Sur le terrain: «Je n’ai qu’une crainte, c’est qu’il prenne sa retraite»

Uccle, vendredi matin. Il est 8h45, le docteur Pierre Leemans, 63 ans, débute ses visites à domicile. La première patiente est Jeanine, 80 ans : une prise de sang pour vérifier le taux de cholestérol. C’est une patiente de longue date avec une prothèse au genou, raison pour laquelle le docteur Leemans préfère la voir chez elle. « Elle pourrait encore se déplacer mais c’est limite… ». Le médecin sait exactement où est cachée la clé pour rentrer. Jeanine et son chihuahua l’accueillent à l’étage. La petite chienne aboie un peu, puis quémande des caresses. « Faites comme chez vous », lance-t-il, taquin, à Jeanine. Elle s’allonge sur le canapé pour la prise de sang. La tension avant tout : 16/7 ; un peu élevée. « Mais j’ai couru, là », se défend la retraitée. On passe à la prise de sang. « Tu peux me faire une analyse complète ? Ça me rassure, tu le sais. » La visite se clôture avec une part de crumble et un café. Le docteur Leemans en profite pour renouveler les ordonnances et mettre à jour le dossier médical sur son ordinateur portable. La retraitée ne tarit pas d’éloge : « Il est formidable, j’ai entièrement confiance. Je n’ai qu’une crainte, c’est qu’il prenne sa retraite. » Mais l’heure tourne… Après environ 45 minutes de consultation, le médecin reprend le volant. Les visites à domicile, c’est important pour le docteur Leemans. Tout d’abord, parce que c’est indispensable pour les patients qui ne peuvent pas se déplacer : principalement des personnes âgées. Mais c’est également très instructif : voir les gens évoluer dans leur environnement familier, comprendre comment ils organisent la prise de médicaments, etc. Toujours auprès des patients Arrêt suivant dans une résidence où le docteur Leemans a beaucoup de patients. Aujourd’hui, il doit remplir des papiers pour commander la nouvelle chaise roulante d’une dame atteinte de sclérose en plaques. Une formalité, mais un autre pensionnaire le sollicite, et le médecin fait donc un détour. C’est un genou douloureux qui craque, rien de grave. « Moi aussi, mes genoux craquent », plaisante-il, « ce n’est pas inquiétant. » Il conseille du paracétamol pour débuter mais, si la douleur persiste, préconise des injections d’acide hyaluronique pour « huiler le tout ». Il monte ensuite rapidement faire les papiers pour la nouvelle chaise roulante et en profite pour prendre la tension, comme toujours. Les deux visites sont rapides : moins de 10 minutes chacune. Retour en ville. Il prend souvent les petites rues pour éviter « les embouteillages interminables ». Pour les patients réguliers, le docteur trouve souvent des arrangements pour le parking. Chez Jeanine, la voisine accepte qu’il se gare devant son garage ; pour la résidence, on lui prête un badge d’accès à la propriété. « Si je ne peux pas me garer, je ne viens plus » ajoute-t-il en souriant. Il plaisante, mais juste à moitié, car c’est un véritable critère dans le choix de ses visites à domicile. Ensuite, il passe dans une maison de repos un peu plus loin dans la même rue, pour une dame victime récente d’une thrombose à la jambe. Elle aimerait pouvoir reprendre un verre de vin, mais le médecin lui explique calmement que ce sera pour plus tard. La tounrée se clôture chez une nouvelle patiente, une première rencontre pour prendre les antécédents médicaux et créer son dossier. D’une génération à l’autre Dans son cabinet chaussée d’Alsemberg, ils sont dix médecins généralistes. Tous assurent des visites à domicile mais à un rythme moins soutenu que le docteur Leemans qui culmine à 15 et 20 par semaine en raison de l’âge plus avancé de sa patientèle. Les médecins plus jeunes troquent la voiture contre d’autres moyens. Par exemple, le docteur Ornella Dooms, 29 ans, ne jure que par son vélo électrique. Pour elle, c’est un énorme gain d’argent et de temps. « Pas de problème pour me garer, pas d’embouteillage, je suis directement devant chez les patients… » Le seul inconvénient reste la météo, mais elle est très heureuse de ne plus avoir à prendre en compte le stress de la circulation bruxelloise. Au fil des visites, le téléphone du docteur Leemans sonne régulièrement. Des patients avec des questions, des demandes de rendez-vous, la secrétaire médicale du cabinet pour l’organisation de la journée : ça n’arrête jamais. La limite entre vie privée et vie professionnelle n’existe pas vraiment pour lui. Il prend les appels le soir, les week-ends et même en vacances. Il ne devait pas travailler cette semaine, mais le voilà sur le terrain, malgré tout. 11h30, fin des visites à domicile mais pas fin de mission. Pierre Leemans rejoint la garde bruxelloise des généralistes. Une autre journée commence.

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