Nicolas Van Larebeke: «L’e-cig pourrait être très utile, mais…»

Nicolas Van Larebeke (VUB) est épidémiologiste et cancérologue. Il fait partie de la direction du Conseil supérieur de la santé. L’e-cigarette est présentée par ceux qui la développent et la vendent comme un moindre mal, une porte de sortie de l’addiction au tabac. Qu’en penser ? L’e-cigarette pourrait être très utile pour aider des fumeurs à arrêter de fumer, puisque les risques associés à ces produits de substitution sont certainement moindres que les risques associés au tabac « fumé », c’est-à-dire essentiellement la cigarette. Le processus de combustion du tabac génère toute une série de polycycliques aromatiques qui sont carcinogènes. La cigarette contient des substances génotoxiques et des substances qui sont des promoteurs de la carcinogénèse. A terme, le risque de cancer est important. Les observations épidémiologiques faites sur des médecins britanniques dès la fin de la Seconde Guerre mondiale ont montré que la différence de longévité entre les praticiens fumants et non fumants était alors de 10 ans en faveur des derniers. Tout cela est bien connu. A contrario, ce qu’il manque aujourd’hui, ce sont des données précises sur les effets induits sur la santé par l’e-cigarette et d’autres alternatives au tabac ? Exactement. En Belgique, le principal problème des produits de substitution au tabac est qu’ils peuvent contenir jusqu’à 2.200 substances chimiques différentes soumises à autorisation. A mes yeux, comme cancérologue et spécialiste de la prévention, ceci est absurde. Je vais donc proposer au Conseil supérieur de la santé de donner l’avis selon lequel le nombre de ces produits – dont on ne sait que peu de choses en terme toxicité, de carcinogénicité, etc. – soit réduit. Ainsi, on pourra raisonnablement assurer qu’ils ne sont pas dangereux pour la santé une fois inclus dans l’e-cigarette. Ce sera aux pouvoirs publics d’amener les experts compétents à réfléchir à ce problème. Ma confiance dans l’industrie n’est en effet pas complète. Idéalement, les produits utilisés pour le plaisir – et l’e-cigarette en fait partie – devraient être libres de substances suspectes. Tous les articles scientifiques constatent des effets génotoxiques dans l’e-cigarette. Seuls six d’entre eux émanant d’organes proches de l’industrie du tabac ne vont pas dans ce sens. Cette précaution prise, l’e-cigarette pourrait-elle être recommandée en Belgique comme une alternative au tabac, car moins dangereuse ? Certainement. Une e-cig qui réussirait à répondre à ces critères serait un produit utile dans le remplacement de la cigarette, certainement à 100 %. Cependant, nous savons que l’e-cigarette par son procédé de chauffement a aussi des effets toxiques. Nous pensons qu’elle ne doit pas être considérée comme un produit de consommation à l’usage de tous. Nous considérons que le non-fumeur, en particulier s’il est jeune, doit recevoir le conseil de ne jamais utiliser l’e-cigarette. Elle est très utile, mais uniquement pour les fumeurs. Pourquoi ce message n’est-il pas encore envoyé en Belgique ? Ce message n’est pas encore formulé, mais c’est ce que le Conseil supérieur de la santé va dire. Il va se prononcer prochainement et considérer que l’e-cigarette est recommandable aux fumeurs. Reste qu’un problème se pose avec elle comme avec les autres alternatives au tabac : la nicotine. Elle constitue aussi un danger pour la santé. Elle est extrêmement addictive et présente quelques propriétés toxiques. Elle a une certaine activité comme promoteur de la carcinogénèse. Certains rapports montrent qu’elle a des effets génotoxiques. La nicotine n’est donc pas un produit inoffensif.

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