Le Heysel n’est pas encore prêt à ouvrir les grilles

Le lieu est marqué à vie. Comme le dit un vieil habitué de la gestion du stade Roi-Baudouin, « le Heysel ne parviendra jamais vraiment à enterrer ses 39 cadavres, et encore moins à en faire le deuil. » Le drame du 29 mai 1985, qui s’est déroulé en prélude à une finale de la Ligue des champions entre la Juventus et Liverpool, a marqué au fer rouge toute une administration. Les responsables d’hier ne sont évidemment plus les décideurs d’aujourd’hui puisque près de quatre décennies ont passé. Mais le sujet de la sécurité reste extrêmement sensible lorsque l’on évoque la sécurité des lieux durant les événements qui s’y déroulent. L’un n’est pas l’autre et le dispositif d’un concert (400.000 spectateurs attendus cet été pour sept concerts dont les Rolling Stones et Cold Play) ou du Mémorial Van Damme n’est pas celui d’un match de foot. Et au sein même de l’organisation de ces matches, encore convient-il de différencier les rendez-vous des Diables rouges, à caractère plus familial et accueillant peu de supporters adverses, et, par exemple, une finale de Coupe de Belgique, où le service d’ordre est appelé à gérer deux blocs de 22.000 personnes et les risques d’affrontements dans le périmètre de sécurité élargi du stade. Pour toutes ces raisons, à la fois historiques et logistiques, le débat sur la suppression des grilles interdisant l’accès au terrain, n’a jamais été ouvert. Là où de nombreux stades, partout dans le monde, ont opté pour une vue dégagée sur le terrain avec l’aval de leurs autorités, le stade Roi-Baudouin reste imperméable à toute tentative d’ouverture de l’interminable cage censée le prémunir des envahissements. Hormis la Tribune d’honneur, dépourvue de grillages mais sécurisée par un dispositif dit de « crash barrières » déployé à même la piste d’athlétisme, les trois quarts du pourtour demeurent cernés aux normes post-drame du Heysel. La perspective des travaux de la phase de rénovation light pour laquelle soumissionnent encore des sociétés belges et étrangères, mais aussi la candidature de Bruxelles pour l’organisation du Final 4 de la Nations League en juin 2023, suscite son flot d’interrogations quant à l’abolition des barrières d’accès au terrain. Rien, dans le cahier des charges de l’UEFA, n’indique une obligation en ce sens. Mais soucieuse de conférer un visage plus humain et plus convivial à l’événement, l’Union belge pousserait, selon nos informations, de tout son poids pour franchir le pas d’une enceinte ouverte. Remplacement des sièges, rénovation, nouvelle piste « Je peux d’autant plus difficilement m’engager sur cette thématique que le débat n’a pas encore été ouvert avec l’Union belge », explique l’échevin des Sports, Benoît Hellings (Ecolo). « Pour l’heure, il y a bien plus urgent sur la table, à commencer par le remplacement des 50.000 sièges (1,5 à 2 millions d’euros), la rénovation des vestiaires et de la salle de presse de la Tribune 1 (700.000 euros) ainsi que la pose d’une toute nouvelle piste d’athlétisme pour 2023 (2 millions d’euros). Soit les premiers travaux d’envergure depuis treize ans. » On le voit, le politique botte en touche sur le sujet de l’abolition des grillages, mais à sa décharge, la Loi foot et son corset de restrictions n’est jamais loin. « L’UEFA a beau s’être ouverte depuis longtemps sur la question, le ministère de l’Intérieur se fera toujours tirer l’oreille et ouvrira systématiquement le parapluie », explique un cacique de l’Union belge qui ne se fait guère d’illusions, y compris à l’approche éventuelle d’un bouquet finale de la Nations League à Bruxelles dans vingt mois. Malgré un besoin de liberté réclamé par l’Union belge, le Heysel n’est visiblement pas près d’écarter les barreaux qui le tiennent prisonnier de son propre drame depuis 37 ans.

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