A Irpin, verrou au nord de Kiev, les combattants ukrainiens résistent pied à pied

Le tonnerre des canons gronde sous la neige à travers les hautes futaies de pins le long de la route menant à Irpin. Les bras chargés de sacs, des petits groupes de civils fuient les combats d’un pas pressé. D’autres, qui poussent des chariots chargés de provisions, les croisent dans le sens opposé pour rapporter des vivres chez eux. Dans ce faubourg du nord-ouest de la capitale, les Russes ont relancé leur offensive ce jeudi matin, après une pause dans la bataille mercredi. Au loin, des panaches de fumées, provoqués par les bombardements russes, s’élèvent dans le ciel chargé de neige et du parfum de la guerre. Une nouvelle salve d’artillerie claque entre les arbres. L’atmosphère est saturée par l’odeur de poudre. Les civils rentrent la tête dans les épaules et accélèrent la cadence, certains se mettent à courir. « Ne vous inquiétez pas ceux-là sont sortants », rassure un soldat de la défense territoriale. Une femme court en tenant son fils par la main. « J’ai trop peur, je ne peux pas parler », dit-elle dans sa fuite. Une femme accompagnée de son mari et de son fils s’arrête quelques instants. « Nous avons dû quitter la maison », dit-elle. « Les avions de combat russes bombardent la ville. La maison de nos voisins a été détruite. Ceux qui sont restés en ville ne quittent plus les abris. Je n’ai que des larmes et la peur au ventre pour mon fils. On ne pouvait plus rester. » « Des hommes infiltrés » La famille vient de Hostomel, où les combats font rage depuis une semaine entre forces russes et ukrainiennes autour de l’aéroport Antonov, dont les forces russes ont tenté de prendre le contrôle pour établir un pont aérien vers la capitale. La bataille s’est rapidement étendue à Boutcha et Irpin, deux localités voisines. Les forces ukrainiennes ont déjà repoussé plusieurs vagues d’assauts russes cette semaine, détruisant une colonne de chars et affirmant avoir abattu un avion de combat russe ce jeudi matin. « Nous avons assisté aux combats avec les forces héliportées russes, nous avons vu les soldats russes se faire tuer », commente la mère de famille. « Nous sommes des êtres humains. Nous pensons aussi aux mères de famille russes qui pleurent leurs enfants disparus de l’autre côté. » Un petit groupe passe dans l’autre sens, en direction de la ville. « J’étais sorti d’Irpin pour aller voir mon père, qui est malade », raconte un homme. « Mes enfants et mes petits-enfants sont à Irpin. Nous ne pouvons pas partir. Nous ferons tout pour résister en donnant des médicaments et des vivres aux soldats ukrainiens ». Six obus tombent dans la forêt. « Entrant, entrant », lance un militaire. Un homme s’approche du soldat du 206e bataillon de la force territoriale ukrainienne, et lui tend un imposant couteau de chasse. « Achève-les au couteau. Tues-en autant que possible », dit-il avant de reprendre sa fuite vers Kiev. « Les Russes essaient de se regrouper pour tenter une nouvelle percée », explique le soldat qui s’est choisi un nom de guerre : Raptor. Nous les frappons avec tout ce que nous avons d’artillerie pour les disperser et les faire reculer. Plus loin, nos forces frappent aussi leur fameuse colonne logistique pour l’empêcher de faire la jonction avec le front et de les ravitailler. » Agé de 33 ans, cet ingénieur en informatique dans la vie civile s’entraînait chaque week-end depuis quelques mois avec des camarades au tir et au combat. Il est hésitant dans son jugement sur l’armée russe. « Soit ils sont vraiment nuls, dit-il dans un éclat de rire, soit ils nous envoient des gamins, des enfants de dissidents dont ils veulent se débarrasser à la guerre avant de nous envoyer des gars sérieux. Avant-hier on a défait un bataillon russe escorté par les Tchétchènes de Kadyrov. » Pénuries Un petit groupe d’hommes approche du barrage les mains liées dans le dos, sous la garde de soldats en armes. « Nous ne sommes pas russes, pas russes », disent-ils en ukrainien, la peur sur le visage. Ils ne portent pas d’uniformes. « Ce sont des infiltrés », lance un soldat ukrainien. « On les ramène à Kiev pour les interroger. Ce sont des prisonniers de guerre. » Plus loin sur la route, le pont menant à Irpin est détruit. Une voiture gît dans le lit de la rivière au milieu des débris. « Quatre missiles russes ont été tirés depuis la Biélorussie, l’un d’eux a détruit le pont », affirme Oleg, un soldat ukrainien. « Nous tenons Boutchka et Irpin. Nous évacuons des civils qui n’ont plus de nourriture. Nous en avons évacué mille depuis hier. » Les tirs d’artillerie s’intensifient dans les deux sens. Les habitants se fraient un chemin à travers les débris pour s’échapper. De l’autre côté du pont, dans Irpin, une colonne de voiture de civils attend le signal pour quitter la ville par une autre route et démarre en trombe dès qu’il est donné. Le danger semble de nouveau se rapprocher. L’armée ukrainienne se déploie sur la rive du pont qui mène vers Kiev, un blindé en appui. Les soldats se mettent en position avec leurs lance-roquettes et une mitrailleuse lourde. « Dégagez, dégagez », lancent-ils. Des files de voitures s’enfuient à toute vitesse vers le centre de Kiev. Plus tôt dans la journée, jeudi matin, des nuages de vapeur s’échappaient du système de chauffage de la ville situé à proximité de la voie numéro 1 de la gare centrale et frappé par un missile la veille au soir. Des habitants de la capitale continuaient de chercher un train pour s’échapper vers l’ouest du pays. « La vie est devenue trop dure à cause de la guerre et des pénuries dans les magasins », raconte Ioulia en attendant son train avec son mari et son fils. « On a déjà essayé de partir le 26 février sans succès. Un missile était passé juste au-dessus de notre immeuble avant d’aller frapper un bâtiment de l’autre côté de la rue. » « Nous allons reconstruire chaque immeuble, chaque rue, chaque ville », a lancé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky une semaine après le début de l’invasion russe et alors que la pression russe sur les grandes villes s’intensifie. Avant d’ajouter à l’adresse de Moscou : « Vous allez nous rembourser pleinement tout ce que vous avez fait contre notre Etat. »

Votre compte

A Irpin, verrou au nord de Kiev, les combattants ukrainiens résistent pied à pied

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Guerre en Ukraine

Grand format Guerre en Ukraine: faut-il maintenir le dialogue avec Poutine?

Ukraine: quand le Donbass était surnommé la dixième province belge

Guerre en Ukraine: la Belgique privilégie d’abord l’unité occidentale

Guerre en Ukraine: Joe Biden, Mark Zuckerberg… et 961 autres Américains interdits d’entrée en Russie

Guerre en Ukraine: l’exigence du président Erdogan pour accepter la Suède dans l’Otan

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Variole du singe: un quatrième cas confirmé en Belgique, le conseil de Marc Van Ranst à la population

Plus de 120.000 personnes à la parade de la Belgian Pride à Bruxelles (photos et vidéo)

Reine Elisabeth: la Belge Stéphanie Huang en finale

Reportage Conséquence de la guerre en Ukraine, l’Inde, grenier à blé, protège sa production

Guerre en Ukraine: l’exigence du président Erdogan pour accepter la Suède dans l’Otan

Le sport à l’œil, ou presque: le fragile privilège des Belges

« Nos collaborateurs sont des empereurs, les clients sont rois »

6 Belges sur 10 sont de plus en plus sensibles à la politique climatique de leur emploi

« Nous donnons de la valeur aux idées et encourageons à les transformer en projets concrets »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel