Ylva Johansson: «Il faut aider les réfugiés à se rendre dans les Etats qui ont une capacité d’accueil suffisante»

Ils sont désormais 3,8 millions à avoir fui leur pays en guerre. Vendredi, 831.626 Ukrainiens avaient demandé la protection temporaire au sein de l’Union européenne, 300.000 pour la seule Pologne, 25.000 en Belgique. Les 27 ministres en charge de la migration se réunissent ce lundi à Bruxelles, la commissaire Ylva Johansson dépose plusieurs propositions sur la table. [scald=28976426:sdl_editor_representation] Comment organiser la solidarité entre pays européens ? Nous pouvons faire beaucoup et la coopération entre Etats membres est déjà très bonne. Nous avons une plateforme de solidarité, qui se réunit deux fois par semaine. Actuellement, la plupart des réfugiés sont en Pologne, qui en accueille 1,6 million. Viennent ensuite, avec plus de 200.000, l’Autriche et la République tchèque, qui ne sont pas de si grands pays, et l’Allemagne. La Lituanie et l’Estonie ont un nombre important, par rapport à leur taille : plus de 20.000 chacune. Il y a encore 100.000 réfugiés en Roumanie, 140.000 en Hongrie, qui sont des pays de première entrée : ils les quittent donc pour aller ailleurs. Il est important que nous aidions les réfugiés à se rendre dans les Etats qui ont une capacité d’accueil suffisante. C’est pour cela que je vais suggérer ce lundi que la Commission coordonne et soutienne la création de hubs d’information et de transport. Afin d’avoir une répartition équitable de la charge entre Etats membres. Pour l’instant, si les réfugiés choisissent d’aller en Estonie ou en Autriche, c’est parce qu’ils y connaissent des gens ? Oui, très souvent. Il y a aussi des ONG ou des volontaires qui viennent avec des bus et leur proposent d’aller dans un autre Etat membre. L’Autriche et la République tchèque accueillent beaucoup de réfugiés, ainsi que l’Estonie et la Lituanie. Nous devrions encourager les réfugiés à aller dans d’autres Etats membres : tout le monde ne pourra évidemment pas rester en Pologne. Nous avons aussi des compagnies de transport qui sont prêtes à leur offrir le voyage. Il faut que les réfugiés aient ces informations : où ils peuvent aller et comment y aller. Certains ministres demandent de la coordination et de l’aide, la Commission est prête à le faire, à coordonner l’information et le transport, via ces hubs. De cette manière, nous aiderons la Pologne. Parmi les réfugiés, beaucoup d’enfants… … 1,8 million sont déjà arrivés dans l’Union européenne. Nous devons avoir une attention particulière pour eux, nous devons veiller à leur sécurité, à ce qu’ils soient correctement pris en charge et ne soient pas victimes de trafiquants. Il y a aussi des enfants porteurs de handicap ou atteints de maladie nécessitant un traitement spécifique. C’est aussi quelque chose que nous pouvons coordonner au sein de la Plateforme de solidarité, pour voir dans quel Etat membre on peut trouver des capacités d’accueil. Cela se fait déjà ? Oui. Cette plateforme fonctionne bien, mais elle n’en est qu’à ses débuts, nous gérons les urgences. Maintenant, nous devons passer à la phase suivante, et voir comment mieux coordonner les efforts. Par exemple : pour l’instant, les réfugiés ne sont enregistrés qu’au niveau national. Nous devons très rapidement mettre en place un système d’enregistrement européen pour les réfugiés ukrainiens, je vais le proposer au Conseil des ministres ce lundi, c’est urgent. Vous êtes inquiète des risques de trafic, dont femmes et enfants pourraient être victimes. On vous a déjà signalé des cas ? Non, jusqu’ici, nous avons connaissance de très peu de cas avérés de trafic, et c’est évidemment une bonne nouvelle. Mais nous ne devons pas attendre qu’il y en ait, nous devons tout faire pour les éviter. Avant la guerre, les citoyens ukrainiens étaient dans le top 5 des nationalités victimes de trafiquants. C’est une des raisons pour lesquelles nous devons être vigilants. Et puis, chaque fois qu’il y a un flux massif de migrants, il y a toujours des criminels qui tentent de profiter de la situation. Enfin, les femmes sont particulièrement vulnérables. Nous avons donc immédiatement activé notre réseau de coordinateurs anti-trafic dans tous les Etats membres… Et nous avons alerté la police. Nous devons aussi informer les réfugiés directement, en leur disant, par exemple : « Prenez le bus, ne montez pas dans une voiture privée si vous ne connaissez pas le conducteur ». [scald=28976425:sdl_editor_representation] La Moldavie aussi appelle l’UE à l’aide… Le pays est vraiment sous pression. 370.000 réfugiés sont arrivés dans ce pays, 100.000 y sont toujours. C’est une situation vraiment difficile pour un pays pauvre comme la Moldavie. Il faut des actions spécifiques de solidarité pour ce pays. Nous avons déjà négocié, en un temps record, un accord pour envoyer des agents de Frontex aider à gérer les frontières. Nous avons aussi des engagements d’Etats membres de relocaliser des réfugiés arrivés en Moldavie, surtout les plus vulnérables : leur système de santé ne peut pas gérer les personnes porteuses de handicap ou atteintes de cancers. Les Etats membres ont déjà proposé 14.000 places, nous devons organiser les vols maintenant. Quid du Canada ou des Etats-Unis ? Le Canada s’est engagé à accueillir un nombre illimité de réfugiés. C’est le pays avec la plus grande diaspora ukrainienne au monde : il y a déjà 1,3 million d’Ukrainiens sur leur territoire. Ils ont prévu un plan. Si c’est nécessaire, je pense que nous devrions discuter de la possibilité d’un soutien via des billets d’avion. Nous devrions aussi discuter de la manière d’encourager les Ukrainiens à y aller. Pour l’instant, ils hésitent à partir très loin de leur pays. Nous devrions pouvoir leur expliquer que c’est temporaire, même s’ils vont au Canada ou aux Etats-Unis, ils pourront toujours revenir, quand la guerre sera finie. Nous avons donc invité le Canada, les USA et le Royaume-Uni à se joindre à notre plateforme de solidarité, dans les prochaines semaines. Pour discuter de toutes ces questions pratiques avec eux et tous les Etats membres. Certains pays de première ligne demandent du soutien financier. C’est sur la table du conseil ce lundi ? Nous avons déjà libéré des montants supplémentaires, et ce n’est sans doute pas notre dernière réponse à cet appel. L’important, maintenant, c’est de s’assurer que cet argent n’est pas seulement disponible de manière théorique, mais est aussi versé aux Etats qui en ont le plus besoin, et tout de suite. La semaine dernière, vous avez dit être fière d’être Européenne, dans ces circonstances… Par rapport à la crise de 2015- 2016, nous avons agi de manière extrêmement rapide, unie et forte. Cela a surpris Poutine, mais parfois cela nous surprend aussi nous-mêmes. Cela fait vraiment chaud au cœur de voir comment les citoyens européens se mobilisent… Il y a aussi ces entreprises qui sont prêtes à employer des réfugiés, pour qu’ils puissent gagner leur vie. Toute la société fait preuve de solidarité. Et les ministres ont activé la directive de protection temporaire en une semaine, à l’unanimité. C’était un message extrêmement fort. Cela me rend très fière. Vous pensez que cette unité va durer ? Bien sûr, il y a toujours des divergences à la table, mais il y a une atmosphère positive, et une volonté de trouver des solutions, même si parfois il faut un peu plus de discussion avant d’y arriver.

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