Bien nourrir l’humanité est une priorité: l’Europe doit légiférer le secteur de la viande
L’élevage industriel a un coût environnemental et social énorme. L’UE doit contraindre les entreprises exploitantes à la vigilance.

Le 23 février, après deux longues années d’atermoiements, la Commission européenne sortira une proposition de législation sur le devoir de vigilance sociale et environnementale des entreprises européennes et de leurs sous-traitants.
A l’instar de diverses lois adoptées en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne, ce texte fournira un cadre global afin de s’assurer que toutes les grandes entreprises européennes assument leurs responsabilités sociétales tout au long de leur chaîne de valeur. Concrètement, celles-ci devront mettre en place des mécanismes pour éviter que leurs activités ou décisions ne provoquent des nuisances environnementales ou n’entament les droits sociaux ou humains des groupes (travailleurs, populations) avec lesquelles elles sont en contact. Le cas échéant, ceux-ci pourront déposer une plainte et demander réparation. Compte tenu des spécificités de plusieurs secteurs qui posent des enjeux particuliers dans le cadre du Green Deal, il conviendrait que la Commission assortisse ce texte général de réglementations ou de dispositions particulières s’appliquant à ces secteurs, notamment dans celui de production de viande.
Le doublement de la production au cours des vingt dernières années a été rendu possible grâce aux innovations technologiques, aux manipulations génétiques et à des pratiques de plus en plus intensives. Le revers de la médaille ? La lourde empreinte environnementale, la souffrance animale, l’écrasement des paysans et l’épuisement des travailleurs.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
L’élevage des animaux génère près de 15 % des émissions de CO2 au niveau mondial, mobilise 70 % des terres agricoles et est l’une des principales causes des déforestations (ce qui, dans certains pays, provoque des incendies de plus en plus durs à contenir). Ces chiffres risquent d’empirer car on s’attend à une augmentation de la production de viande de 13 % d’ici la fin de cette décennie.
Les manipulations génétiques sont telles que les poulets croissent quatre fois plus rapidement avec moitié moins de nourriture, mais ce dopage est source de malformations et de problèmes de santé. Des millions de poussins, veaux et porcs sont sacrifiés avant même d’avoir atteint les abattoirs.
73 % des antibiotiques sont destinés aux animaux parqués dans des fermes industrielles pour les protéger de maladies mais leur efficacité s’amenuise car les bactéries mutent. Cette fuite en avant se traduit par de moindres protections pour les humains qui sont déjà 700.000 à mourir prématurément chaque année de germes résistants aux antibiotiques…
La demande mondiale croissante de viande est soutenue par les graines de soja riches en protéines pour nourrir les animaux et dont les principaux producteurs sont les Etats-Unis, le Brésil et l’Argentine. Ces pays ne lésinent pas sur les pesticides – certains étant interdits en Europe à cause de leur dangerosité – pour démultiplier ces intrants. Une partie des fertilisants s’écoule hors des champs aspergés et termine sa course dans les mers. Leur toxicité est telle qu’ils asphyxient les écosystèmes marins où plus aucune forme de vie n’est possible.
L’élevage intensif est donc une menace pour la biodiversité. Il est largement responsable du fait qu’aucun des objectifs en matière de biodiversité définis en 2010 à Nagoya n’a été rencontré.
Empreinte sociale et environnementale
Une poignée d’entreprises gigantesques détient les marchés et est en mesure d’imposer des prix tellement bas aux agriculteurs qui leur fournissent que les subventions publiques sont parfois insuffisantes pour leur garder la tête hors de l’eau.
La pandémie a mis en lumière les piètres conditions de travail dans les abattoirs, terreau fertile pour la dissémination du virus en raison de lieux peu ventilés, de l’absence de distanciation, de la faible information dispensée à un personnel en position de force défavorable (souvent d’origine étrangère, parfois embauché par le biais d’agences intérimaires constituées pour contourner les lois sociales), etc.
L’élevage de bœufs est associé à des violences, voire des assassinats dans certains pays pour l’accès à la terre qui sera convertie en zones de pâturage.
Tandis que dans les années 1960, à peine 3 % de la viande produite traversaient les frontières ; ce sont désormais 11 % de la production totale, soit quelque 2 milliards d’animaux qui font l’objet du commerce international. On estime que 600 millions de personnes dans le monde (une majorité de femmes) vivent de l’élevage d’animaux qui seront vendus sur des marchés locaux ou destinés à nourrir la famille. La mondialisation du secteur favorisée par les accords commerciaux met en péril les revenus de ces familles et la stabilité de leurs communautés.
Le prix social et environnemental du morceau de viande dans notre assiette est trop élevé. Outre l’indispensable diminution de la production et de la consommation de viande, une législation sur le devoir de vigilance des entreprises englobant tous ces aspects est donc indispensable. Au niveau européen, une telle législation ne ferait que justice au Green Deal et à la stratégie européenne « de la ferme à la table » (farm to fork) censée conduire à un système alimentaire durable. Ces derniers doivent devenir le fil rouge de l’action européenne. Au niveau mondial, de par les innombrables liens des entreprises européennes avec les marchés étrangers, un tel texte contribuerait à la réalisation des Objectifs pour le Développement Durable, alliant transition écologique et sociale des politiques européennes. Enfin, il compléterait les chapitres sur les systèmes d’alimentation durables que la Commission entend désormais introduire systématiquement dans les accords de libre-échange.
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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir1 Commentaire
Encore un fantasme Vert complètement absurde! Encore des mensonges! Les chiffres cités sont faux! S'ils étaient corrects, on se demanderait bien d'où viennent les céréales, le riz et le maïs! Par une régulation largement excessive et complètement hors de propos, cette adepte anticapitaliste de la décroissance veut détruire l'industrie alimentaire, en particulier celle de la viande, et réduire ainsi à néant les progrès effectués depuis 50 ans sous l'égide de la PAC et du développement rural en vue d'accroître la production et de nourrir un nombre croissant de personnes avec de moins en moins de surfaces exploitées et des entreprises de plus en plus grandes, notamment pour des raisons de coûts environnementaux croissants à supporter (terres à laisser en friche, écoconditionnalité, etc ...).