«Vous avez de ces mots»: Espèces d’{anacoluthes}
Ce n’est pas parce qu’on est marin d’eau douce qu’on manque de lettres, Cyrano à quatre pattes !


Connaissez-vous l’anacoluthe ? Si vous êtes fan de Tintin, pas de doute : vous savez qu’il s’agit d’une des injures favorites du capitaine Haddock, à l’instar de catachrèse, apophtegme et autres calembredaines sorties tout droit d’un cours de français du siècle dernier. Georges Remi les a sans doute découvertes à l’Institut Saint-Boniface à Bruxelles, où il a vécu sa turbulente scolarité. Les enseignants de l’époque n’ont pas manqué de stigmatiser cette anacoluthe comme une offense à la langue française, d’où son recyclage par Hergé dans les vitupérations du loup de mer le plus célèbre de la bande dessinée belge.

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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir4 Commentaires
Pourquoi UNE anacoluthe, si elle provient du grec 'anacoluthON' ? Par confusion avec UNE anagramme, etc. ?
Adoptons, si vous voulez bien, une position inverse : il faudrait, soit redéfinir le concept d'anacoluthe, soit distinguer ceux qui sont légitimes et ceux qui sont fautifs (comme pour les belgicismes). Les exemples issus d'écrivains reconnus sont légion. Pourquoi ? Parce que ceux-ci pensent intuitivement selon la syntaxe latine. En latin on disait et écrivait simplement 'Invitam, invitus Titus reliquit' , ou bien l' ablatif absolu. Les exemples cités dans l'article me conduisent chaque fois à mettre une déclinaison accusative ou ablative à l'adjectif mis en évidence, et je ne RESSENS pas de faute. C'est comme en poésie, où on accepte sans rechigner des tournures inhabituelles. Conclusion : supprimez la règle qui l'interdit. (Et enseignez le latin à ceux qui s'indignent.)
Parfois je m'interroge : ne faudrait-il pas obliger les élèves, les étudiants à n'écrire que des phrase sujet, verbe, compléments d'objet, complément circonstanciel avant de les autoriser même simplement à antéposer un complément avant le sujet ?
À ma connaissance, il y a très peu d'études sur l'efficacité des différentes méthodes d'enseignement de la syntaxe en français: on reste fort dans la tradition et dans la pensée magique ("si on a suffisamment fait étiqueter les mots en classes/natures et en fonctions, les élèves écriront mieux"). Dans le monde anglophone, par contre, de nombreuses études ont montré le peu d'efficacité de cette manière de faire: l'étiquetage apprend, au mieux, à... étiqueter; au pire, à se décourager et peu ou pas du tout à écrire. Mais ces recherches ont aussi montré l'efficacité d'exercices de combinaison de phrases: on prend 2, 3, 4... groupes de mots ou phrases et on les fait combiner en une seule phrase; on compare les résultats, on justifie ses choix; le tout sans forcément passer par les analyses en classes et en fonctions. Bref, grâce à cela, on fait vraiment écrire les élèves et ils améliorent leur maitrise de la syntaxe (avec peut-être même des gains en lecture). Cela s'applique-t-il au français? La seule étude que je connaisse sur le sujet répond par l'affirmative. On attend qu'elle soit répliquée. Bref, pour répondre à votre interrogation, faire régulièrement manipuler des phrases, y compris en antéposant, semble plus efficace que d'imposer un moule ou que de faire réaliser de l'analyse ad nauseam comme on la pratique à l'école francophone.