Kinder: une crise qui ne devrait pas tuer la poule aux œufs d’or

Ferrero est-il responsable d’une centaine de cas de salmonellose touchant principalement des enfants à travers l’Europe, suite à la consommation de certains œufs au chocolat Kinder produits à Arlon ? Tant que l’enquête sanitaire de l’Afsca et de ses homologues européens n’est pas bouclée, il est prématuré de répondre à cette question. Toutefois, le groupe, qui a dû rappeler des tonnes de produits en Belgique et ailleurs, se retrouve en fâcheuse posture. [scald=29004118:sdl_editor_representation] A court terme, la multinationale va devoir assumer le coût de ce rappel auquel elle s’est engagée par précaution. Voilà qui pourrait se chiffrer en millions d’euros, en raison de la marchandise perdue et des efforts à consentir pour retrouver et retirer les produits des stocks et des rayons. Mais ces dégâts financiers risquent de ne pas se limiter aux cinq références pointées comme véhiculant potentiellement des salmonelles. « Il est probable que, par amalgame avec les œufs iconiques de la marque, les consommateurs se détournent de tous les produits de la gamme Kinder (qui comportent aussi des barres, des biscuits et des cakes, NDLR). Dans le doute, les parents ne voudront sans doute prendre aucun risque », souligne Isabelle Moulart, consultante indépendante en stratégie de communication. « Les autres marques de Ferrero, dont Nutella, ne devraient pas être impactées car la plupart des consommateurs ignorent qu’elles sont détenues par le propriétaire de Kinder ». [scald=29002135:sdl_editor_representation] Une discrétion indispensable ? L’autre dommage, inestimable, porte sur l’image de la marque. « Les problèmes sanitaires dans la production alimentaire, cela arrive souvent, sans que cela mène systématiquement à un rappel de produits. C’est même rare, vu tous les contrôles effectués en interne. Mais là, c’est arrivé, qui plus est à Pâques, soit le pire moment de l’année pour un producteur de chocolat. Et en plus, cela touche des enfants. Voilà tous les ingrédients à ne surtout pas mélanger… Cela ne pouvait pas plus mal tomber en termes d’image », commente une observatrice avisée. « Je comprends donc que Ferrero fasse profil bas. Ce n’est pas le moment de faire du foin autour de cette histoire ». Effectivement, la marque et l’entreprise qui la détient s’en tiennent à ce stade à une communication minimale. Ce n’est que mardi soir, partiellement sous la pression de l’Afsca, que Ferrero est sorti en Belgique de son mutisme avec un bref communiqué, presque copier-coller de celui de la branche française, 24 heures plus tôt. « Tant que la crise ne s’étale pas sur des semaines ou des mois, les responsables de l’entreprise ont raison d’agir de la sorte. Moins ils communiquent, moins ils mettent en exergue le problème. Ils maintiennent ainsi la crédibilité de leur marque qui constitue la valeur principale de celle-ci », estime également Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. [scald=29002134:sdl_editor_representation] Mais le silence ou la communication a minima peuvent se révéler délétères pour une marque. « Ne rien dire n’est pas intelligent car d’autres personnes, sollicitées par les journalistes, peuvent commencer à parler à votre place », commente Gino Van Ossel, professeur de marketing à la Vlerick Business School. Avec ce bémol dans le cas de Ferrero : « On ne connaît pas encore les faits exacts et ce qui pousse l’entreprise à rester discrète. » Gare donc ici aux jugements hâtifs. Même si, pour s’avérer efficace et saine, une communication de crise présente généralement un tout autre visage… La force de l’affectif « Il faut prendre les devants et communiquer de la façon la plus procactive, rapide et transparente possible, en reconnaissant des problèmes potentiels, même si on ne dispose pas encore de toutes les réponses et de toutes solutions », explique Isabelle Moulart. « Ici, on a l’impression que Ferrero subit la crise plutôt que de la gérer ». Un sentiment que partage Isabelle Schuiling, professeur de marketing à l’UCLouvain : « Dans le secteur alimentaire, une crise peut survenir à n’importe quel moment. Il faut s’y préparer avec une cellule prête à communiquer rapidement. Ferrero, cette semaine pour les œufs Kinder, et Nestlé, la semaine dernière avec les pizzas Buitoni (produites à Caudry en France et liées à des contaminations d’E. coli, NDLR), ont pris trop de temps à réagir. Il faut restaurer la confiance et vite. » Reste à voir si, à moyen ou long terme, Kinder souffrira d’une image écornée et d’une rupture de confiance. C’est loin d’être sûr, estiment tous nos interlocuteurs… « Les consommateurs ont la mémoire courte », rappelle Gino Van Ossel. « Quand une marque est vraiment forte, les gens recommencent vite à l’acheter. C’est tout le contraire pour les marques faciles à remplacer comme celles des distributeurs notamment ». On a pu constater ce phénomène par le passé avec des suspicions sanitaires similaires chez Coca-Cola ou Mars. « La marque Kinder dispose elle aussi d’un bon matelas de réputation. Les consommateurs l’aiment et se la transmettent de génération en génération. Ce lien affectif va les pousser à lui pardonner plus rapidement, même si la remontée des ventes sera sans doute lente. » Gageons que les enfants les plus accros au chocolat hypersucré seront les meilleurs alliés de Ferrero, à une époque où de nombreux parents ont du mal à résister aux demandes insistantes de leur progéniture…

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