PointCulture: après un plan social, il restera deux centres d’appui aux bibliothèques

PointCulture va survivre, mais ce ne sera plus « la Médiathèque ». Après deux ans de phasing out sous la ministre Alda Greoli (CDH), puis la perspective un peu inespérée de construire un nouveau contrat-programme sous la ministre Bénédicte Linard (Ecolo), l’espoir d’un redéploiement a été douché au seuil de l’hiver 2021 lorsque tant l’administration de la Culture que la Commission de l’action culturelle territoriale ont recalé son projet de reconversion. « On se prépare à un plan social » constate aujourd’hui le directeur de PointCulture Tony de Vuyst, « nous avons vu les syndicats la semaine passée pour essayer de tracer un plan qui tienne la route », et la direction rencontre ce jeudi les représentants du personnel. Au vu des missions qui, demain, pourraient justifier la survie de l’association et sont actuellement en négociation, les projections d’emploi sont claires : sur les 82 équivalents temps plein (ETP) de PointCulture, 39 pourraient être affectés au maintien et à la gestion de la collection de la médiathèque, 8 à 12 ETP devraient être transférés vers les bibliothèques d’appui (les bibliothèques centrales situées dans chaque province) pour aider au prêt – désormais indirect – des collections son et images dans le réseau de lecture publique. Bref, entre 29 à 33 ETP ne se justifient plus, quels que soient les scénarios en discussion : « Une trentaine d’ETP dont il faudrait se séparer progressivement », explique Tony de Vuyst. « On favorise les départs naturels (il y en aura presque 18 entre 2021 et 2026, NDLR), un plan Renault se profile mais pour l’instant on essaie de pouvoir disposer d’une somme de 600.000 euros mise l’an dernier en passif social, afin de favoriser le départ des personnes qui souhaiteraient partir. » Renseignement pris auprès du comité de pilotage qui aide désormais à la reconversion de PointCulture, il ne serait pas question de licenciement. Un des plus gros budgets de FWB En termes budgétaires, PointCulture, ce n’est pas rien. Avec 6,06 millions de subventions ordinaires et 1,235 million de subventions de l’emploi, on est dans le « top 5 » des subventions culturelles en Fédération Wallonie-Bruxelles, juste derrière l’Opéra royal de Wallonie et le Théâtre national. Or, la révolution technologique, qui a dématérialisé vinyles, CD, DVD et promu l’offre en ligne, a vu les prêts s’effondrer tout au long de la décennie précédente. Les revenus commerciaux de l’ancienne Médiathèque ont accusé la même chute. D’une structure aux revenus mixtes, PointCulture est devenue quasi exclusivement subsidiée, et la masse salariale épuise presque totalement le montant des subventions : un peu moins de 7 millions. Pour quel résultat ? C’est cruel mais début 2021, il n’existait plus que 4.000 emprunteurs actifs. Moins de 15.000 personnes ont participé en 2020 à l’une des animations des différents PointCulture. A titre de comparaison, les bibliothèques du réseau de lecture publique comptent 800.000 affiliés et déplacent chaque année 900.000 personnes vers des animations en bibliothèques. 2021, la douche froide En permettant à PointCulture de déposer en juin 2021 un nouveau projet de contrat-programme, le cabinet Linard et l’administration misaient sur un possible redéploiement de l’association. Comme l’avait expliqué dans nos colonnes le président du conseil d’administration Philippe Mahoux (Le Soir du 11 août 2021), PointCulture a tenté de se présenter dans ce projet comme possible structure d’appui pour l’ensemble de la culture. Mais, traduit une source interne à l’administration, ils l’ont fait « hors sol », sans être intégrés aux logiques de la culture. Une autre idée développée dans ce projet était de servir de coordinateur dans le cadre du Parcours d’éducation culturelle & artistique (Peca). Mais les rôles étaient déjà distribués dans les divers consortiums et bassins scolaires. Le service général de l’inspection de la culture a rendu un premier avis fort argumenté mais aussi fort négatif. La commission d’avis – Commission de l’action culturelle territoriale – a été beaucoup plus lapidaire mais tout aussi négative : « aucune ligne directrice », « pas de base légale », « couverture territoriale problématique », « légitimité remise en question ». Les vingt lignes de cet avis négatif sont crachées au vitriol, mais elles posent de vraies questions : à part payer les salaires, quel était l’apport concret des 7 millions d’euros dépensés par PointCulture ? Beaucoup d’autres intervenants ne sont-ils pas capables d’offrir les mêmes services et pour moins cher ? Etc. Face à ces deux avis négatifs, PointCulture a été prié en décembre de remettre une nouvelle feuille de route, établissant un socle de compétences non redondantes, complémentaires aux autres opérateurs culturels, et spécifiques à PointCulture : en quoi sont-ils réellement incontournables ? Le grand basculement Cette feuille de route n’a pas été entièrement bien reçue. Mais, depuis le début de l’année cependant, des éclaircies se font jour. D’une part, PointCulture s’est vu proposer une nouvelle convention « de transition », pour six mois. C’est un peu la convention de la dernière chance pour tenter, au 30 juin, de se mettre d’accord sur un contrat-programme. Cette convention n’est pas encore signée à ce jour. Par ailleurs, le projet devra déboucher sur un nouveau modèle économique, une restructuration juridique de l’opérateur, un nouveau modèle de gouvernance et un recomptage des ressources humaines réellement nécessaires. Le « renouvellement du management » est lui aussi au programme, et pour cause : le directeur de la médiation Pierre Hemptinne part en préretraite au mois de mars, le directeur financier vient d’annoncer qu’il partait vers d’autres cieux, et Tony de Vuyst, seul directeur à rester en piste, sera mis à la retraite fin de l’année. Ensuite, un comité de pilotage a été mis en place et se réunit désormais tous les mois. Il associe personnel, direction, conseil d’administration, divers départements de l’administration de la culture, le cabinet Linard, ainsi que des conseils extérieurs car il y a un profond travail de remise en cause à réaliser, presque un travail de deuil. Que trouvent-ils sur la table ? La fermeture progressive du réseau PointCulture (Liège ferme déjà en mars), la réorganisation de la collection en deux « centres de ressources » – l’un à l’administration de la Culture à Auderghem, l’autre dans un nouvel emplacement au cœur de Liège, rue Pont d’Avroy. Ces centres, implantés dans les deux régions, géreront la collection et serviront d’appui médias aux cinq « bibliothèques d’appui » de la FWB, qui elles-mêmes soutiennent les bibliothèques publiques. Enfin, il est demandé à PointCulture d’archiver les médias et réalisations numériques produits en FWB par le secteur culturel et associatif, d’en faire un catalogue et de mettre toute cette richesse à disposition sur une plateforme dédiée. « Les syndicats sont conscients que, maintenant, il faut qu’on travaille tous ensemble », commente Tony de Vuyst. Et lui ? « Je n’ai pas envie de quitter le navire en le laissant dans une situation difficile. »

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