Le retour en grâce des appareils photo jetables

On les croyait tombés dans les oubliettes de l’histoire des produits technologiques. Et pourtant ils sont toujours là et se vendent même de mieux en mieux. Les appareils photo jetables – qui ont connu leur heure de gloire avant l’arrivée de la photo numérique et des smartphones – signent leur retour. A l’ère du tout au numérique, ils redeviennent tendance à l’instar du vinyle dans le monde de l’audio. Chez Studio Francine, un magasin spécialisé en photo à Bruxelles, on confirme le regain d’intérêt. « C’est quelque chose qui nous est fréquemment demandé, reconnaît un vendeur. Soit les gens choisissent le jetable. Soit ils optent pour des appareils argentiques bon marché où on peut remettre une pellicule. Les premiers sont vendus entre 15 et 20 euros. Les seconds, réutilisables, aux alentours des 45 euros. Ils séduisent surtout une clientèle jeune. » Le constat est aussi partagé par la chaîne d’électronique Mediamarkt qui indique que la demande pour ce type de produit se concentre surtout durant certaines périodes de l’année comme les fêtes ou les vacances. La Fnac quant à elle fait état d’une progression des ventes de ce type de produit de 10 à 20 % par an depuis 2018. « Cela reste néanmoins un petit marché, insiste Grégoire Tack, directeur commercial. On parle de ventes de l’ordre de 100.000 euros par an sur un chiffre d’affaires global de 160 millions d’euros. Même si cela s’inscrit dans la même mouvance que le retour au vinyle, l’ordre de grandeur est tout à fait différent. » Comment expliquer cet intérêt pour les appareils jetables ? Les spécialistes du secteur y voient une illustration parmi d’autres d’un retour en grâce de l’argentique. « La photographie argentique attire à nouveau, en particulier le jeune public », constate-t-on chez PCH Pro Shop, un magasin spécialisé du centre de Bruxelles. « C’est tendance. Le côté rétro attire. » Le jetable a d’autant plus la cote qu’il est facile d’usage et qu’il ne coûte pas cher. « Les gens l’achètent pour le côté ludique, explique Janick De Saedeleer, porte-parole de Mediamarkt. C’est une découverte sympathique de la photographie pour les plus jeunes et un souvenir nostalgique pour les plus âgés. Son prix très bas déclenche aussi un comportement d’achat impulsif. » Plus de valeur Constance, 20 ans, achète régulièrement ce type d’appareil. « Dans mon cercle d’amies, nous sommes trois ou quatre à le faire. » Ce qui l’attire ? « Le rendu de la photo. Son petit côté vintage avec du grain. Ça a beaucoup de charme. » Elle apprécie aussi l’effet de rareté. « Avec le numérique, on prend trois milliards de photos sans réfléchir et on n’imprime rien tandis qu’avec un argentique, on prend le temps de bien prendre la photo. On choisit le moment parce qu’on sait que le nombre de photos à prendre est limité et que ça coûte cher à développer… Du coup, ça donne plus de valeur à cette photo. C’est un bon souvenir. » Et puis, il y a l’attente. « On ne voit pas instantanément le résultat. Il y a un effet surprise quand on découvre les photos. Ça fait partie du jeu. » Plusieurs de ses amies ont franchi le cap et ont décidé d’acheter un appareil argentique à part entière. « J’y songe aussi », indique-t-elle. A en croire plusieurs distributeurs, les jetables deviennent même difficiles à trouver dans les rayons des magasins. Ce n’est pas tellement lié à la force de la demande mais plutôt à des problèmes d’approvisionnement. « Il y a une pénurie de films couleur sur le marché. Il est très difficile d’en obtenir. Comme ces appareils intègrent une pellicule, ils viennent aussi à manquer », indique-t-on chez PCH Pro Shop. « Pour le moment, nous n’avons plus que des jetables avec films noir et blanc ou des appareils étanches. » Difficile de savoir ce qui explique cette pénurie. « Il n’y a plus que deux marques qui produisent des films couleur : Fuji et Kodak, explique-t-on chez Retrocamera, un magasin spécialisé dans le matériel photographique argentique. Elles disent que le problème est lié à la crise du covid et aux perturbations dans les chaînes de production. J’ai mes doutes. Je pense que Kodak approvisionne d’abord le marché américain et que l’Europe ne reçoit que les restes. » La pénurie est telle que de nouveaux acteurs veulent débarquer sur ce marché. Orwo, une vieille marque de films est-allemande qui ne produisait plus que du noir et blanc annonce pour l’été le lancement d’une gamme de films couleur. L’analogique n’a décidément pas dit son dernier mot…

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