«L’Événement du jeudi», «Marianne»: Jean-François Kahn l’a fait…

L’an dernier, Jean-François Kahn publiait, aux Éditions de l’Observatoire, le premier volume de ses Mémoires d’outre-vies. Ce parpaing de 600 pages fourmillant d’anecdotes personnelles et journalistiques s’achevait au début des années 1980, alors que l’auteur avait pris tantôt congé, tantôt pris la porte, des Nouvelles littéraires, du Matin de Paris, d’Europe 1 et d’Antenne 2 (Le Soir des 8-9 mai 2021). Dans le deuxième tome, du même calibre, Malgré tout, on l’a fait, on l’a dit !, on retrouve notre chroniqueur plongé dans les affres de l’angoisse au moment de « basculer de l’autre côté », au moment, après avoir été stagiaire, rédacteur, enquêteur, investigateur, petit et grand reporter, critique, commentateur, éditorialiste, rédacteur en chef, directeur, chef d’équipe, de devenir tout ça en même temps mais également entrepreneur, gestionnaire, commandant, patron, représentant… Bref, au moment de fonder des journaux. Le défi était un peu fou, singulièrement lorsque, comme Kahn, on ne disposait d’aucun moyen financier et ne connaissait personne qui soit susceptible d’investir dans une telle aventure. « Aujourd’hui, évoquerait-on devant moi un tel projet, qu’il m’apparaîtrait inconcevable, irréalisable. En fonction de quoi je découragerais le risque-tout ! », avoue l’auteur. Mais à l’époque, la perspective de « fonder un espace de refuge aux cervelles non hémiplégiques », d’offrir une possibilité de s’émanciper des carcans et du binarisme gauche/droite, des « néostalinismes de gauche, de droite et confessionnels » fut la plus forte. Ainsi naquit, en 1984, dans la douleur, L’Événement du jeudi. Et ce fut un succès. Treize ans plus tard, c’est la même démarche qui le conduisit à fonder Marianne, journal « centriste révolutionnaire », dressé contre « la pensée unique » (titre d’un de ses essais, publié en 1995). Même scepticisme du Landerneau au départ, même réussite à l’arrivée. Réussite dans les kiosques, en termes d’audience en tout cas car, fondamentalement, avec 25 ans de recul, Jean-François Kahn avoue avoir globalement échoué à faire bouger les lignes dans l’Hexagone. 230 mises en examen Dans Malgré tout, on l’a fait, on l’a dit, « JFK » passe en revue, de manière critique et souvent même ironique, les batailles tantôt gagnées, tantôt perdues, que ses journaux ont menées. S’il n’hésite jamais à reconnaître ses propres torts, il se montre légitimement fier d’avoir pointé des fausses routes, dénoncé des dérives et mis en garde contre certaines catastrophes qui, hélas, sont arrivées – comme le fossé qui n’a cessé de se creuser entre « la France d’en bas » et « la France d’en haut » : un péril face auquel il sonna le tocsin de bonne heure. Au cours de sa carrière, sa liberté de ton, son impertinence, sa virulence parfois, auront valu à Jean-François Kahn la bagatelle de 230 mises en examen et quelques solides inimitiés au sein de la gent politique mais aussi de l’establishment médiatique, qu’il n’a, il est vrai, jamais épargné pour son militantisme et son « entre-soi ». « Des fiascos, nul ne me tiendra évidemment rigueur ; en revanche, nous avons eu trop souvent raison pour qu’on nous le pardonne », lâche-t-il avec une pointe d’amertume. Mais ce deuxième volume de souvenirs est également, pour Kahn, l’occasion de partager nombre de réflexions sociologico-philosophiques et de brosser, dans ce style familier aux lecteurs du Soir, une série de portraits politiques. Commencé sous l’ère Mitterrand, l’ouvrage s’achève sous Sarkozy, un homme avec qui il entretint des relations compliquées et qu’il n’épargna guère de sa plume. Pourtant, il se montre capable de reconnaître que ce président « tint beaucoup plus de promesses qu’il avait adressées (dût-on le regretter) que François Hollande ne fut fidèle à celles qu’il avait faites aux siens » et qu’« il parvint à beaucoup mieux fédérer son camp que Chirac puis Hollande ne réussirent à entraîner le leur ». Mais, ceci acté, de préciser que souvent, « il mettait assez de ton pour parvenir à survendre des homélies opposées à celles qu’il avait précédemment clamées, mais dont il avait oublié qu’il s’y était, un temps, furieusement identifié »… Comme on disait naguère : suite au prochain (et dernier) numéro. [scald=28959846:sdl_editor_representation]

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