Le sport belge fait toujours trop peu confiance aux femmes

C’était il y a tout juste cinq ans. Pour objectiver l’impression que l’on avait de ne voir pratiquement que des hommes – ajoutons même « blancs, de plus de 50 ans » – à la direction du sport en Belgique, nous avions fait l’exercice du recensement dans les différents conseils d’administration de nos fédérations de sports olympiques. Le constat avait été impitoyable : moins de 18 % des administrateurs de ces entités étaient des femmes. Vous parlez d’égalité… [scald=29042192:sdl_editor_representation] Aujourd’hui, en 2022, il faut bien reconnaître que les choses n’ont évolué qu’à la marge. En effectuant le même calcul dans 36 fédérations, tant au niveau national que régional, on arrive péniblement à 21,2 % de femmes administratrices dans notre pays. Avec, comme en 2017, une grande disparité nord-sud puisque dans les ligues flamandes, on ne compte que 14 % de femmes (+2,1 % par rapport à il y a cinq ans) alors qu’elles sont 30,7 % dans les ligues francophones (+1,6 %). Là où le pourcentage de femmes a le plus augmenté, c’est au niveau des fédérations nationales puisqu’elles sont 6,5 % de plus que lors de notre dernier coup de sonde. Mais ce chiffre est peu pertinent, car dans la grande majorité de ces fédérations, le conseil d’administration n’est qu’un simple « assemblage » de représentants des deux ailes régionales et n’est pas soumis à un vote démocratique des clubs. Provoquer un effet de « ruissellement » Si le nombre de femmes est nettement plus élevé dans les CA francophones, c’est en raison de la mesure contraignante imposée depuis 2006 dans le décret sport de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Celui-ci indiquait qu’au sein de l’organe de gestion d’une fédération, il ne pouvait y avoir « plus de 80 % d’administrateurs du même sexe ». Une mesure que la ministre des Sports actuelle, Valérie Glatigny (MR), a décidé d’encore durcir puisque, à partir de 2024, ces administrateurs ne pourront plus être au maximum que 66,6 % (lire ci-contre). Tout ça à côté d’une action visant à promouvoir la pratique du sport organisé chez les femmes. « Dans le mémoire réalisé par Alicia Medugno, l’une de nos étudiantes en deuxième master à la Faculté des sciences de la motricité de l’UCLouvain, portant sur la diversité de genre dans le sport en FWB sur un échantillon de 6 fédérations francophones, les résultats ont montré que la proportion de femmes et d’hommes au sein des CA est significativement corrélée à la proportion de femmes et d’hommes au sein des pratiquants, des entraîneurs et des bénévoles », explique Géraldine Zeimers, du centre de recherche Sport Management UCLouvain, qui a supervisé ce travail avec son collègue Arthur Lefebvre. « C’est ce que l’on appelle un effet de ruissellement. » Le sport organisé, mis sur pied par et pour les hommes à la fin du XIXe siècle, est longtemps resté dans sa tour d’ivoire, avec des mécanismes inégalitaires qui entravaient le changement et l’arrivée des femmes. « Je pense notamment à l’absence de limitation des mandats, qui ne permettait pas à celles qui le souhaitaient de briser le fameux plafond de verre », ajoute Zeimers. « Or, il est prouvé qu’un CA plus diversifié est plus performant ; il met en relation des différences de comportements qui débouchent sur des réunions plus efficaces. Dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, l’Australie ou la France, elles sont désormais 40 %. » La présence majoritaire de femmes parmi les pratiquantes d’une discipline n’est pourtant pas forcément toujours synonyme de gouvernance du même acabit. Ainsi, en Flandre, la fédération de volley-ball (Volley Vlaanderen), qui compte 63 % de femmes parmi ses affiliés, n’en a toujours aucune parmi ses sept administrateurs. « Nous les accueillerions pourtant à bras ouverts », affirme le directeur général Geert De Dobbeleer. « Mais elles ne se présentent pas… Nous constatons qu’il y a également très peu de dirigeantes dans nos clubs ; or, c’est de là que partent généralement les personnes intéressées par l’administration du sport, qui passent ensuite par les provinces avant d’éventuellement arriver à la fédération. Tout cela est d’autant plus étrange qu’en matière d’égalité des sexes, nous sommes exemplaires, notamment dans nos équipes nationales, où le prize money est le même chez les femmes que chez les hommes. » Neuf CA flamands sans femme Alors que toutes les fédérations francophones comptent au moins une femme dans leur CA, Volley Vlaanderen n’est pas la seule fédération flamande à n’en avoir aucune. Le basket-ball, la boxe, le canoë-kayak, l’escalade, le judo, le tennis de table, le tir à l’arc et la voile sont logés à la même enseigne. Etonnant. « Nous en sommes d’autant plus désolés que nous avons récemment lancé une campagne de promotion pour le judo féminin en compagnie de Gella Vandecaveye, la double médaillée olympique », regrette Mike Van De Rostyne, le président de Judo Vlaanderen. « J’aimerais que se reflètent dans notre CA les 25 % d’affiliées féminines que nous avons… Je n’ai pas d’explications quant à leur absence. » En Flandre, il faut le dire, il n’existe aucune obligation décrétale d’avoir un certain pourcentage de femmes dans les conseils d’administration des fédérations. « Nous sommes conscients de leur sous-représentativité, mais au lieu d’imposer des quotas, nous préférons des actions de sensibilisation sur le terrain », indique Michaël Devoldere, le porte-parole de Ben Weyts (N-VA), le ministre flamand des Sports. « Nous plaidons pour une augmentation de la participation des femmes dans le secteur sportif, notamment dans l’encadrement (entraîneurs, dirigeantes), et ce, en collaboration avec notre administration (Sport Vlaanderen, le pendant flamand de l’Adeps – NDLR). Un souhait qui a déjà été évoqué lors de débats au Parlement flamand. » Si la Fédération Wallonie-Bruxelles ne compte aucun « cancre » parmi ses fédérations, certaines veillent plus à une meilleure répartition hommes-femmes dans leur CA que d’autres. Avec 7 administratrices sur 11 membres du CA (63,6 %), la Fédération francophone de patinage artistique est la championne toutes catégories, devant la Fédération francophone belge de natation (62,5 %) et la Fédération Wallonie-Bruxelles de danse sportive (44,4 %) – qui comprend le breaking, qui sera olympique aux JO de Paris 2024. Côté flamand, c’est la Vlaamse Zwemfederatie (natation) qui est en tête avec 57,1 % de femmes. « Si nous pouvons servir d’exemple à d’autres fédérations flamandes, tant mieux ! », souligne le président Pieterjan Vangerven. A peine cinq présidentes En parlant de président, ce poste se conjugue, lui aussi, au masculin dans la plupart des fédérations. Elles ne sont en fait que cinq à assumer ce poste, deux au niveau national – Anne d’Ieteren au Comité paralympique belge (et à la Ligue handisport francophone) et Gwenda Stevens à la Fédération royale belge d’aviron – et trois au niveau francophone – Jacqueline Quirin-Herbrand à la Fédération francophone de gymnastique, Muriel Cottave-Claudet à la Ligue belge francophone de rugby et Dominique Reterre à la Fédération volley Wallonie-Bruxelles. Maigre… « Même si je pense que quand on cherche, on trouve, je suis favorable aux quotas, pour que les choses se mettent en place », avoue Gwenda Stevens, qui vient d’entamer son troisième mandat à la tête de l’aviron belge après avoir été reconduite comme administratrice du COIB… où elle était la seule candidate féminine dans le rôle linguistique néerlandophone. « Ensuite, je pense que ce sont les compétences qui doivent prévaloir. Un bon mélange de celles-ci permet une meilleure efficacité. » Des compétences que les femmes pourraient également transmettre à la direction technique des fédérations. Là aussi, elles se comptent sur les doigts d’une main avec, côté francophone, Karen Persyn (ski) et Sabrina Rys (handisport) et, côté flamand, Karin Guerman (golf), Evi Van Acker (voile) et Evi Vereecke (équitation). « Cela m’étonne que nous ne soyons pas plus nombreuses », regrette Karen Persyn. « Pour moi, cela a toujours été une évidence, même si cela n’a pas toujours été simple l’an dernier, avec la naissance de ma fille. Nous avons autant à transmettre que les hommes. Il n’y a pas que leurs idées qui comptent ! » [scald=29040151:sdl_editor_representation]

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