Les constellations d’Iván Navarro

En 2009, Iván Navarro représentait le Chili à la 53e Biennale de Venise. En 2020, sa plus grande œuvre publique jamais réalisée était inaugurée à San Francisco. En 2025, sera inaugurée la future gare Villejuif, près de Paris : un projet architectural signé Dominique Perrault, auquel Iván Navarro participe avec une installation. « En ces temps de pandémie que nous traversons, je trouve cela ironique que l’art public parvienne malgré tout à s’infiltrer dans les rues d’une ville », note l’artiste chilien, de passage à Bruxelles. [scald=29084548:sdl_editor_representation] Né en 1972 à Santiago, Iván Navarro a grandi sous la dictature de Pinochet mais vit et travaille à New York depuis 1997. Dès ses débuts, il utilise la lumière comme matériau de base, détournant des objets en sculptures électriques et transformant l’espace par des jeux optiques. Il expose aujourd’hui chez Daniel Templon un ensemble de sculptures lumineuses et une installation immersive inédite. Des œuvres réalisées seul, à partir du premier confinement : « Je me suis retrouvé contraint à l’isolement total, comme tout le monde. Je n’avais plus la possibilité de collaborer avec d’autres comme auparavant », raconte l’artiste, qui décide alors de se tourner vers la peinture pour réaliser des œuvres dont il peut assurer lui-même la réalisation. Lui qui avait tant joué de miroirs et de néons aux contours parfaitement découpés s’empare alors du pinceau pour en expérimenter toutes les possibilités. [scald=29084549:sdl_editor_representation] « À l’objet manufacturé, il oppose l’arbitraire du geste, l’unicité de la touche et la fragilité de l’être », note Daniel Templon. Ce faisant, Navarro poursuit et approfondit son exploration de la dichotomie homme/machine. Pour la première fois, sa pratique articule lumière électrique – son médium de prédilection –, et peinture – une technique qu’il n’avait fait qu’effleurer jusqu’à présent. « J’ai toujours pensé que l’art est avant tout, essentiellement, une forme originale de communication et non d’expression », confie l’artiste. « Par conséquent, cela m’intéresse profondément que l’œuvre puisse se lire à court terme comme à long terme. Je pense qu’une œuvre d’art réussit à communiquer lorsqu’elle parvient à se faire comprendre du public sous une forme transcendantale. » D’où regarder les étoiles ? Déjà exposée chez Templon à Paris, cette série propose de nouvelles pièces, comme un second chapitre qui dévoile également une installation inédite : « J’aime utiliser l’espace existant pour proposer une expérience au public. Dans une galerie on a davantage de contrôle, de liberté, que dans l’espace public ou dans un musée. » Ces œuvres, qu’il considère à mi-chemin entre peinture et sculpture, oscillent entre perception et représentation : « J’appelle ça de l’op’art mais je suis moins abstrait que la plupart des artistes qui font de l’art optique ou cinétique. Je cherche toujours à représenter certaines choses, même très imprécises. » L’installation qu’il propose se base sur la carte réelle du ciel : « La façon dont nous voyons le ciel varie en fonction de notre position sur terre, que l’on se situe en Europe du Nord ou dans l’hémisphère sud », rappelle Navarro. « La vue équatoriale permet de voir le nord et le sud en même temps, mais c’est quand même une illusion, on ne voit jamais tout, évidemment ! » Au-delà de son aspect ludique, son travail est hanté par des questions de pouvoir, de contrôle et d’emprisonnement. [scald=29084551:sdl_editor_representation] Toujours présent en filigrane, le détournement de l’esthétique minimaliste devient le prétexte d’une subtile critique politique et sociale : « Iván Navarro aime le peuple des places publiques. Il tient sa légitimité de ceux qui collectionnent ses œuvres tout autant que de ceux qui les regardent : il demeure anonyme en faisant jouer ses œuvres qui s’adressent au pueblo, peuple et cité à la fois », commente José-Manuel Gonçalvès, directeur du 104 à Paris, en introduction au riche ouvrage monographique que Skira et Daniel Templon viennent de consacrer à l’artiste. « Le miroir est une machine au mécanisme terriblement efficace. Il est la machine la plus interactive que l’on connaisse, bien avant l’avènement de ce mot de la modernité, la démocratie. Le reflet est né de la nature, le miroir, de la démocratie grecque. » Pour la gare de Villejuif, Navarro a prévu de faire défiler les noms des étoiles : « Toutes les étoiles sont nommées d’après leur lieu de découverte dans le monde. J’aime l’idée que l’astronomie soit connecté à notre façon de nous approprier l’univers ! » Iván Navarro , Constellations of Fate, jusqu’au 18 juin, Galerie Daniel Templon, 13A rue Veydt, 1060 Bruxelles, 02-537.13.17, du mardi au samedi de 11 à 18h, www.danieltemplon.com ; Iván Navarro . Welcome, Skira/Daniel Templon, 2021, 200 p., 38 €

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