Panama Papers: l'immobilier belge se terre offshore

Au milieu de la 54e rue, à proximité du quartier financier de Panama City, un immeuble de six niveaux aux vitres teintées, bordé d’un parking et d’une guérite de fortune – une chaise et un parasol. Une clinique dentaire au rez-de-chaussée, les bureaux de Mossack Fonseca aux premier et deuxième étages auxquels on ne peut accéder qu’après un contrôle d’identité. En vain puisque, comme l’explique aimablement une employée, « Messieurs Mossack et Fonseca ne reçoivent pas, laissez-nous vos coordonnées ». On les a donc laissées… Le « Mossfon building », c’est tout au plus quelques centaines de mètres carrés d’« open space », de femmes en tailleur, d’hommes en cravate. Il n’en faut pas davantage pour héberger le siège social de plus de 9.000 entreprises. Parmi celles-ci, quelques-unes sont détenues par des Belges. Avec des objectifs souvent différents, déjà évoqués par l’ICIJ, Le Soir et leurs partenaires dans le cadre des Panama Papers. [scald=1109670:sdl_editor_representation] Succursales en Belgique Mais combien sont-ils à avoir choisi la voie la plus exotique – et souvent la moins imposée – pour devenir propriétaires d’un immeuble en Belgique ? Faute de données précises mises à disposition par l’administration fiscale, Le Soir s’est appuyé sur les données de la Banque Carrefour des entreprises (BCE) et a repéré plus de 300 succursales d’offshore possédant ou ayant possédé un immeuble sur notre territoire. La détention d’un patrimoine par une offshore est généralement motivée par des raisons fiscales, notamment l’évitement des impôts lors d’une succession ou d’une cession. La création d’une succursale à Uccle, Liège ou Ostende est, elle, d’ordre juridique : « La création d’un établissement stable, par exemple sous la forme d’une succursale, est automatique dès qu’une société étrangère mène une activité commerciale régulière en Belgique, précise Bart Peeters, professeur de droit fiscal à l’université de Gand. Ce peut être la perception de loyers, la présence de personnel, par exemple, pour une société de management. Dans tous les cas, cet établissement stable est soumis à l’impôt sur les non-résidents, impôt qui sera perçu sur les revenus des activités menées en Belgique. » Avec l’aide de la BCE, 338 entreprises répondant à ce strict cahier des charges (succursales belges d’offshores détenant ou ayant détenu une propriété en Belgique) ont été identifiées. Sans grande surprise, on les trouve surtout en province d’Anvers, à Bruxelles et dans le Brabant wallon. Avec le Panama, les îles Vierges britanniques et les îles Anglo-Normandes comme principales sources d’inspiration. Et cet implicite rappel à l’ordre : moins de 10 % de ces offshore ont été enregistrées par Mossack Fonseca et figurent dès lors dans les Panama Papers, ce qui laisse deviner que les documents reçus par le Süddeutsche Zeitung et l’ICIJ ne donnent qu’une vision très partielle de l’évasion et l’optimisation fiscales à grande échelle. [scald=1109671:sdl_editor_representation] Ces mêmes Panama Papers, ajoutés à d’autres documents, permettent néanmoins d’affiner le portrait de quelques-uns de ces propriétaires ayant un pied dans un paradis fiscal, l’autre en Belgique. Ainsi certains d’entre eux, malgré toutes leurs précautions, n’ont-ils pu éviter les rappels à l’ordre du fisc. C’est par exemple le cas de Nelscope Investments, une société gérée par un diamantaire et qui possédait au moins deux appartements à Anvers, rattrapée aux îles Vierges britanniques par un courrier du SPF lui demandant des éclaircissements sur sa situation fiscale. Ou de The Cambridge International Foundation, immatriculée au Panama et dont quelques échanges de courriels trahissent les déboires fiscaux autant que le désarroi des agents d’enregistrement et de la banque, ne sachant trop que faire de ce courrier revendicatif. Un terrain, une maison, ... Les propriétés en Belgique détenues par des offshore sont de tous types, nous apprennent encore ces documents. Comme ce contrat d’août 2014 par lequel la panaméenne Glenwood Properties SA autorise ses gérants, la famille N., à « procéder à toutes les démarches administratives avec la commune de Deurle et signer tous les documents nécessaires à l’obtention d’un permis pour subdiviser un terrain situé à Lindenpark, sur le territoire de Deurle ». Ailleurs, c’est Carine V. qui procède à une augmentation de capital de son offshore immatriculée aux Seychelles, Sidney Group, en y intégrant au mois de juin 2014 une maison située à Lasnes et évaluée à 595.000 euros. A Mettet, en province de Namur, Jean D. s’est mandaté lui-même, via l’offshore Keltic Investments, pour revendre une maison et un terrain de 22 ares. On ne sait s’il en a obtenu un bon prix… Selon le SPF Finances, 57 propriétés belges (terrains, appartements ou immeubles) sont actuellement détenues par des sociétés de droit panaméen, 83 par des sociétés des BVI et 8 par des personnes morales immatriculées aux BVI.

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