Les forces spéciales américaines renvoyées en Somalie

A peine retirés, aussitôt rappelés : les unités des forces spéciales américaines font leur retour en Somalie, sur décision du président Joe Biden et en contradiction avec la décision prise par son prédécesseur à la Maison Blanche, Donald Trump. Les révélations du New York Times lundi font état d’une menace tangible pour les intérêts américains, incarnée par les milices islamistes al-shebab et qui justifie ce retour en force dans la corne de l’Afrique. Environ 450 hommes pourraient être déployés sous peu, en remplacement des 700 rapatriés par le précédent chef de l’État américain. En parallèle, Joe Biden a approuvé par un deuxième décret exécutif les pleins pouvoirs au Pentagone pour la traque et l’élimination des chefs d’une douzaine de milices al-shebab, qui firent allégeance à al-Qaïda en 2012. Depuis son investiture, le 20 janvier 2021, l’actuel locataire de la Maison Blanche avait très sérieusement limité les frappes de drones tueurs, déclarant qu’il était « temps de mettre fin à la guerre éternelle », cette lutte anti-terroriste entrée dans sa troisième décennie depuis les attentats du 11-Septembre. Concrètement, il était désormais interdit aux officiers sur le terrain, hors zone de guerre, de procéder à de tels tirs ciblés. Il s’agissait d’éviter le retour aux années Obama, lors desquels d’innombrables frappes de drones, jusque dans les territoires tribaux du Pakistan, auraient causé plusieurs milliers de victimes civiles. [scald=29107031:sdl_editor_representation] L’initiative émane du secrétaire à la Défense Lloyd Austin et remonterait à une requête formulée dans les premiers jours de mai. Il s’agissait, explique la porte-parole du Conseil de sécurité nationale Adrienne Watson, de « créer les conditions d’une lutte plus efficace contre les al-shebab » : « La décision de réintroduire une présence persistante a été prise afin de maximiser la sûreté et l’efficacité de nos forces et de permettre un soutien plus efficace de nos partenaires » kenyans et somaliens. Elle fait suite également à plusieurs attaques meurtrières des shebab, notamment contre Camp Simba, la base américaine de Manda Bay, au Kenya, le 5 janvier 2020 (3 Américains tués). Les cibles principales seraient les insurgés impliqués dans l’élaboration d’attentats à l’étranger. Leurs effectifs estimés entre 5.000 et 10.000 combattants, voués à imposer une forme ultra-rigoriste de l’islam, « les shebab constituent une très réelle menace pour la Somalie, la région, la communauté internationale et même le territoire américain », avertissait déjà en mars 2020, devant le Congrès, le général Stephen Townsend, patron de l’African Command au Pentagone depuis l’année précédente. [scald=29107032:sdl_editor_representation] L’inquiétude américaine remonte au 1er juillet 2019, lorsqu’un ressortissant kenyan nommé Cholo Abdi Abdullah est arrêté aux Philippines et extradé vers les Etats-Unis. Agé de 30 ans, Abdullah prenait des cours de pilotage depuis 2016 à Manille, s’était renseigné sur les techniques d’intrusion dans un cockpit en vol et les tours les plus hautes d’Amérique. Le 16 décembre 2020, Abdullah a été inculpé par le tribunal fédéral de Manhattan et encourt la réclusion à perpétuité. « C’est une nouvelle preuve tangible que nous avons la mémoire courte, au contraire d’al-Qaïda », confiait alors Bruce Hoffman, du Council on Foreign Relations à New York. « Ils sont convaincus de pouvoir ébranler l’économie mondiale en se servant une fois de plus de l’aviation civile commerciale et c’est pour cela qu’ils y reviennent sans cesse. » En 2020, la Defense Intelligence Agency confiait à l’inspection générale du Pentagone ses préoccupations quant à une seconde menace liée aux shebab : l’existence d’une forte communauté somalienne sur le sol américain, susceptible d’abriter des cellules dormantes ou des loups solitaires. L’agence de renseignement évaluait la menace faible mais relevait la détermination affichée par les groupes islamistes somaliens à « tuer des Américains où que ce soit ».

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