Près de 170 pistes pour éviter le pire en cas d’inondations majeures

Réunie ce jeudi à Namur, la commission parlementaire d’enquête sur les inondations de juillet 2021 doit adopter les recommandations nées de 120 heures d’audition et de débats. Riche de près de 170 propositions, le texte devra encore être approuvé en séance plénière, le jeudi 31 mars. Il reviendra ensuite au gouvernement wallon et aux administrations concernées de passer à l’acte pour améliorer la prévention et la gestion d’une crise d’une telle ampleur. Les conclusions dont il est question ici font l’objet d’un accord entre les trois formations de la majorité (PS, MR et Ecolo) et les Engagés (ex-CDH), dans l’opposition. Le PTB n’a pas été associé aux discussions et devrait proposer son propre texte. Le parti d’extrême gauche dénonce déjà « l’opacité » de la démarche menée par les autres partis politiques. Le PTB plaide pour « une rupture » dans la politique de sécurité en Wallonie et estime que « si ces recommandations sont réalisées par les quatre partis qui gèrent cette politique depuis trente ans, on est certain que rien ne changera. » L’enjeu de la commission de jeudi sera donc d’abord politique : une unanimité sur les recommandations intégrant le PTB est-elle possible ? En attendant la réponse à cette question, voici ce qui est sur la table. Avec cette philosophie : « Ces événements risquent de se reproduire : il faut espérer le meilleur mais surtout envisager le pire pour s’y préparer et pour en réduire l’impact ». 1 Des alertes rapides et compréhensibles Les événements de la mi-juillet ont montré que si les informations météorologiques et hydrologiques existent, elles sont souvent poussives et presque incompréhensibles pour leurs destinataires, qu’il s’agisse des politiques, des administrations, des communes ou des habitants. La Wallonie doit « s’engager résolument dans le réseau européen Efas », qui relaye les alertes en matière d’inondations. Différentes mesures devront être prises pour rendre accessibles tous les modèles de prévisions aux autorités régionales. On vise aussi la population : « En concertation avec les médias, il faut intégrer les données hydrologiques vulgarisées dans les bulletins météo grand public en cas de prévisions de crues et, le cas échéant, prévoir la diffusion de messages de pré-alerte et d’alerte. » 2 La prévention des risques et la gestion de crise Le constat est évident : l’aggravation annoncée des impacts sur le territoire wallon des phénomènes climatiques impose de revoir en profondeur toutes les procédures. La commission recommande de mieux préparer les services publics à la planification d’urgence ou, par exemple, d’encadrer la participation citoyenne en créant une réserve de citoyens volontaires au niveau local, ceux-ci étant couverts par une assurance en cas de crise. Sans surprise, les députés recommandent de travailler sur une nouvelle définition des missions du centre régional de crise qui doit devenir « l’interlocuteur de référence pour les gestionnaires de crise lorsqu’une phase de crise est déclenchée au niveau local, provincial ou fédéral ». Cela suppose le vote d’un décret qui devra veiller à l’articulation avec les autres niveaux de pouvoir. Pour plus de clarté, il est d’ailleurs recommandé de trouver un autre nom pour le centre en question. Pour la commission, il faut encore « déterminer clairement les mécanismes de coopération entre différentes entités (politiques, NDLR) dans l’hypothèse d’une succession de déclenchements de phases d’urgence. » L’accent est mis aussi sur la formation à la gestion de crise de toutes les personnes responsables dans la chaîne de commandement. Sur ces questions, la Wallonie ne pourra pas agir seule : pour fluidifier le processus de décision en cas de crise majeure, il faudra renforcer et clarifier les collaborations avec le centre national de crise et les centres provinciaux. 3 La gestion modernisée des barrages En raison du rôle joué par le barrage-réservoir d’Eupen dans la vallée de la Vesdre, le chapitre consacré aux ouvrages d’art était très attendu. La mission d’une commission d’enquête ne consiste pas à trouver des coupables, l’enquête judiciaire est toujours en cours par ailleurs. Mais des leçons doivent être tirées pour améliorer les procédures : « Nous proposons de définir un cadre légal et d’établir un plan d’urgence pour la gestion des barrages et de rendre la gestion des barrages-réservoirs plus dynamique tout en formant les équipes en vue d’une crise. » Vaste programme qui passe par quelques mesures clés : l’administration wallonne doit obtenir le droit d’imposer au gestionnaire un turbinage immédiat en situation de crise ; le calcul du volume entrant dans un barrage doit inclure les facteurs liés à l’environnement comme le ruissellement et la saturation des sols ; des plans d’alarme à plusieurs niveaux doivent être préparés avec des règles à respecter, et notamment un mécanisme de permanence opérationnelle pour la gestion des barrages-réservoirs. [scald=28965893:sdl_editor_representation] Globalement, l’idée est aussi d’associer systématiquement les responsables des barrages wallons au groupe de travail en charge des risques d’inondations, aux réflexions des zones de secours et de police, au développement des plans particuliers d’urgence et d’intervention. Il faudra encore « modéliser l’impact des lâchers de barrage sur le bassin versant en aval » et réécrire les notes de manutention. 4 Les cours d’eau sous surveillance La Wallonie va modifier son regard sur ses rivières : il faut désormais réfléchir et travailler à la dimension d’un bassin, entre l’amont et l’aval, histoire de mieux appréhender l’impact d’une crue majeure sur le territoire. Cela passe notamment par « une étude sur l’incidence de l’artificialisation des cours d’eau sur le risque d’inondation » ou par « des dispositifs favorisant les mesures de rétention des eaux » à l’échelle d’une vallée. Une réflexion doit débuter sur « l’opportunité de revoir la catégorisation des cours d’eau ». En Wallonie en effet, les rivières d’un même bassin sont gérées par les communes, les provinces ou la Région en fonction de leur importance, ce qui semble en contradiction avec la perspective d’un travail coordonné. 5 La reconstruction dans tous les esprits Avec la gestion des barrages, les recommandations sur l’aménagement territoire et la reconstruction des zones sinistrées étaient sans doute les plus attendues en raison de leur impact concret sur les communes ravagées et leurs habitants. Les députés demandent d’abord des évolutions législatives pour la prise en compte stricte de la carte d’aléas d’inondations lors de la délivrance des permis d’urbanisme, le contrôle de la mise en œuvre des mesures hydrologiques exigées pour une autorisation de bâtir et la lutte contre l’imperméabilisation des sols. [scald=28965894:sdl_editor_representation] Les députés ne sont pas avares de propositions : « Pour prévenir des risques futurs, nous recommandons de mettre à jour les cartes des zones inondables, de finaliser les cartes de risques, d’augmenter la capacité d’absorption des sols et d’organiser la reconstruction et la prévention des risques d’inondations par sous bassin versant. » En un mot comme en cent : il y a du pain sur la planche. Sans compter que la commission souhaite que soit entretenue la mémoire de cette catastrophe historique avec, au passage, la reconnaissance officielle des événements de juillet 2021.

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