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Guerre en Ukraine: l’ONU suspend la Russie du Conseil des droits de l’Homme

L’Assemblée générale de l’ONU, composée des 193 pays membres, a suspendu la Russie de son siège au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en raison de l’invasion de l’Ukraine, lors d’un vote qui a recueilli 93 voix favorables et traduit un effritement de l’unité internationale face à Moscou.

Temps de lecture: 5 min

L’Assemblée générale des Nations unies a voté jeudi à New York en faveur de la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, dont le siège est à Genève. 93 Etats membres ont soutenu cette mesure, rejetée par 24 autres, parmi lesquels la Chine, l’Iran, la Syrie, la Biélorussie, le Mali, la Centrafrique et l’Algérie. 58 pays se sont abstenus, dont l’Inde et le Brésil. Il s’agissait, pour les auteurs du texte, de rassembler les deux tiers des votes fermes, « oui » ou « non », les abstentions n’étant pas comptabilisées.

Cette procédure a été déclenchée à la suite de la diffusion de vidéos et de photos montrant les massacres de civils perpétrés dans plusieurs villes ukrainiennes par l’armée russe, dont la ville de Boutcha, au nord-ouest de Kiev. L’Ukraine s’est d’ailleurs déclarée « reconnaissante » de cette décision, affirmant que les « criminels de guerre » ne devaient pas y être représentés. De son côté, le Kremlin regrette cette suspension, avertissant que Moscou comptait « continuer de défendre ses intérêts par tous les moyens légaux ».

« Appuyer sur la détente »

Dans une déclaration commune, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du G7, qui ont introduit la proposition de résolution à l’Assemblée, se disaient « convaincus que le moment était venu de suspendre l’adhésion de la Russie au Conseil des droits de l’Homme ». En ouverture des débats, le représentant adjoint de la Grande-Bretagne avait averti qu’une « croix rouge », synonyme de vote négatif, resterait « gravée à jamais » et qu’elle revenait, citant Elie Wiesel, à « appuyer sur la détente ».

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« Je crois que c’était la chose à faire, après toutes ces atrocités commises et ces crimes de masse, déclarait peu avant le vote le représentant français à l’ONU, Nicolas de Rivière sur CNN. L’heure est venue de rendre des comptes. Cette suspension s’impose, mais il faut aussi que la communauté internationale fasse son travail, lance une enquête et il va nous falloir être présent, là aussi. »

Ce vote est « plus que symbolique », martelait la représentante américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, dans une interview à la radio publique NPR, le 3 avril. Et d’ajouter : « Il poursuit la tâche que nous avons commencée, qui consiste à isoler la Russie et à la tenir responsable de ses actes. Ce qu’elle fait n’est pas normal. Elle va entendre du monde entier que nous ne tolérerons pas d’entendre sa désinformation, sa propagande, à l’ONU. »

En coulisses, au siège new-yorkais de l’ONU, la question se posait de la pertinence de la manœuvre, dans la mesure où la Chine, le Vénézuela, l’Erythrée, le Soudan font eux aussi partie du Conseil des droits de l’Homme et présentent un bilan accablant en matière de protection des droits de l’Homme. « La Russie devrait se conformer à une norme plus élevée », estime Linda Thomas-Greenfield. « Elle est un membre permanent du Conseil de sécurité. Elle porte la responsabilité de se conduire comme un pays qui fait respecter la Charte des Nations unies et qui se préoccupe des valeurs onusiennes. A l’évidence, elle ne le fait pas. »

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Il s’agit d’une suspension, par définition temporaire, et non d’une exclusion, définitive. Sur le plan juridique, l’article 6 de la Charte des Nations unies de 1945 stipule qu’un Etat membre violant de manière persistante les principes de ladite charte peut bel et bien être exclu. Mais l’Assemblée générale ne peut procéder à un vote en ce sens que sur recommandation du Conseil de sécurité. Le veto russe rend la manœuvre impensable. Et la Russie ne peut être elle-même exclue du Conseil de sécurité, comme l’exige un nombre croissant d’observateurs, invoquant toutes sortes d’arguments : aucune disposition n’est prévue à cet effet dans la Charte.

Avant la Russie, seul un Etat membre avait été exclu du Conseil des droits de l’Homme à l’issue d’une procédure similaire : la Libye du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, pour les violences perpétrées à l’encontre des opposants à son régime.

Double intérêt

Quel intérêt l’ONU présente-t-elle encore, face au drame ukrainien, au vu de son impuissance face aux tragédies contemporaines en Syrie, au Yémen, en Libye, au Myanmar ? « Il est double », insiste Dominik Zaum, politologue à l’université anglaise de Reading. « D’un côté son universalité, avec ses 193 Etats membres », de l’autre les réunions régulières du Conseil de sécurité, « font de l’organisation un forum de discussion et de négociation formelle et confidentielle sans équivalent au monde ».

A terme, poursuit l’expert, l’Assemblée générale « pourrait approuver les sanctions bilatérales et celles de l’Union européenne, soutenir les enquêtes lancées par des Etats membres et l’instruction des crimes de guerre russes. Elle pourrait enfin lancer un appel à tous ses Etats membres pour soutenir le droit de l’Ukraine à se défendre et la fourniture d’armes à Kiev ».

Ci-bas, la carte de la situation des forces en présence en Ukraine.

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13 Commentaires

  • Posté par Giefvan Agathe, dimanche 10 avril 2022, 8:52

    Combien d'Ouïghours pour un Ukrainien ? Pourquoi n'a-t-on jamais exclu la Chine ? l'Arabie Saoudite ? les États-Unis ? C'est bien de punir la Russie, mais ça semble très très peu innocent. C'est le baudet de la fable, qui arrive après que tous les autres on minimisé leurs propres crimes. Et il suffit de lire tous les commentaires d'anencéphales ci-dessous pour piger l'expression "crier haro".

  • Posté par STORDIAU Pierre, vendredi 8 avril 2022, 12:52

    Cela fait trois votes d'affilé que la Russie se fait condamner : une première pour des mythos, habitués a se cacher derrière "leurs veto" !

  • Posté par De Kegel André, jeudi 7 avril 2022, 22:46

    M. Godart Jean-Pol. Oui, mais c'est inquiétant qu'une telle décision ne fasse pas au moins la majorité simple. C'est peut-être que la majorité des pays sont plus ou moins dans le même état que la Russie. C'est pour cela que je mentionnait l'inutilité de ce genre d'institution.

  • Posté par Dr Mi, vendredi 8 avril 2022, 6:04

    Ce sont vos commentaires qui sont inutiles.

  • Posté par eric biltiau, jeudi 7 avril 2022, 22:10

    Comment peut-on s'abstenir ou voter contre une décision de seulement "suspension" du conseil ? Je pense qu'il serait intéressant de noter tous ces pays et d'en tenir compte pour la suite.

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