Ariël Jacobs: «Il y a bien plus en jeu qu’une participation à la Choco Cup»

Ariël Jacobs, évoquons tout d’abord la finale remportée en mai 2008, quelques mois après avoir remplacé Franky Vercauteren comme T1. Ce premier trophée à Anderlecht a-t-il eu la même saveur que celui conquis à La Louvière cinq ans plus tôt ? Difficile de comparer ce qui, à titre personnel, reste deux grandes premières. Ramener la Coupe au Tivoli a résonné dans une région qui est une terre de foot, comme seul peut résonner l’exploit d’un petit club. Avec tous les débordements de joie dans une ville de carnaval. Près de 20 ans plus tard, j’en conserve toutes les images en tête. Pour ce qui concerne la victoire en finale de Coupe en 2008 avec Anderlecht, je dirais que le côté un peu plus convenu a été effacé par trois choses : le fait que le Sporting avait perdu le titre très tôt dans la saison et n’avait plus soulevé ce trophée depuis 15 ans. Et surtout, la trame de la rencontre. Menée 1-2 à la mi-temps, mon équipe a su renverser la vapeur. Ce jour-là, Khalilou Fadiga avait été intenable. Il n’avait pas marqué, mais je me souviens qu’il était partout. Si son envoi n’avait pas heurté le poteau en milieu de seconde mi-temps, c’était 1-3 et la finale aurait été pliée. Après la rafale de deux buts qui venait de nous donner l’avantage, j’ai vu le 4e arbitre se saisir du panneau. Le numéro de maillot du joueur que Trond Sollied s’apprêtait à sortir était celui de Fadiga, le seul joueur capable d’un coup de folie pour faire revenir son équipe à 3-3. J’ai demandé confirmation à mon adjoint et je lui ai dit : « Sollied est fou ! » Un quart d’heure plus tard, Gand était définitivement au tapis. [scald=29026098:sdl_editor_representation] Ahmed Hassan était lui aussi entré au jeu avec un sentiment de revanche, pour rayonner et permettre à Boussoufa et à Gillet de scorer. Hassan, quelle histoire avec lui ! En février, il gagne la CAN avec l’Egypte et met des… semaines à rentrer en Belgique. Le plaisir de rester au pays pour aller de célébrations en cérémonies officielles A peine débarqué à Bruxelles comme si de rien n’était, il m’avoue qu’il n’a pas enfilé une tenue de sport depuis au moins un mois. Une semaine plus tard, je prends le pari de l’emmener à Bordeaux en Coupe de l’UEFA. A Une demi-heure du terme, je lui dis de partir à l’échauffement. Il trottine jusqu’au poteau de corner, revient 1 minute plus tard et me dit : « Je suis prêt ! » C’était tout lui. Un pharaon ! En finale de Coupe de Belgique contre Gand, je choisis de ne pas l’aligner. Un choix tactique à assumer mais surtout, une tension entre nous à supporter. A l’heure de jeu, il monte et fait partie de ceux qui font basculer la rencontre, avec les deux buteurs, Boussoufa et Gillet. Cette finale aurait pu partir dans tous les sens, en faveur ou en défaveur de chacune des deux équipes, mais mes joueurs ont eu le mérite de pousser la pièce à tomber du bon côté. La Belgique a mal à sa Coupe nationale : comment expliquer ce désintérêt continuel, hormis pour les demis et surtout la finale ? Ah, c’est une grande question à laquelle l’Union belge a vainement tenté d’apporter la bonne réponse au prix de réformes et d’aménagement qui ont tous avorté. Pourquoi ? Parce qu’elle a été confrontée à la réalité. D’abord l’absence de culture Coupe, alors que dans d’autres pays comme en France ou en Angleterre, on lui voue un véritable culte. La Cup ou la Coupe de France, ont chacune une histoire, avec des épisodes forts et des épopées. En Belgique, on a court-circuité les chances des petits clubs d’aller loin dans leur parcours en admettant l’inversion de matchs contre dédommagement qui fait souvent tourner la tête aux clubs amateurs, mais aussi en imposant pendant longtemps des quarts et des demi-finales en aller et retour. Ce n’est plus le cas depuis la crise du Covid mais bon, je constate que les belles histoires sont rares. Et puis, il faut voir les choses en face : un entraîneur qui ne fait pas appel à ses joueurs de bout de noyau peut s’attendre à des problèmes. Si vous ne distribuez pas de temps de jeu dans ces circonstances-là, vous n’en distribuerez jamais ! Certains pays ont encore une Coupe de la Ligue pour cela, mais pas en Belgique. L’intérêt pour la Coupe ne vient qu’à mesure où une équipe franchit les tours. S’il est éliminé, un club se dit : « Bah, on s’en fout ». Mais s’il arrive en demi, alors cela devient un objectif et l’on se rappelle soudain que la Coupe est le plus court chemin vers l’Europe. C’est un raccourci un peu cru, mais il reflète parfaitement la réalité. Une Coupe ou un titre : ou va votre préférence ? On dit toujours que le titre de champion pèse plus lourd car il reflète une domination sur la longueur. Mais une finale gagnée, c’est tout de même une montée d’adrénaline extrêmement forte, surtout dans le contexte qui m’a valu de la remporter à deux reprises, avec La Louvière et Anderlecht. A quelle finale vous attendez-vous ce lundi, entre deux équipes qui ont été au coude-à-coude jusqu’à la dernière journée pour intégrer les Playoffs 1 ? Elle risque tout de même d’être très fermée, vu l’enjeu. Gand y va pour sauver sa saison après avoir butté deux années consécutivement sur le Top 4. Et Anderlecht va tenter d’offrir un premier trophée à son entraîneur et lancer ses Playoffs 1 dans les meilleures conditions. Ce ne sera pas un lundi de Pâques portes ouvertes ! Il y a un ticket direct pour les poules d’Europa League en jeu, non ? Gand et Anderlecht ne peuvent pas se contenter de la Choco Cup en fin de saison. L’enjeu est bien supérieur. La Choco Cup ? Oui, la Conference League, si vous voulez. Allez, ça va encore me valoir du courrier de la part de l’UEFA, ça… (Rires) Vous disiez que cette finale allait conditionner les Playoffs 1 du Sporting : dans quelle mesure ? J’ajouterais aussi le déplacement au parc Duden, lors du premier match. Tant pour Anderlecht que pour l’Union, une bonne entrée en matière lancera le tour final. Dans le cas contraire, bonjour la pression ! La huitaine à venir va en dire énormément sur la moitié des équipes des PO1 ! Anderlecht paraît un rien mieux armé, surtout du fait de l’équilibre retrouvé entre sa défense, souvent fébrile, et le compartiment offensif. Qui à Gand pour mettre le feu à tout ça ? C’est la question que je me pose également. Un Tissoudali, certainement. Mais à côté de lui ? Un demi-Depoître et un demi-Odjidja, deux trentenaires à qui l’on demande de garantir le court terme ? Mais en face, ça reste tout de même fragile, même s’il y a un mieux. Le duo Hoedt-Magallan ne m’inspire pas trop, je l’avoue, surtout dans sa complémentarité. Ce sont deux joueurs au profil trop similaire. La vraie paire idéale pour Anderlecht, ce serait une charnière centrale composée de Hoedt et de… Kompany. Offensivement, cela reste très inégal et c’est un gros problème que devra résoudre l’entraîneur anderlechtois d’ici la fin de la saison. Dernière question : outre le fait qu’Anderlecht courra lundi derrière sa 10e victoire en Coupe, ce serait aussi le premier trophée d’un Kompany qui n’a pas été épargné par la critique depuis trois ans. Comment jugez-vous son évolution en tant que coach ? Je vous emprunte le terme : évolution. Je distingue trois phases dans son parcours de coach, même si je sais que lui-même ne va jamais l’admettre. La première où il a voulu montrer ce qu’il valait. La seconde fut celle de l’obstination en considérant sans doute que les gens qui le critiquaient n’y connaissaient rien. La troisième est celle du point d’équilibre personnel, enfin trouvé alors que dans un contexte différent de celui d’Anderlecht, sa première expérience comme entraîneur aurait été sanctionnée d’un échec.Durant tout son début de parcours, il faut reconnaître à Vincent qu’il a toujours conservé une certaine forme de sérénité par rapport à la pression du monde extérieur. Désormais, il l’a assimilée sans plus d’esprit de rébellion. Il est en phase avec son projet, avec sa manière d’être et surtout avec les choix qu’il pose.

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