comment font-ils ? C’est-à-dire comment font ces skieurs pour dévaler les pentes en laissant la peur de côté ? Comment font ces bobeurs pour glisser aussi vite sans sourciller ? Comment font ces sauteurs à ski pour se projeter dans les airs sans plus d’appréhension que cela ? [scald=28861879:sdl_editor_representation] « En termes de sensations, les gens ne sont pas égaux », pose d’emblée Philippe Godin, professeur émérite en psychologie du sport (UCLouvain). « Certains ont des besoins d’un niveau faible ou moyen. D’autres, au contraire, des besoins d’un niveau élevé. » Et, selon le spécialiste, les skieurs et skieuses qui dévalent des pentes vertigineuses, les bobeurs et bobeuses qui fusent sur une piste glacée, les sauteurs et sauteuses à ski qui planent quelques secondes dans les airs sont précisément de cette trempe-là : celle des gens à hauts besoins de sensations. Tous et toutes ? « Je le pense », affirme Philippe Godin. « Ce besoin fait partie de leur personnalité. Il se fond en outre dans un système psycho-physiologique particulier. Autrement dit, ces sportifs sont équipés pour assumer ce besoin. Ce qu’ils font au travers du sport. » Thomas Sammut partage l’avis de Philippe Godin. Préparateur mental du nageur français Florent Manaudou, il travaille également avec le skieur Mathieu Faivre et la skieuse Romane Miradoli, tous deux engagés aux Jeux olympiques d’hiver, ainsi qu’avec des pilotes de formule 1. « Il faut toujours garder à l’esprit que le choix d’une discipline ne se fait pas par hasard. C’est l’adrénaline qui guide un sportif vers ces disciplines dans lesquelles le risque et la peur font partie du jeu. » Un gène de la peur ? A quoi correspond dans le cerveau ce besoin de sensations ? La question reste ouverte. Mais les chercheurs ont déjà mis en évidence des liens avec les zones de l’émotion, de la motivation ainsi qu’avec la production hormonale. « C’est un cocktail de différentes choses », affirme Philippe Godin. « Peut-être qu’un jour, on parviendra à mettre en évidence un gène même. Je ne l’exclus pas. Mais aujourd’hui, on n’en est pas là. » [scald=28861881:sdl_editor_representation] Si le rapport à la peur de ces sportifs et sportives repose donc sur une part d’inné, il se fonde également sur une autre d’acquis : un apprentissage. « Pour ma part, ce dernier doit consister à apprivoiser la peur », affirme Thomas Sammut. « C’est-à-dire que je pense qu’il est contre-productif d’essayer de chasser ou de refouler une peur. Dans l’approche que je défends avec les sportifs, j’essaie au contraire d’intégrer la peur au processus, de la traiter comme un doute. Et celui-ci est important, c’est lui notamment qui doit prévenir le manque de vigilance à certains moments de la compétition. » Philippe Godin insiste quant à lui sur le caractère progressif de cet apprentissage. Appliqué à de jeunes sportifs en devenir, il doit permettre d’y aller crescendo, étape par étape. « En gymnastique, par exemple, les entraîneurs proposeront des acrobaties adaptées à la morphologie des jeunes athlètes. En saut à ski, ils les feront sauter sur des tremplins beaucoup plus petits. C’est ainsi que progressivement, ils pourront mettre la peur sous contrôle. Pas forcément définitivement. On peut par exemple imaginer qu’après un accident, une chute, elle réapparaisse de façon plus aiguë. Ils devront alors réapprendre à la maîtriser au cours de tout un processus de réathlétisation progressif de nouveau. » Tout sauf des trompe-la-mort Les deux spécialistes le soulignent de la même façon : les sportifs et sportives engagés dans les disciplines les plus exposées au risque ne sont pas des trompe-la-mort. « Des gens pour qui la recherche d’adrénaline est plus importante que le risque de mourir, cela existe bien sûr », affirme Philippe Godin. « Mais ce sont des personnes différentes de celles dont nous parlons. Les sportifs qui pratiquent le ski, le bobsleigh ou le saut à ski cultivent un bon sens certes un peu différent de celui du commun des mortels en termes de prises de risques mais un bon sens quand même. » [scald=28861880:sdl_editor_representation] « Les sportifs et sportives que j’accompagne n’ont rien de kamikazes », confirme Thomas Sammut. « Ils acceptent de prendre des risques et d’assumer les doutes qui y sont liés. Mais ils sont très loin de faire n’importe quoi. »

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