Guerre en Ukraine: des conséquences possibles pour la cybersécurité belge

Le message se veut rassurant : « Pour l’heure, il n’existe aucun élément objectif permettant d’identifier une cybermenace concrète envers notre pays ». Même si le Centre pour la cybersécurité, à l’origine du message, estime par la suite qu’« une cyberattaque ayant des conséquences pour les organisations belges ne peut cependant jamais être exclue ». Pas la peine de s’inquiéter, donc. « Je dois avouer que je suis moins optimiste que le Centre pour la cybersécurité quant à l’impact du conflit ukrainien sur le niveau de menace en Belgique », tempère Axel Legay, professeur d’informatique à l’Ecole Polytechnique de l’UCLouvain. On n’est pas du tout à l’abri de tentatives de déstabilisation numérique, de la propagation de fake news, du blocage de certains services ou d’espionnage. La question est de savoir si les événements en Ukraine vont augmenter les risques de ce genre de problèmes ici. Là, je rejoins le centre pour la cybersécurité. Chez nous, la menace est très haute en permanence et le nombre d’attaques est en augmentation constante. Avec la présence de nombreuses infrastructures européennes et de l’Otan, la Belgique est une cible privilégiée. Il est difficile d’évaluer si le nombre d’attaques ou les tentatives de déstabilisations augmenteront en raison de cette crise ». Ainsi, de nombreuses entreprises qui collaborent avec des institutions à risque pourraient être prises pour cible en raison d’un niveau de sécurité moindre. « Personnellement, je recommanderai la prudence à chacun. Tout le monde doit être particulièrement attentif en ce moment. A fortiori ceux qui travaillent avec ces structures. Chaque mail louche, chaque message Whatsapp peut être une tentative d’attaque ». Rappeler les bons réflexes « Si l’on n’a pas encore mis en place de sécurisation comme l’authentification à deux facteurs (un sms ou un mail de confirmation lorsque l’on se connecte à un compte professionnel par exemple, NDLR) cela peut être le bon moment de le faire, ajoute Jean-Michel Dricot, cofondateur du Master en cybersécurité de l’ULB. Cette sécurité semble aujourd’hui encore plus importante encore que des mots de passe complexes. Les autres conseils que l’on peut donner sont assez classiques : veiller à installer les correctifs de sécurité des logiciels que l’on utilise, garder son antivirus à jour et éviter de cliquer sur des liens que l’on ne connaît pas. Cela ne sert à rien d’être alarmiste, mais il faudra certainement se montrer plus prudent durant les semaines à venir ». Et en cas de suspicion d’intrusion dans un système, il ne faut, en outre, pas hésiter à prévenir La Computer Emergency Response Team fédérale, la CERT. D’autant plus crucial que les groupes cybercriminels peuvent profiter d’un certain chaos à venir pour ratisser large et lancer des attaques d’extorsion plus classiques. En informatique non plus, les attaques chirurgicales n’existent pas Un autre risque pourrait être celui de la propagation d’un virus utilisé à des fins militaires. Comme dans tout conflit armé, il est difficile, voire impossible de procéder à des attaques ciblées. « Souvent, les cibles sont des services stratégiques, note Jean-Michel Dricot. Des hôpitaux, des bases militaires, des aérodromes, ou des infrastructures énergétiques. Mais, étant donné l’interconnexion de tous ces services, une attaque sur ce genre de site peu très vite avoir des répercussions sur d’autres ». Ainsi, en 2017, le malware NotPetya qui devait cibler le réseau énergétique de l’Ukraine, et qui l’a d’ailleurs paralysé pendant une demi-journée, a finalement mis à terre le livreur américain FedEx et lui a coûté 300 millions de dollars. D’autres services occidentaux ont également été touchés. « Quand on envoie ce genre de virus, il y a toujours un risque de le voir circuler et que celui-ci se répande de proche en proche à tous les partenaires de la cible. ». Raison de plus pour rester vigilant dans les prochains mois. D’autant plus que, bien souvent, on se rend compte qu’un système a été compromis que trop tard. Il est donc possible que des attaques aient déjà eu lieu et que personne ne l’ait encore remarqué.

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