Au Reine Elisabeth, les personnalités s’imposent

Des personnalités flamboyantes, un niveau assez élevé, et peu de place pour les petits égarements : voilà ce que nous inspire la liste des 24 demi-finalistes sélectionnés pour la suite de l’édition 2022 du Concours Reine Elisabeth, consacrée au violoncelle. Une seconde semaine de concours, qui commencera ce lundi à Flagey, où l’on retrouvera Stéphanie Huang, la seule candidate belge de cette édition. [scald=29103400:sdl_editor_representation] Pendant toute la semaine d’éliminatoires, de très beaux musiciens et musiciennes se sont succédé. Et ce sont ceux et celles en pleine possession de leurs moyens qui ont pour la plupart réussi à passer le cap de cette première semaine de concours. Car une chose est certaine : le programme proposé – le « Grave » d’Ysaÿe, une sonate de Boccherini et une pièce choisie entre Hindemith, Jolivet ou Janacek – était discriminant tant du point de vue technique et de la justesse, que du point de vue musical. Les Sonates de Boccherini ont souvent relevé la typicité de chaque concurrent. [scald=29108866:sdl_editor_representation] Douceur et aplomb En demi-finale, on retrouvera ainsi des personnalités très engagées comme celles d’Ella van Poucke, qui vit sa musique de tout son corps, ou d’Erica Piccotti, dont le jeu physique et engagé manque parfois un peu de clarté mais qui impose vraie personnalité. La subtilité et la sensibilité de Taeguk Mun, l’intelligence musicale de Woochan Jeong ou encore la musique vivante et ressentie de Min Ji Kim. [scald=29103401:sdl_editor_representation] Mais le niveau déployé lors de cette première épreuve a aussi poussé à mettre de côté des personnalités intéressantes, lorsqu’elles étaient peut-être moins flamboyantes, ou qu’elles commettaient de petites imprécisions. On pense par exemple au Français Maxime Quennesson, dont la force tranquille, le jeu à la fois investi et délicat, attire mais semble parfois manquer d’ancrage. Au jeune et prometteur Taïwanais En-Chun Lin (20 ans seulement), un musicien inspiré, lyrique et nuancé mais peut-être encore trop discret pour s’affirmer totalement. Au Brésilien Luiz Fernando Venturelli, qui a livré une prestation juste est pensée de bout en bout, et un magnifique Janacek, dans un véritable dialogue avec la pianiste qui l’accompagnait. Ou encore à l’impressionnant Michel Leland Ko affichant d’emblée un impressionnant bagage technique : plénitude du son, netteté des attaques, finesse des nuances en demi-teintes. Une belle présence européenne mais un seul Français Une différence notable par rapport à la première édition du Concours consacrée au violoncelle en 2017 : la faible présence en demi-finale de l’école française (un seul Français est sélectionné). Plus de la moitié des candidats sont par contre Européens (avec aussi de nombreux candidats formés en Allemagne), et les Asiatiques représentent un peu moins d’un tiers des demi-finalistes (la Corée en tête avec cinq violoncellistes). Les couleurs de la Chapelle musicale Reine Elisabeth seront quant à elles portées par cinq candidats, sur dix présentés aux éliminatoires. Parmi ceux-ci, la Belge Stéphanie Huang, qui poursuit un parcours joliment entamé dont on apprécie la maturité et l’approche chaleureuse. Voilà un violoncelle qui chante naturellement. Son jeu, élégant et inspiré, faisait ainsi merveille dans la Sonate en fa majeur de Boccherini, où elle imposait un sens incontestable de la conversation chambriste. Dans le Nocturne d’André Jolivet, on retrouvait cette même incarnation passionnée de la musique, une sorte de force intime et subtile. Parmi nos autres coups de cœur, Anouchka Hack, candidate allemande de 26 ans, réjouissante et captivante, élève de Gautier Capuçon puis de Frans Helmerson, et déjà primée au Verbier Festival. Une musicienne aux multiples visages, extrêmement impliquée dans son interprétation comme le prouvaient ses gestes amples dans Pohádka de Janacek et son engagement total dans le « Grave » de la Sonate pour violoncelle seul d’Ysaÿe. [scald=29103402:sdl_editor_representation] Constantin Heise, autre allemand sélectionné, impressionne quant à lui par la maturité de son jeu malgré son âge (20 ans seulement). Ce qu’il joue est pensé, musical et prometteur. Une musicalité qui a offert de vrais moments de concert cette semaine, lors de la prestation d’Ivan Sendetskiy, offrant de riches et intenses lectures de ses partitions, avec un sens de la nuance et une vraie interprétation, construite. On pense aussi aux prestations de deux candidats issus de la Chapelle musicale Reine Elisabeth : Oleksiy Shadrin et Florian Pons. Le premier est un musicien touchant et impliqué, qui laisse flotter le son et pense les œuvres en détail, avec une vraie puissance et de magnifiques nuances. Le second un musicien subtil, au geste précis, inspiré et assuré, à la classe folle, qui pense la musique avec émotion. Enfin, on mentionnera aussi l’incontestable autorité de James Baik, un musicien accompli qui aime aller à l’essentiel et y va franchement. La splendide sonorité et la réelle jouissance expressive de Ybai Chen, et le jeu très stylé et le bon goût de Petar Pejcic. Voilà autant de violoncellistes talentueux qui laissent présager de beaux moments de musique dès ce lundi.

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