L’armée belge veille au bien-être de ses soldats

Partis début mars à Constanta, en Roumanie pour une mission de protection et de dissuasion de l’Otan suite l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les 250 militaires belges, essentiellement issus de Marche-en-Famenne et d’Amay, vont revenir au pays à la mi-juillet. « Tout le monde sera rentré au pays pour le 15 juillet au plus tard », a annoncé dimanche Ludivine Dedonder, la ministre de la Défense. Avec ce retour, pas de rotation avec d’autres militaires belges. Ce sont des Néerlandais qui prendront le relais dans le cadre du rôle organisé parmi les partenaires de l’Otan. Sur place, pas question de combats jusqu’à présent. Le quotidien des troupes, sous commandement français, est rythmé par des entraînements pour parer à toute éventualité et assurer la protection du territoire situé à une centaine de kilomètres de la ligne de front. Pour des raisons de sécurité, durant la majeure partie de leur séjour, les militaires sont privés de leur téléphone portable. Ils disposent d’une connexion Wi-Fi pour rester en contact avec leurs proches mais comme ils sont très nombreux à l’utiliser, la qualité des échanges n’est pas optimale. Pour les militaires en opération, comme pour les familles qui restent au pays, la communication est un élément essentiel au bien-être. La Défense est consciente qu’un militaire bien dans sa peau est bien dans sa tête. Elle s’y attelle dans son plan de réforme né de l’affaire Jürgen Conings. [scald=29109083:sdl_editor_representation] « Dans notre pilier, il y avait certaines faiblesses », constate le général-major Pierre Neirinckx, directeur général Santé et Bien-être de la Défense. « Le fait qu’on ne regardait pas trop les autres piliers a amené des soucis. L’affaire Conings a été un révélateur du besoin d’une meilleure collaboration entre les services. Mieux partager et collaborer amène des résultats. On a pris conscience que lorsqu’il y a un trou dans une tranche de fromage et que les tranches sont mal alignées, on va à la catastrophe. Chacun avait un morceau du fromage et l’alignement des trous l’un en face de l’autre amène ce type de situation. » Face à un enfant-soldat A son retour de mission, un militaire n’est pas obligé de consulter un service psychosocial. Même s’il a vécu des choses difficiles. « Le patient a le droit de refuser de consulter », rappelle le général. « Ce qu’il faut, c’est le suivre tout au long du processus et l’inviter à consulter. On doit sensibiliser nos cadres et nos militaires au fait que tout ce qu’ils vont faire, voir et entendre peut générer une blessure qui pourrait avoir un impact sur leur manière d’être dans le futur. Il faut intégrer ça dans l’entraînement avant le départ. On essaie de le faire depuis longtemps mais on n’a peut-être pas toujours trouvé la bonne méthode. Comment réagir face à un enfant-soldat qui menace de vous tirer dessus ? Comment réagir lorsqu’on a cinq blessés graves qui requièrent des perfusions mais qu’on n’a que quatre perfusions ? » Lors de leur retour de mission, il est arrivé que des militaires belges passent quelques jours à l’hôtel ensemble. Une étape que la Défense appelait un sas de décompression avant de retrouver les proches mais qui ne s’applique plus aujourd’hui ou rarement. « On se focalise trop sur la solution en fin de course », estime le général Neirinckx. « Le sas fait sens dans certaines circonstances. S’il ne se passe rien, ça peut générer de l’ennui et de potentiels dépassements des normes. Le sas ne va pas les résoudre. Ce qui va résoudre ces problèmes, c’est de très vite impliquer ceux qui jouent le rôle de censeurs. Ils doivent déterminer quelle est l’ambiance dans le groupe. Le commandement, le monde médical, tout le monde doit se rendre compte que ça ne tourne pas rond. Ils doivent développer une boîte à outils dont fait partie le sas. Il faut identifier les circonstances qui font que ça nécessite une présence ponctuelle ou régulière d’un aumônier ou d’un conseiller en prévention. Il faut aussi envisager la possibilité d’un retour au pays si on sent que quelque chose ne se passe pas bien ou s’il s’est passé un événement grave auquel nos soldats ont été confrontés. » Prise de conscience Le directeur général de la Santé et du Bien-être à la Défense le concède, l’affaire Conings a fait prendre conscience d’un manque cruel de communication et d’échanges d’informations entre les services. « Le bien-être ne touchait pas à la partie ressources humaines ou à l’enseignement et personne ne touchait au bien-être », illustre-t-il. « Quand il y avait un dépassement de la norme, chacun agissait dans son seul pilier. L’affaire Conings a permis de dire qu’au-delà du seul extrémisme, il y a plein de situations professionnelles qui pourraient mener à une meilleure coopération entre services. On est sur la bonne voie. Des adaptations sont menées. » Cette réforme se traduit par la création de la plateforme bien-être. Elle est basée sur quatre entités : le service social, le centre de santé mentale, le service d’assistance morale et religieuse ainsi que les conseillers en prévention. « On se réunit de manière régulière », explique le général Neirinckx. « On discute de tous types de dossiers, dont l’extrémisme. On peut avoir plusieurs angles de vue. On peut percevoir un dysfonctionnement dans une unité. On peut sentir sur les réseaux sociaux quelque chose qui n’est pas normal. Qui mieux que nos aumôniers pour parler d’antisémitisme ? » « Ce qui se passe dans la société civile a un impact sur l’organisation de la Défense. On ne doit pas voir que l’individuel mais le collectif. La Défense n’est qu’un élément de la société », ponctue le général Pierre Neirinckx.

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