SoRare, le succès des «Panini virtuels»

Ce mercredi, Kylian Mbappé sera vendu. Ce ne sera pas (encore ?) au Real Madrid et, surtout, ce ne sera pas le joueur du PSG qui sera cédé, mais sa carte virtuelle et unique. La fin de la vente aux enchères devrait atteindre des sommets, voire un nouveau record, celui-ci étant pour l’instant détenu par Erling Haaland, « acheté »… 609.000 euros en début d’année par un internaute anonyme ! Une somme folle pour posséder une chose qui finalement n’existe pas dans le monde que l’on peut palper avec ses mains. Et pourtant, le site SoRare, qui permet à ses utilisateurs d’acquérir ces « Panini 2.0. », est en pleine expansion. C’est quoi, des « NFT » ? Commençons par les bases, avant que beaucoup de nos lecteurs ne se perdent dans cet univers. Il y a moins de deux ans, deux Français créent SoRare. Cette plateforme propose à ses utilisateurs d’acheter sur le net des cartes virtuelles de joueurs de football, soit via des enchères, soit en ligne directe avec des vendeurs particuliers. Ces cartes sont ce qu’on appelle des « NFT », des « jetons non-fongibles », soit des biens qui ne sont pas consommables et qui ne peuvent donc pas être remplacés ou copiés. En d’autres termes, si vous possédez cette fameuse carte virtuelle d’Erling Haaland à plus de 600.000 euros, vous êtes effectivement le seul au monde à la détenir. Ici, c’est le même principe que d’avoir une œuvre d’art accrochée sur le mur de son salon. SoRare propose également de participer à des compétitions une fois que vous possédez assez de joueurs pour composer une équipe de cinq (un gardien, un défenseur, un milieu, un attaquant et un remplaçant). Les résultats de votre équipe virtuelle dépendront des performances des joueurs dans la vie réelle. Exemple : si je possède Erling Haaland et qu’il inscrit trois buts avec Dortmund, il va me rapporter beaucoup de points et peut-être me permettre de remporter, au bout du compte, un tas de récompenses. « Lorsque l’on détient une carte SoRare, on va créer une connexion spéciale avec le joueur et le club de cette carte », explique Nicolas Julia, cofondateur de SoRare, dans L’Équipe. C’est là que se trouve le succès de SoRare : en achetant des cartes, les utilisateurs espèrent que celles-ci vont prendre de la valeur avec le temps. En effet, plus un joueur sera important et décisif dans la vie réelle, plus son prix va augmenter car il sera très prisé par les joueurs qui voudront former la meilleure équipe possible. 105.000 utilisateurs Les sommes évoquées plus haut ont de quoi en effrayer plus d’un ! Il est vrai qu’aujourd’hui, avec son succès, SoRare compte chaque jour un plus grand nombre d’entraîneurs virtuels (environ 105.000), ce qui a tendance à faire augmenter le prix des cartes. Celles-ci se déclinent toutefois en différentes catégories : limitées, rares, super rares et uniques. Pour chaque joueur, ou presque, 1.000 cartes « limitées » sont mises sur le marché, 100 pour les rares, 10 pour les super rares et 1 unique. Avec chaque fois des prix qui correspondent à la rareté de la carte mais qui finalement permettent de convenir au budget de chacun. Ou pas. 107 euros pour Onuachu, 415 pour Vanaken ! La D1A, largement couverte par SoRare qui est un partenaire privilégié de la Pro League depuis son lancement, est déjà devenue un championnat où il est difficile de dénicher les perles rares ou de trouver les meilleurs joueurs à des prix raisonnables (ce qui l’est étant ici subjectif). Ainsi, n’espérez pas, pour l’instant, trouver une carte de Paul Onuachu (Genk), récent Soulier d’or, à moins de 107 euros. Pour un joueur comme Hans Vanaken, c’est presque fois plus : 415. D’autres joueurs moins connus peuvent s’acheter 5, 10 ou 20 euros, mais la question à se poser est toujours la même : ce joueur mérite-t-il que j’investisse en lui, avec le risque qu’il se blesse, qu’il rejoigne un championnat non couvert par SoRare où qu’il ne réalise finalement pas la carrière qu’on lui promettait. Connaître ainsi chaque recoin du football belge est donc un atout indéniable, car c’est en ayant un coup d’avance, en disposant d’informations précieuses, qu’il est possible de savoir quels sont les joueurs qui devraient avoir du temps de jeu dans les prochaines semaines, pour éviter de payer des éléments qui sont par exemple en fin de contrat et dont leur avenir s’assombrit chez nous. En ce sens, plusieurs joueurs de D1A ont compris que leur position au cœur du vestiaire était évidemment privilégiée et ont décidé de se lancer sur SoRare. C’est le cas de Gaetan Coucke (FC Malines), Dante Vanzeir (Union), Colin Coosemans (Anderlecht) pour les plus actifs, mais aussi Didier Desprez, Karim Zedadka (Charleroi), Deniz Undav, Ismaël Kandouss (Union), Sébastien Dewaest (Louvain) et bien d’autres. Une question importante se pose dès lors : est-ce finalement sain que des joueurs professionnels puissent être impliqués dans ce genre de plateformes qui, dans leur fonctionnement, s’apparentent à des sites de paris sportifs ? « En plein match, tu ne penses forcément pas à cela… Mais juste après, oui, je suis directement sur SoRare », reconnaît Rudy Camacho, ancien joueur de Waasland-Beveren aujourd’hui à Montréal mais aussi utilisateur assidu, voire accroc, de SoRare. « Mais pour moi, ce n’est pas pareil que les paris sportifs : ici, je n’ai clairement pas un intérêt à mettre un but contre mon camp… » Quid pour les entraîneurs de notre championnat, les vrais, qui sont ou seront bientôt lancés dans la machine ? Il est difficilement imaginable que Vincent Kompany, par exemple, puisse investir de l’argent sur les cartes de jeunes éléments qui font partie de son propre noyau à Anderlecht… Aujourd’hui, SoRare est encore trop jeune pour que l’on ait véritablement conscience des problèmes qu’il pourrait engendrer à l’avenir. En attendant, l’idée que le football est autant une source de profits potentiels qu’un spectacle auquel on peut assister avec la naïveté d’un enfant a aujourd’hui largement fait son chemin.

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