Guerre en Ukraine: ce que signifierait une exclusion de la Russie du réseau interbancaire Swift

Pour répondre à l’invasion de l’Ukraine par les Russes, l’Occident veut multiplier les sanctions économiques. Ces représailles pourraient notamment prendre la forme d’un bannissement du réseau Swift, utilisé par les banques pour leurs échanges internationaux. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ces cinq lettres ? Et quels sont les enjeux de cette menace ?[scald=28900526:sdl_editor_representation] 1 C’est quoi, le système Swift ? Jusqu’au début des années septante, les banques organisaient leurs échanges internationaux en utilisant les fax et les télex. Des technologies vieillissantes qu’elles ont abandonnées pour Swift, un système de messagerie rapide et réputé fiable, qui a vu le jour en 1973. Aujourd’hui, une majorité des paiements internationaux sont gérés via ce système, adopté par plus de 11.000 banques dans au moins 200 pays. Organisé sous la forme d’une coopérative de banques, son siège international est à La Hulpe, dans le Brabant wallon. Le rôle de Swift est fondamental pour la gestion des flux financiers et des échanges commerciaux internationaux. L’an dernier, Swift a enregistré en moyenne 42 millions de messages financiers par jour, avec un pic de 50,3 millions de messages pour la seule journée du 30 novembre. « Son rôle est indispensable au commerce extérieur », explique Eric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management, à Lille et Paris. « C’est une pièce essentielle de l’architecture du système financier international. »[scald=28901337:sdl_editor_representation] Concrètement, le rôle de Swift est de s’assurer que les transactions réalisées entre des banques de pays différents se déroulent rapidement, de manière sécurisée et juridiquement solide. « Lorsqu’une entreprise veut acheter des biens à une société située dans un pays différent, il est indispensable que les contreparties financières entre leurs banques soient gérées de manière non falsifiable et sans insécurité juridique », poursuit Eric Dor. « C’est pour cela que les ordres de paiement transitent par la messagerie de Swift, qui rend possible un tel service. » Avant la mise en place de Swift, les méthodes utilisées étaient bien plus lentes et sujettes à de nombreuses contestations. 2 Exclure un pays de Swift, du jamais vu ? Non car de 2012 à 2016, pour répondre au programme nucléaire de Téhéran, l’Union européenne avait déjà interdit d’accès 112 personnes ainsi que 442 sociétés au réseau interbancaire, à commencer par la Banque centrale d’Iran. Cette déconnexion avait été réitérée en novembre 2018 sous la pression de Washington qui, six mois plus tôt, s’était retiré de l’accord sur le nucléaire iranien. En 2017, ce sont des établissements financiers nord-coréens qui avaient été mis au ban du système de messagerie. Ce scénario avait aussi été envisagé – puis abandonné – en 2014, cette fois à l’encontre de la Russie pour répondre à l’annexion de la Crimée. 3 Et si Swift coupait le cordon avec la Russie ? C’est ce que réclame vivement l’Ukraine et que préconisent le Royaume-Uni et la France, notamment. Mais les Etats-Unis et plusieurs pays européens, tels que l’Allemagne, se montrent réticents. La Belgique n’a pas de position officielle sur le sujet mais, explique un proche du gouvernement fédéral au Soir, « dans les rangs belges, on attire l’attention sur les conséquences à long terme d’un écartement de la Russie de Swift ». Autrement dit : privée de ce réseau interbancaire, la fédération russe n’aurait d’autre solution que d’accélérer le développement de son propre système de messagerie (Financial messaging system of the Bank of Russia, SPFS), initié en 2014. Utilisé aujourd’hui par 400 institutions en fédération de Russie et par 23 banques étrangères (en Allemagne, en Suisse, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Biélorussie et en Arménie), le SPFS pourrait être interconnecté avec des systèmes alternatifs comme le Cross-Border Inter-Bank Payments System (CIPS) qu’ont créé les Chinois en 2015.[scald=28901028:sdl_editor_representation] Un bannissement de Swift pâtirait également aux intérêts occidentaux, notamment aux pays européens importateurs d’hydrocarbures russes. De plus, il n’est pas certain que les banques occidentales accepteraient de retravailler à l’ancienne avec des partenaires russes exclus du réseau. « Depuis quelques années, les banques sont tellement assommées de législations et de règles en tout genre qu’elles risquent de refuser d’envoyer ou de recevoir des ordres de paiement qui ne seraient pas parfaitement sécurisés », explique Eric Dor. « Tout simplement pour des raisons légales. » 4 Est-ce l’« arme atomique » ? « Ce serait une sanction forte mais dont les effets ne se feront sentir que sur le très court terme car il existe des alternatives à Swift », note l’économiste Étienne de Callataÿ. « Comme on ignore la hiérarchie des actions que pourrait entreprendre Poutine, il est peut-être préférable de garder cette arme en réserve. L’utiliser dès aujourd’hui n’est probablement pas la meilleure option ». De fait, au mois de mai, le think thank Carnegie Moscow Center, qui se concentre sur la politique intérieure et étrangère, comparait ce scénario à « l’option nucléaire », dont souffriraient aussi notamment les Etats-Unis et l’Allemagne.[scald=28901189:sdl_editor_representation] Plus efficace et plus durable, estime Roland Gillet, professeur d’économie financière à La Sorbonne et à l’ULB (Solvay), serait un gel des avoirs russes : « Il vaut mieux geler les comptes de ceux qui prennent les décisions et de leur garde rapprochée. »[scald=28901338:sdl_editor_representation] Pour paralyser réellement les échanges avec des entreprises russes, il faudrait que Swift soit un service incontournable. Or, il existe des alternatives. S’il est douteux que l’on rebranche les téléfax ou que l’on sorte des greniers et des musées les telex encore utilisables, le courrier électronique pourrait être utilisé pour les échanges. Certes, il ne dispose pas des procédures automatisées mises en place par Swift. Et, surtout, l’e-mail est loin d’être aussi sécurisé que les messages bétonnés par Swift. « Si l’on exclut les Russes du système, cela va compliquer les paiements transfrontaliers », note Eric Dor, « mais cela ne va pas les rendre impossibles. Il faudra simplement recourir à l’e-mail ou aux anciennes méthodes, celles qui existaient avant l’arrivée de Swift. » [scald=28896134:sdl_editor_representation]

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