Bénédicte Linard: «Pour une plus grande diversité des arts de la scène»

En Fédération Wallonie-Bruxelles, sur les quelque 300 millions d’euros attribués à la culture, 112 millions sont consacrés aux arts de la scène, essentiellement le théâtre et la musique. Les principaux opérateurs sont subsidiés sur la base de contrats-programmes de cinq ans qui arrivent à terme fin 2023. Puisque les dossiers de subvention doivent être rendus à l’automne 2022, c’est l’un des cycles cruciaux du financement de la culture qui s’amorce en ce moment même. C’est aussi le moment choisi par la ministre de la Culture Bénédicte Linard (Ecolo) pour réviser le décret qui organise ce financement, le rendre plus lisible, plus ouvert à la diversité et plus adapté à la variété des opérateurs des arts de la scène. Cela n’a pas été sans quelques tiraillements, mais le décret est désormais examiné en seconde lecture au gouvernement, et cette semaine ont commencé en Wallonie, bientôt à Bruxelles, des réunions d’information des opérateurs. Pourquoi était-il important de revoir ce décret de financement des arts de la scène ? Primo, pour soutenir la création artistique dans toute sa diversité, et la diversité, c’est aussi l’élargissement à des champs nouveaux tels que l’humour, l’improvisation, etc. Secundo, parce que la culture est un fondement de la démocratie, et que la culture doit pouvoir toucher le plus de monde possible, à chaque âge et quelle que soit sa réalité économique ou sociale. C’est ce qu’on appelle l’effectivité des droits culturels. Tertio, quand on a des politiques à mener avec des deniers publics, on se doit d’améliorer la gouvernance et la transparence chaque fois que c’est possible. Ce décret, parce qu’il rend les choses beaucoup plus claires, plus lisibles, plus transparentes, améliore la gouvernance. Le trajet (pour obtenir un soutien public) est simplifié : qu’on soit jeune artiste ou plus confirmé, personne physique ou personne morale, on indique un chemin de financement, et cette clarté me semblait indispensable par souci de transparence, mais aussi par souci de faciliter l’accès et le soutien. Qu’on n’ait plus besoin d’un guide de 600 pages pour comprendre ce que sont les politiques culturelles en FWB. Diversité des champs ou disciplines, mais aussi diversité culturelle ou de genre : on a senti une certaine frilosité dans le secteur… La frilosité ne portait pas sur l’extension des champs, c’était davantage une crainte a priori relative à la liberté artistique, qui aurait été contrainte par la notion de diversité. Ce n’est pas du tout l’intention, pas du tout ce qui se trouve dans le texte. Les acteurs culturels nous disaient qu’ils ne pouvaient, pour chaque projet, considérer qu’il faut une femme, un homme, etc. La liberté artistique reste un fondement des politiques culturelles. Par contre, ce décret fixe un cadre : il est prévu d’avoir une attention accrue à la diversité de genre, et une diversité représentative de l’interculturalité de la société. Cela se conçoit de manière globale et pas du tout de projet à projet. Je ne vais pas mentir : certains restent frileux. Mais je suis persuadée que, dans des politiques publiques, en 2022, on doit montrer un chemin vers plus de diversité et d’égalité. La société est encore inégalitaire, et le secteur culturel n’est pas représentatif de ce qu’est notre société. Lors de l’appel « un futur pour la culture » (été 2020), une grande attention était portée aux tiers lieux, à la nécessité que les scènes aillent à la rencontre des publics. Retrouve-t-on cela dans le décret ? Complètement. Dans le précédent décret « arts de la scène », il n’existait pas d’objectif. En clair : on ne disait pas pourquoi on donnait des sous à la culture. Ici, on inscrit cinq objectifs : j’ai évoqué le soutien à la création et la diversité globale. Il y a aussi la rencontre des publics. Ce qui signifie élargir le périmètre des disciplines, mais aussi le périmètre des soutiens possibles pour que cette culture s’étale dans un maillage territorial bien plus large. Un autre objectif est d’encourager les collaborations entre acteurs d’un territoire donné, entre autres par des mutualisations, mais aussi, via cette fédération d’acteurs culturels, d’étendre ainsi les possibilités de toucher un public. Etendre les possibilités d’accès à la culture, c’est une ligne conductrice du décret. Le cinquième objectif est de travailler aux rémunérations justes des artistes et techniciens. Ne fût-ce que par la transparence : on développe de manière claire différents outils (bourses, aides aux projets, contrats de création, de service, de diffusion, puis les contrats-programmes). Sacraliser ces outils dans un décret, c’est s’assurer qu’il y aura de manière pérenne des rentrées financières qui vont aller vers les artistes, en ce compris des artistes émergents et des genres artistiques émergents.

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