Emmanuelle Bercot à propos de «Goliath»: «Être dans l’énergie du combat me plaît»

Prix d’interprétation à Cannes pour Mon roi de Maïwenn en 2015 et nommée la même année au prix de la meilleure réalisatrice pour La tête haute aux César, Emmanuelle Bercot incarne dans Goliath, de Frédéric Tellier, une militante d’un collectif anti-pesticides se battant contre une puissante entreprise agrochimique. Un rôle taillé pour l’actrice, qui n’hésite pas à lever la voix pour se faire entendre, que cela soit chez les géants ou ceux d’en bas. « Goliath » aborde un sujet malheureusement toujours actuel. Qu’est-ce qui vous a poussée à accepter ce rôle ? Le scénario ? Je ne vais pas vous mentir, j’avais accepté avant même de lire le scénario. Parce que j’ai rencontré Frédéric Tellier et je l’ai beaucoup aimé. J’ai tout de suite senti qu’il était très habité par son sujet et que ça allait être un film engagé. Je connaissais le casting, avec Pierre Niney et Gilles Lelouche, et pour moi, c’était aussi un argument de poids. Quand j’ai lu le scénario, j’ai découvert une histoire extrêmement bien documentée et efficace. Je trouvais qu’il y avait dans l’écriture et dans cette histoire vécue par le prisme de trois personnages différents, un rythme, une efficacité et aussi une émotion vraiment très admirable, donc j’ai tout de suite su que j’allais le faire. Pour incarner au mieux votre personnage, avez-vous puisé dans votre propre révolte ? Quoi qu’on joue, on puise dans ce qu’on est. Parce qu’on n’a pas d’autres outils que ce qu’on est. Évidemment à titre personnel, j’ai plein de révoltes, plein de colères, d’indignations, pas forcément pour les pesticides mais je peux me servir de toutes mes indignations contre les pesticides. C’est l’énergie de l’indignation, de la révolte, qui compte. Après, évidemment, sans être une militante, je suis aussi concernée par ces problèmes de santé publique. Donc, oui, je puise dans ma capacité de révolte, mais pas uniquement contre les pesticides. Je puise dans ma capacité de révolte à tout ce qui fait qu’il y a des petits et des grands, des faibles et des forts, des pauvres et des riches. C’est votre première collaboration avec Frédéric Tellier. Comment ça s’est passé ? Extrêmement bien. Parce que c’est quelqu’un qui travaille dans une grande douceur et dans une grande délicatesse. Par ailleurs, c’est quelqu’un de très drôle donc il y a une ambiance très joyeuse et très agréable sur le tournage et j’avoue que c’est quand même un plus énorme. Dans le travail, c’est quelqu’un qui a une passion inouïe pour les acteurs. Il a même une admiration pour ce métier qui est peut-être un peu excessive… Mais en tout cas on est vraiment choyés ! Puis une fois qu’il nous a choisis, il nous fait confiance donc on est très libres. Il ne cherche pas à étouffer ce qu’on est, on peut vraiment proposer tout ce qu’on veut, il est toujours à l’écoute. On travaille vraiment dans une très grande complicité mais dans une très grande douceur aussi. C’est important parce qu’il y a parfois des gens qui aiment bien être un peu agressifs. Et là, je n’ai pas un seul mauvais souvenir de tournage avec lui. Sur ce genre de film, engagés, on sent aussi souvent que l’équipe et les acteurs sont heureux de participer et c’était le cas ici. Ça donne une atmosphère, une harmonie entre tout le monde. Ça vous plaît, cette liberté dans le jeu ? Tout me plaît. Ce que je n’aime pas, c’est qu’on me laisse être mauvaise. Si je sens que je suis mauvaise et que je vois que le réalisateur ne vient pas me le dire, là je vais perdre complètement confiance. En revanche, qu’on me laisse très libre ou qu’on soit très directif avec moi, ça m’est égal tant que je sens que la personne sait où elle va. Qu’elle n’a pas peur des acteurs et qu’elle me dise ce qu’elle pense. Ce qui fait toujours peur, c’est quand vous sentez qu’on ne vous dit pas vraiment les choses. Au départ, on vous avait proposé le rôle de l’avocate (qui est ensuite devenu le rôle de Gilles Lelouche), ensuite celui d’une lobbyiste (qui est Pierre Niney) pour finalement incarner cette militante. Vous auriez aimé jouer un des autres rôles ? Oui, beaucoup. J’étais très contente quand Frédéric m’a proposé le rôle de l’avocate parce que c’est un métier que j’aurais vraiment aimé faire. Et pour le coup, l’idée de défendre une cause, de soutenir et défendre des gens m’est très familière. Mais je vous avoue que quand j’ai vu le film, je suis très contente que ce soit Gilles Lelouche qui l’ait incarné parce que je trouve qu’il a composé quelque chose qui est vraiment très beau. Il a fait un très beau travail, je ne l’aurais pas fait mieux que lui. Au final, il y a un certain point commun entre ce rôle d’avocat et ce rôle de militante parce que vous plaidez une cause pour plusieurs personnes. Totalement. Ils sont dans le même camp tous les deux. Ce qui me plaît en général, c’est de pouvoir être dans l’énergie du combat. C’est quelque chose, que ce soit comme acteur ou comme individu, de toujours très agréable parce qu’on ne sait pas si on va gagner mais on y va quand même. En ces heures sombres, c’est important d’avoir cet esprit combatif. Il y a aussi un beau message derrière ces personnages. Oui, en plus il a voulu que le film se termine sur une note disons « optimiste », parce qu’elle dit qu’elle espère qu’un monde meilleur est possible. Qu’est-ce qu’on peut dire d’autre si on ne veut pas dire que tout est foutu ? C’est d’essayer de continuer à croire qu’on peut changer les choses ou qu’elles peuvent s’améliorer. Vous pensez que le film pourra sensibiliser le public à travers son sujet ? Oui. D’abord parce qu’on a déjà fait des projections et je vois que le public réagit très bien au film. Beaucoup disent qu’ils se prennent une claque. Je pense que pas mal de gens apprennent un tas de choses, comme ça a été mon cas d’ailleurs en lisant le scénario et en faisant ce film. Ce n’est pas que tout le monde va se transformer en militant en sortant du film, ça je n’y crois absolument pas. Mais en revanche, je pense que ça va éveiller les consciences, que plein de gens vont changer leur comportement suite à ce film. Ce sont de toutes petites gouttes, mais ce n’est pas rien. Le cinéma est un média très puissant parce qu’il touche les gens. On n’est pas là pour informer, on est là pour procurer des émotions. La qualité de ce film, c’est qu’il nous informe de façon très précise parce qu’il est hyper documenté. Rien de ce qui est raconté dans le film n’est faux, tout est vrai, mais en plus on est touchés par les personnages, on s’identifie et du coup, on ressort de la salle avec l’envie de changer soi-même. C’était important pour vous qu’il y ait cinq ans de documentation en amont de la préparation du film ? Oui, ça donne toujours confiance. D’abord parce que c’est un énorme travail et que ce n’est pas nous qui avons à le faire. Quand on fait ce genre de film, on a envie de se dire qu’on n’est pas en train de faire un truc qui est complètement à côté de la plaque ou que quand le film va sortir, tous les gens vont dire « mais c’est n’importe quoi, ça n’existe pas ». Ça donne confiance quand on sent que la personne qui fait le film, donc qui mène l’aventure, sait parfaitement de quoi il parle.

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