Accueil Opinions Cartes blanches

Sire, suggérez à M. al-Sissi la libération immédiate d’Ahmed Samir Santawy

Le roi Philippe recevra le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi au palais royal ce mercredi. Compte tenu des très graves et très nombreuses violations des droits humains imputables aux autorités égyptiennes, les deux directeurs des deux sections belges d’Amnesty international lui adressent une lettre ouverte.

Carte blanche - Temps de lecture: 4 min

Sire,

Cela fait maintenant quelques années que nous observons avec admiration la sérénité qui Vous occupe lorsque Vous rencontrez, lors de visites protocolaires, des individus que le dictionnaire recense sous l’appellation de « dictateurs ou dictatrices », et que le droit international des droits humains condamnerait, s’il était appliqué, pour crimes contre l’humanité (entre autres).

Nous connaissons Votre attachement aux valeurs fondamentales portées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et nous savons combien il est difficile de converser avec de tels individus lorsqu’on sait leur mépris pour cette dernière.

Cette qualité va encore être mise à rude épreuve ce mercredi lors de la rencontre que Vous allez avoir avec le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, par ailleurs président de la République d’Égypte.

Aussi voudrions-nous Vous suggérer de tout d’abord le féliciter pour la libération en janvier dernier de Ramy Shaath. Ce défenseur des droits humains, arrêté en 2019, a passé deux ans et demi derrière les barreaux d’une prison abominable et quasi quotidiennement torturé, sans avoir jamais été condamné. Cette libération a bien sûr réjoui sa compagne (expulsée illégalement) et tou·tes les militant·es des droits humains qui se sont mobilisé·es en sa faveur pendant tout ce temps. Cette bonne nouvelle vaut donc bien un chaleureux remerciement.

Sire,

Depuis la chute de l’ancien président Mohamed Morsi en 2013, les autorités égyptiennes dirigent le pays d’une main de fer, avec une répression brutale et systématique de toute forme de dissidence et la réduction drastique de l’espace civique. Les autorités égyptiennes ont placé en détention arbitraire des milliers de personnes considérées comme dissidentes, dont un grand nombre de défenseur·es des droits humains, de journalistes, d’avocat·es, de militant·es pacifiques et de personnalités politiques d’opposition. Un grand nombre de ces personnes sont maintenues en détention provisoire pour une durée indéterminée ou purgent des peines prononcées à l’issue de procès manifestement inéquitables, notamment par des tribunaux militaires et des tribunaux d’exception dont les décisions ne peuvent faire l’objet d’un appel. Une fois libérées, elles doivent en outre faire face à des mesures extrajudiciaires abusives de la part d’agents de l’Agence nationale de sécurité adoptées dans le but d’étouffer toute velléité de dissidence. À lire aussi Egypte: 4 et 5 ans de prison pour des militants pour la liberté

Ces violations des droits humains ont lieu dans un contexte où la torture reste une pratique courante dans les lieux de détention officiels et non officiels, notamment par les agents de police et de l’Agence nationale de sécurité, comme l’attestent le Comité contre la torture des Nations unies et les ONG. Les conditions de détention notoirement déplorables en Égypte ont déjà coûté la vie à des dizaines de personnes depuis 2013.

Sire,

La discussion que Vous allez avoir avec le maréchal Abdel Fattah al-Sissi ne permettra certainement pas d’aborder tout cela en profondeur, d’autant que d’autres sujets seront certainement sur la table. Mais nous voudrions à tout le moins Vous proposer de suggérer à M. al-Sissi la libération immédiate de Ahmed Samir Santawy, chercheur et étudiant en master d’anthropologie à l’université d’Europe centrale, à Vienne (Autriche), et détenu arbitrairement en raison essentiellement de son travail universitaire sur les droits des femmes et la religion, notamment sur l’histoire des droits reproductifs en Égypte.

Ahmed Samir Santawy est actuellement détenu à la prison de Tora Mazraa. Plus de septante organisations et l’ensemble des rectrices et recteurs des universités belges appellent à sa libération immédiate.

Sire,

Ce geste concret permettrait de montrer combien la population belge peut être fière des valeurs défendues par son Souverain et de la capacité de Celui-ci à les rappeler aux personnes qui les ont oubliées, malgré leurs obligations internationales.

Confiants dans l’engagement qui accompagnera Votre capacité d’accueil, recevez, Sire, l’expression de nos sentiments dévoués.

 

À lire aussi Egypte: 4 et 5 ans de prison pour des militants pour la liberté

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info

3 Commentaires

  • Posté par D L, mercredi 16 février 2022, 16:07

    Sire, félicitez le Président Al Sissi pour avoir remis de l'ordre dans son pays tout en protégeant les minorités chrétiennes et autres contre l'intolérance islamiste des Frères Musulmans. Veuillez pardonnez les remarques déplacées de vos deux sujets, directeurs d'Amnesty International, ces brebis égarées qui abusent des libertés que vous nous avez octroyées.

  • Posté par collin liliane, mardi 15 février 2022, 16:24

    Sire, ne faites rien qui pourrait faire tomber un régime anti-islamiste. On a vu où les bonnes intentions de ceux qui hurlaient contre le régime militaire ont conduit la Turquie.

  • Posté par Deladrier-rase , mardi 15 février 2022, 15:30

    Sire, Laissez bien les arabes régler leurs histoires entre eux. Ce n'est pas comme si un compatriote était emprisonné en Egypte et n'est pas de votre ressort.

Aussi en Cartes blanches

Carte blanche Peines de prison : « Stop à l’extension infinie du sécuritaire »

Un large collectif d’avocats et d’universitaires s’oppose au projet de loi que présentera le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), mardi prochain en commission. Les signataires dénoncent la volonté du gouvernement d’ajouter, pour certains auteurs d’infractions graves, une mesure de sûreté à la fin de leur peine d’emprisonnement. «Cette logique ouvre la voie à un droit pénal autoritaire».
Voir plus d'articles

Le meilleur de l’actu

Inscrivez-vous aux newsletters

Je m'inscris

À la Une