Face à la Chine, la filière bois feuillus wallonne doit se réinventer
Depuis quelques années, la Chine fait de plus en plus ses emplettes en Europe pour répondre à ses besoins de bois. L'Empire du milieu rafle souvent la mise lors des ventes publiques de bois et met la main sur les grumes, ces troncs coupés, ébranchés et encore pourvus de leur écorce qui servent de matière première pour les scieries et sont envoyés par conteneurs entiers des forêts wallonnes vers la Chine, via le port d'Anvers. Hêtres, chênes, résineux... aucune essence ou presque n'échappe à l'ogre chinois.
Si cette demande asiatique s'avère dans certains cas une aubaine, notamment pour écouler les énormes quantités d'épicéas scolytés qu'il a fallu sortir de nos forêts ces dernières années, ou comme pour les grumes de hêtres qui ne sont pratiquement plus sciées en Wallonie, dans d'autres cas, c'est toute une filière, celle des scieries de feuillus, essentiellement de chênes, qui est menacée, faut de pouvoir s'approvisionner.
"La filière wallonne ne manque pas de bois. En feuillus, nous ne récoltons que 65% de l'accroissement annuel et 57% de nos forêts sont composées de feuillus. Mais les scieries wallonnes éprouvent des difficultés à se fournir. La transformation des feuillus en Wallonie ne représente que 5% de l'accroissement. C'est comme si quelqu'un se laissait mourir de soif à côté d'une fontaine", illustre Emmanuel Defays, directeur général de l'Office économique wallon du bois.
"Nous devons redevenir capables de donner à ces bois feuillus qui sont dans notre forêt une plus-value, une valeur ajoutée", plaide Emmanuel Defays. Et cela passera par la capacité à "rendre les transformateurs wallons capables de mieux acheter les grumes."
En transformant elle-même ses grumes sur son territoire, la Wallonie serait à même de mieux valoriser l'une de ses rares richesses naturelles et de garder sur son territoire l'essentiel de la chaîne de valeur, tout en minimisant l'impact sur le climat, plaide-t-on.
Pour les résineux, la situation est d'ailleurs très différente. Dans ce cas, la Wallonie compte d'importantes acteurs de la transformation. Le problème ici, serait plutôt lié à une surexploitation des plantations existantes. A ce rythme, si on ne replante pas, la Wallonie manquera de résineux dans quelques années...
Certaines voix se sont fait entendre vendredi pour demander à l'Europe de décréter une interdiction pure et simple d'exportations des grumes, à l'instar de ce que font certains pays africains ou la Russie.
Mais une telle interdiction ne serait pas sans risque pour l'Union européenne, qui importe également des grandes quantités de bois et une kyrielle de matières premières essentielles, notamment de Chine (songeons aux terres rares, notamment), et s'exposerait ainsi à des mesures de rétorsions, a averti Thomas Le Vaillant, de la DG Commerce de la Commission européenne. "Ce genre d'instrument doit être manipulé avec doigté. Ce n'est pas non plus ce type de mesure qui peut solutionner un manque de compétitivité d'une filière", a estimé le fonctionnaire européen, qui se demande plutôt "pourquoi n'est-on pas à même d'exporter des produits à haute valeur ajoutée" dans la filière bois?
Pour Emmanuel Defays, les mesures décidées pour garantir l'accès des scieries wallonnes aux grumes de chêne sont certes les bienvenues mais le directeur général de l'Office économique wallon du bois en est convaincu: la survie de la filière passera par "l'innovation le développement de nouveaux procédés, de nouveaux systèmes. Il y a tout un écosystème d'innovation à créer".
Du côté du gouvernement wallon, une enveloppe de huit millions d'euros a été débloquée, dans le cadre du plan de relance, pour financer des appels à projet susceptibles de développer la filière bois. Un pas dans la bonne direction pour un secteur qui pèse tout de même en Wallonie quelque 18.400 emplois dans plus de 8.100 entreprises.
Pour poster un commentaire, merci de vous abonner.
S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir0 Commentaire