Pour Vidts, un bonheur en Noor massif

Pierre et Els Vidts, les parents de Noor, rongeaient leur frein depuis plus de deux ans. « À cause du covid, toutes les compétitions avaient été supprimées en 2020 et on avait dû renoncer, l’an dernier, à aller la voir à Torun et à Tokyo. Finalement, cela valait la peine d’attendre ! », lancent-ils en levant leur verre à la santé de leur fille au milieu de la délégation belge qui s’est réunie pour la fêter au lendemain de son triomphe dans le pentathlon des Mondiaux en salle de Belgrade. « Je suis contente qu’ils aient pu vivre ça », enchaîne Noor Vidts, qui a osé une coupe de champagne. « Ils m’ont toujours soutenue, ont toujours cru en moi, ont beaucoup investi aussi. Ils n’étaient plus venus me voir à une grande compétition depuis les Mondiaux de Doha, en 2019, et je sais que c’était un peu dur pour eux, parce que ces voyages, c’est un peu leur truc. Et puis, quand ils sont là, ça m’arrange parce qu’ils prennent plein de photos et, après coup, je peux voir à quoi ressemblait le pays où je me suis rendue ! » L’ambiance est détendue en ce « jour d’après ». La toute fraîche championne du monde en salle a pourtant peu dormi. Après les inévitables interviews, la remise des médailles et le contrôle antidopage qui l’ont fait rentrer très tard à l’hôtel, vendredi, elle a préféré lire les innombrables messages qu’elle a reçus et appeler sa sœur aînée que de plonger dans son lit. Noor et Nafi comme Kim et Justine Son succès de la veille a fait les gros titres non seulement par son ampleur mais aussi parce qu’il l’a fait sortir de l’ombre tutélaire de sa compatriote Nafi Thiam, « la » référence absolue des épreuves combinées, dont elle a battu le record de Belgique avec 4.929 points. Celle-ci, très « sport », l’a félicitée via les réseaux sociaux en lui affirmant qu’elle était « une star » alors que Roger Lespagnard, son entraîneur, a téléphoné dans la soirée à Fernando Oliva, le coach de Noor, pour faire de même, tout en l’invitant à aller prendre un verre dès son retour au pays pour fêter ça ! « Même si on n’est pas très éloignées en âge (un peu moins de deux ans, NDLR), Nafi a toujours été une source d’inspiration pour moi, au même titre que Tia Hellebaut et Kim Gevaert quand j’ai commencé l’athlétisme », avoue-t-elle. « Le fait que j’ai pu m’abriter derrière elle ces dernières années a été positif pour moi. Comme je l’ai déjà dit, cela avait été très chouette de partager le podium avec Nafi l’an dernier à l’Euro en salle et ce serait beau de revivre ça cet été, aux Mondiaux et à l’Euro. Quand on se parle, c’est souvent en anglais ; j’essaie parfois de m’exprimer en français, mais je reviens vite vers mon anglais initial ! Comme elle est Wallonne et moi Flamande, on me demande depuis hier si nous sommes les Justine et Kim des épreuves combinées… Je n’en sais rien, mais tout ce que j’espère, c’est que nous pourrons inspirer, comme elles l’ont fait pour le tennis, des enfants à faire de l’athlétisme ! » Elle-même y est arrivée à 7 ans, au détour d’une victoire dans un cross scolaire qui a incité son père à l’inscrire au club de Vilvorde. Mais à l’époque, elle jouait également au basket, un sport qu’elle allait pratiquer à un bon niveau jusqu’à 18 ans. « Mais quand j’ai commencé à prendre part à des championnats internationaux de jeunes en athlétisme, j’ai trouvé cela amusant en j’en ai voulu plus. J’avais déjà ce rêve olympique en tête et en basket, les Cats n’avaient pas le niveau qu’elles ont aujourd’hui. C’est pour ça que j’ai opté pour l’athlétisme. Mais le basket a toujours une place spéciale dans mon cœur. L’une des Cats, Heleen Nauwelaers, est ma meilleure amie ! » Avec Fernando Oliva, une complicité de huit ans Son choix s’est finalement révélé probant. Ces trois dernières années, elle a gagné 300 points en pentathlon et en heptathlon pour s’installer solidement au sommet de sa discipline, bien accompagnée par un coach, l’Argentin (mais marié à une Belge et résidant à Zoutleeuw) Fernando Oliva, qui l’a faite grandir et avec qui la complicité est totale. « Je travaille avec Fernando depuis 2014 et c’est grâce à lui que je suis ici », explique-t-elle. « On se comprend, on se respecte. Il recherche constamment les meilleures options pour que je m’améliore. » Pour illustrer son propos, elle évoque, en s’esclaffant, l’épisode survenu juste avant l’Euro de Berlin, en 2018, lorsqu’elle s’était fracturé l’auriculaire à l’entraînement, ce qui risquait de compromettre un peu plus ses chances déjà fortement entamées par une blessure au dos survenu au meeting de Götzis, fin mai. « Plutôt que de paniquer, il m’a envoyé une vidéo où il avait bandé sa main pour me montrer comment il était possible de lancer le poids et le javelot malgré un doigt fracturé ! Il avait cherché la solution à mon problème ! » Cette expérience du passé, soutient-elle, a forgé son caractère et l’a aidée à développer la mentalité qui est la sienne aujourd’hui, celle qui l’autorise à penser qu’elle ne vient plus seulement à des championnats pour y participer mais pour y réussir quelque chose. « Noor a de grosses facultés d’adaptation », soutient Oliva. « Elle a aujourd’hui organisé sa vie en fonction de son sport, ses études – elle bouclera la thèse de ses études de bio-ingénieur en juin –, ses relations, ses vacances… Mais la clé du succès de notre collaboration, c’est que nous avons les mêmes valeurs. Et que tout est toujours discutable. » Vidts le reconnaît elle-même, elle n’a pas d’épreuve où elle parvient à faire la différence, comme peut le faire Thiam à la hauteur ou au javelot par exemple. Mais avec son profil de « coureuse-sauteuse », elle est incroyablement régulière. À Belgrade, sur les cinq épreuves de son pentathlon, elle en a remporté trois (60 m haies, poids, 800 m) et a fini deuxième dans les deux autres (hauteur, longueur). « Je suis une athlète assez homogène, même si je suis un peu meilleure dans les courses et les sauts que dans les lancers. Je ne me focalise jamais sur un total à obtenir ; je vois épreuve par épreuve en essayant de les réussir le mieux possible. Franchement, je n’avais aucune idée de ce que je pouvais réussir à ces Mondiaux. Mais je suis très heureuse d’avoir battu le record de Belgique ; c’est d’autant plus spécial qu’il n’appartenait pas à n’importe qui… » « Elle peut s’améliorer dans chaque épreuve » Pour Fernando Oliva, Noor Vidts peut encore s’améliorer « dans chaque épreuve », même si ce sera forcément avec moins de marge que vendredi soir. Pour cela « il faudra être précis et éviter de travailler sur quelque chose qui rapporte peu. Je préfère renforcer ses points forts, d’autant qu’elle est fragile du dos et qu’il faut faire attention dans les séances de musculation. Les épreuves combinées, c’est un mélange de force et de vitesse et il faut pouvoir associer les deux pour les transférer vers la technique. » Vidts, elle, n’a qu’une envie : continuer à progresser au détour des grands championnats quelle adore disputer. Il lui est d’ailleurs arrivé d’aligner quatre heptathlons au cours de la même saison ! « J’adore l’ambiance de la compétition, j’aime me mesurer aux autres. La veille, je suis souvent stressée, mais dès qu’on arrive sur la piste, je retrouve une forme de sérénité. » Une recette qui a magnifiquement fonctionné à Belgrade.

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