Athlétisme: le passage de témoin du relais féminin

Le soleil tape dur en ce dimanche matin sur la piste de Louvain-la-Neuve. De quoi inciter les cinq sprinteuses qui ont fait le déplacement depuis les quatre coins du pays et du nord de la France à se protéger en se passant de l’écran total avant d’entamer leur échauffement. « Pas sûr que ça aidera… », lance, un peu provocateur, Rudi Diels, le coach, qui s’apprête à entamer sa session. Rani Rosius, Rani Vincke, Imke Vervaet, Mariam Oulare et Elise Mehuys se racontent les derniers potins du week-end avant de commencer à s’ébrouer. Au même titre que Nora Thiry, absente, et que Cloé Chapeveyer, Alizée Morency Poilvache et Manon Depuydt, blessées, elles ont accepté de se lancer, au début de cette année, aux côtés de l’entraîneur louvaniste, dans un projet ambitieux de relais 4 x 100 m qui, si tout se passe comme prévu, devrait les emmener cet été à l’Euro de Munich. Un exploit qui serait une première depuis l’édition 2012, à Helsinki, celle de la dernière apparition d’un relais 4 x 100 m féminin à ce niveau et la fin d’une époque… « Je pense, effectivement, qu’on peut y arriver », confirme Diels, qui a fait ses calculs. « Sur base des chronos de l’an dernier, avec des filles qui doivent courir en moins de 11.80 (100 m) ou 23.6 (200 m), on devrait pouvoir tourner en 43.90, qui était le temps limite pour l’Euro 2020 de Paris qui a été annulé à cause du covid. » L’héritage de l’équipe de 2008 L’homme sait de quoi il parle. Pendant les dix premières années de ce siècle, il a été à la barre de l’une des plus grandes « success stories » de l’athlétisme belge, celle qui a vu la Belgique décrocher sa médaille d’or la plus improbable, sur 4 x 100 m féminin, lors des JO de Pékin 2008 grâce à Olivia Borlée, Hanna Mariën, Elodie Ouedraogo et Kim Gevaert. « À l’époque, on avait, c’est vrai, eu un peu de chance avec les éliminations, pour passage de témoin manqué, des Etats-Unis et de la Jamaïque, qui nous étaient intrinsèquement supérieurs, mais c’est la loi du 4 x 100 m et ce qui le rend si spectaculaire ! », explique-t-il. Le mérite des Belges était ailleurs. Elles avaient annihilé leur déficit de vitesse grâce à une perfection technique dans les échanges du bâton qui s’était construite au fil des ans, à partir de 2001 et de la première sélection du quatuor pour les Mondiaux d’Edmonton où elles partaient de très loin. « Des collègues étrangers m’ont souvent interrogé sur le sujet à l’époque… » Cette qualité de passage de témoin, c’est ce qui conduira -ou non- à nouveau les Belges vers les sommets dans les années à venir. Sur l’anneau de LLN, les cinq coureuses présentes travaillent cette partie essentielle de leur épreuve sous le regard du coach qui, fort de son expérience à 58 ans, sait quand et comment les corriger. « En 2008, j’avais 8 ans et je ne m’intéressais pas du tout à l’athlétisme », reconnaît Rani Rosius, la sprinteuse nº1 actuelle et « la » figure de ce relais, dont l’entraîneur, Johan Baerts, a été intelligemment intronisé adjoint de Diels. « À l’époque, tout ce qui m’intéressait, c’était la gymnastique. Je ne veux pas que nous nous érigions en héritières de l’équipe de l’époque ; il faut que nous construisions notre histoire. Mais ce que le 4 x 100 m a réussi à Pékin est évidemment très inspirant ! » Pour aller à Munich, cet été, les Belges devront réussir l’un des 16 meilleurs temps européens d’ici à la date limite de qualification du 26 juillet. Un temps établi sur la somme des deux meilleurs chronos réussis d’ici là. Trois rendez-vous ont déjà été programmés : le 28 mai à l’Ifam à Oordegem, le 3 juin à Regensburg (Allemagne) et le 11 juin à Genève. « On y verra plus clair après ça. » Les deux ligues régionales ont accepté de marcher dans le projet, comme elles l’ont fait pour l’équipe de 4 x 100 m masculin dirigée, elle, par Lieve Van Mechelen. Et pour qu’il n’y ait pas de discussion, ce seront les 5 ou 6 filles les plus rapides de l’année qui seront sélectionnées. Avec des records actuels à 11.62 et 23.85, Mariam Oulare espère bien en être. Il y a trois ans, elle avait « explosé » en raflant, à 16 ans, le record de Belgique scolaire du 60 m en salle à Kim Gevaert. Étudiante en droit à Lille – elle vient de boucler sa deuxième année et aimerait se diriger vers le droit du sport –, la fille de l’ancien attaquant d’origine guinéenne du RC Genk, Souleymane Oulare, et sœur d’Obbi, qui a bouclé la saison au RWDM, veut se concentrer cette saison sur le 200 m. « Mais le relais, c’est de l’expérience en plus, c’est hyper amusant et inspirant. Je ne me voyais pas dire non à cette aventure. » Le choix douloureux d’Imke Vervaet Imke Vervaet, 29 ans et doyenne de l’équipe, elle, se tâte encore. Spécialiste du 200 m, elle fait aussi partie du relais 4 x 400 m avec lequel elle a atteint la finale olympique l’été dernier et est consciente que si les deux équipes devaient être présentes à Munich, il lui faudra faire un choix. « Pour l’instant, j’aime faire les deux, tant que je peux trouver le temps de m’entraîner le week-end », dit celle qui est avocate quand elle range ses spikes. « Mais je crois en ce projet, j’aime ce groupe très jeune même si les filles rient régulièrement de moi et de mon âge ! » Histoire de prendre sa revanche, la Gantoise a suggéré que l’équipe adopte le surnom de « Belgian Turtles » (les tortues belges) à l’heure où chaque formation sportive noir-jaune-rouge est désormais affublée d’un sobriquet. La proposition a évidemment été rejetée. Pour l’instant, à l’instigation de Rudi Diels, les filles préfèrent attendre encore un peu avant d’en trouver un. « Un surnom, c’est sympa », conclut Rani Rosius, en pleine réflexion sur le sujet. « Mais on attendra d’être qualifiées pour l’Euro pour le trouver ! » Une belle motivation.

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